
Actualités : AFFAIRE DU GENDARME EVADE DE LA PRISON DE BEJAIA Le journaliste du “Soir d’Algérie” devant les juges
A défaut de la présence du véritable coupable, en l’occurrence
l’ex-gendarme évadé de la maison d’arrêt de la capitale des Hammadites qui
devrait répondre des chefs d’inculpation retenus contre lui dans diverses
affaires, liées au vol d’armes de guerre, tentative d’assassinat, agression
à main armée et évasion préméditée de la prison, c’est notre journaliste
Kamel Gaci qui a été convoqué devant le tribunal pénal de Béjaïa lors de son
audience ordinaire d’hier pour avoir rencontré le fugitif en question qui
lui avait accordé un entretien dans nos colonnes et ensuite sa
non-dénonciation par notre journaliste aux services de sécurité.
Rappelons
que cette affaire d’évasion de la prison de Béjaïa, qui a eu lieu en avril
dernier, avait fait couler beaucoup d’encre puisqu’au lendemain de cette
dernière, des centaines de prisonniers dudit centre de rééducation ont tenté
une spectaculaire évasion en réussissant à investir les toitures du centre
en question durant plusieurs heures.Il aura fallu d’intenses dialogues entre
les instances judiciaires et les parents de jeunes prisonniers avec les mis
en cause pour calmer la situation. Mouloud Redjal, ex-gendarme, arrêté en
novembre 2001 à Souk-El-Tenine sur la côte est de Béjaïa par des citoyens de
la localité, après avoir agressé un citoyen avec une kalachnikov volée de sa
caserne de Bouhatem relevant de la wilaya de Mila en vue de lui subtiliser
son véhicule, a été condamné à dix ans de réclusion. L’exgendarme, qui
purgeait sa peine à Béjaïa, a fini par s’enfuir de la prison après avoir
monté un scénario hollywoodien. Après plusieurs jours de cavale, le fugitif,
voulant expliquer à l’opinion publique les raisons qui l’ont forcé à
déserter sa caserne avec une arme de guerre et les causes qui l’ont poussé à
prendre la poudre d’escampette de la maison d’arrêt, a fini par avoir un
rendez-vous avec Kamel Gaci, notre journaliste à Béjaïa. Ce dernier, après
avoir mûrement réfléchi et après avoir pris toutes les dispositions
nécessaires vis-à-vis des forces de sécurité, a rendu visite au fugitif qui
lui a longuement parlé de sa détention et de sa désertion, ce qui a été
rapporté dans nos colonnes. L’ex-gendarme lui a remis une paire de menottes
avec lesquelles il s’est enfui au moment de son transfert à l’hôpital. Une
fois celles-ci remises à l’ex-procureur de la République près le tribunal de
Béjaïa, ce dernier a préféré porter l’affaire devant le tribunal, inculpant
le journaliste de non-dénonciation du fugitif. Reporters sans frontières
(RSF),
qui a été saisi de cette énième affaire, touchant les journalistes
algériens, avait immédiatement rendu publique une déclaration dans laquelle
il dénonce l’inculpation du journaliste : “C’est en tant que journaliste que
Kamel Gaci a été contacté par le fugitif non pas en tant que complice. Même
si un journaliste n’est pas un citoyen au-dessus des lois, les règles de
déontologie l’obligent à protéger sa source. Il serait inadmissible qu’il
subisse cette peine”, lit-on dans la déclaration de RSF. Le tribunal de
Béjaïa a examiné l’affaire hier. Le procureur de la République, à l’issue du
procès, a demandé lors de son réquisitoire l’application de la loi, tandis
que maître Fawzi Hammoudi, qui a assuré la défense du journaliste, a demandé
la relaxe pure et simple du prévenu puisque ce dernier a bel et bien pris
toutes ses dispositions avant de rencontrer le fugitif en question. Le
verdict sera prononcé le 28 février prochain. R. N.
LA CORPORATION INDIGNEE
- M. Omar Belhouchet, directeur de la publication d’“El Watan”
“Je suis scandalisé par cette décision. La machine judiciaire est en
train de sévir de la manière la plus forte possible. Après nos deux
collègues des journaux arabophones, il faut s’attendre à ce que les
journalistes peuplent les prisons. Ce n’est pas uniquement le problème des
journalistes, c’est un problème de société, d’expression et d’option pour le
pays. Faut-il revenir au parti unique et à l’autoritarisme ? Dans ce cas-là,
que nos dirigeants aient le courage de le dire clairement ou d’opter pour
une voie de liberté, de démocratisation, et dans ce cas de figure, les
journalistes n’ont rien à faire en prison. Nous allons être la risée du
monde entier avec ces condamnations à la pelle. Ce n’est plus le régime
qu’on met en cause mais c’est l’Algérie en entier qu’on salit.”
- M. Abdelkrim Ghezali, directeur de la rédaction de “La Tribune”
“Nous sommes contre l’emprisonnement des journalistes. C’est un principe
que nous défendons. Un journaliste n’est pas un criminel, c’est un être
humain qui peut faire des erreurs. Dans ce cas précis (celui du Soir
Algérie, ndlr), c’est une erreur qui ne mérite même pas un procès, encore
moins une condamnation sévère. La justice doit arrêter cette cabale et cet
excès de zèle. Au moment où les terroristes réintègrent la société, on
emprisonne des journalistes. Il est temps que la presse se structure aussi
bien pour mettre en place un code d’éthique qu’un syndicat qui transcende
les clivages politiques pour défendre les intérêts des journalistes”.
- Mme Hadda Hzam, directrice de la publication d’“El Fedjr”
“La corporation est habituée à ce genre de procès. Je pense que la
situation ne risque pas de changer tant que les journalistes ne font pas
preuve de solidarité. Lorsque la grande majorité est muette, on ne peut pas
faire front.”
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