Panorama : LETTRES D'ESPOIR Sidi Abdallah, avril 2175 Par Ma�mar FARAH [email protected]
Lorsqu�ils p�n�tr�rent dans le Forum, immeuble mythique de Sidi Abdallah
� capitale du territoire de Mezghenna � construit en 2085, Kamel et ses amis
�taient loin de se douter qu�ils allaient � la d�couverte d�un secret
jalousement gard� par les templiers, ces dirigeants de l�ombre dont on ne
voyait jamais les visages et qui vivaient dans la cit� interdite de
Mahelma.
Les amis de Kamel avaient peur : si l�autorit� venait � apprendre qu�ils
avaient mis les pieds dans ce sanctuaire, ils se verraient infliger une
lourde peine de prison dans la sinistre prison de Hammaguir. Mais la bande
voulait avoir le c�ur net : le monde existait-il avant la bombe ? L�histoire
officielle s�arr�tait � une �re trouble que l�on d�signait sous le vocable
de �Second Moyen-�ge� et qui se situait entre l�an 2000 et 2007. Tout ce qui
s��tait pass� avant cette date �tait occult� et rares �taient les personnes
qui poss�daient quelques bribes d�informations sur le monde d�avant le XXIe
si�cle. Kamel avait pos� la question � son professeur : �Si le monde
n�existe que depuis l�an 2000, que signifie alors cette date ? Ne
devrait-elle pas �tre l�ann�e z�ro ?� Le professeur n�avait pas r�pondu � la
question qui triturait l�esprit de Kamel. L�endroit �tait humide. La bande
avan�ait au milieu de d�chets divers. Sur un mur, l�un d�eux remarqua une
ouverture. Ils s�y engouffr�rent rapidement et furent surpris de d�couvrir
une salle presque intacte avec un �cran g�ant et un appareil de projection
vid�o d�une vieille technologie : l�Ultra Haute D�finition qui �tait
totalement d�pass�e par les nouvelles formes d�images t�l�port�es gr�ce � la
physique quantique. Les �l�ments du groupe s�assirent sur les fauteuils
demeur�s miraculeusement debout de cette ancienne salle de cin�ma num�rique.
Kamel appuya sur le bouton d�allumage du vid�o-projecteur et le film
d�marra. Il s�ouvrait sur la p�riode du �Second Moyen-�ge�. Les images
refl�taient la grande inqui�tude qui s��tait install�e dans le monde
unipolaire de l��poque. Une succession d��v�nements internationaux avaient
pr�cipit� la plan�te dans le chaos. Ce fut le grand d�sordre du 16 juin
2007, date � laquelle le troisi�me conflit mondial se transforma en une
v�ritable guerre nucl�aire. Toute la plan�te fut pratiquement touch�e et
seules quelques r�gions avaient �t� �pargn�es. Emu, le commentateur arrivait
difficilement � lire son texte sur fond de vieilles images num�riques � la
qualit� douteuse : �Comme pour le pr�c�dent conflit mondial personne n�avait
fait attention � la folie guerri�re d�un certain George W. Bush, pr�sident
des Etats-Unis d�Am�rique qui sut exploiter le syst�me d�mocratique de son
pays pour grimper les �chelons et s�imposer sur les sc�nes nationale et
internationale comme le grand leader du monde. �L�agression de l�Irak, qui
se fit dans un silence mondial complice, rappelait l�invasion de la Pologne
par l�Allemagne de Hitler. Apr�s l�Irak, l�app�tit insatiable de ce dernier
mena ses troupes vers un autre pays du Moyen-Orient : la Syrie. La guerre,
qui �clata fin 2006, fut particuli�rement meurtri�re. Poursuivant sur sa
lanc�e, il tenta d�envahir l�Iran en 2007, qui refusait de r�pondre aux
exigences d�une agence internationale de surveillance, install�e par les
pays n�o-imp�rialistes pour emp�cher le Tiers-Monde d�acc�der aux
technologies nucl�aires. A ce moment-l�, personne ne soup�onnait l�Iran de
d�tenir la bombe atomique et lorsque les troupes am�ricaines envahirent la
Perse, les Iraniens firent exploser leur engin en plein c�ur de Tel Aviv.
Les Isra�liens r�pliqu�rent en l�chant six bombes atomiques sur les
principales villes iraniennes. �Russes, Am�ricains, Chinois et Pakistanais
ne tard�rent pas � se mouiller, au prix de multiples interventions
nucl�aires qui souffl�rent la plan�te. Le troisi�me conflit avait �clat� fin
mai 2007 et le 16 juin, ce fut la d�flagration g�n�rale. �Les grandes
civilisations furent ray�es de la carte et l�ensemble de la population
�pargn�e par les radiations dut se r�soudre � vivre dans des abris
souterrains sp�cialement am�nag�s. Apr�s plusieurs d�cennies, on d�cida de
sortir � l�air libre, se prot�geant des radiations mortelles � l�aide
d�immenses bulles couvrant les nouveaux territoires. R�alis�es dans une
nouvelle substance faite d��crans en polym�re, ces bulles avaient l�avantage
de restituer, en repr�sentation holographique Tr�s Haute D�finition, les
images r�elles du ciel, tel que l�avaient connu les anciens. �La bulle du
territoire de Mezghenna s��tendait du Spatiodrome de la Concorde, situ� pr�s
de Dar-El-Be�da, � Tipaza. Au Nord, les autorit�s avaient d�cid� de pousser
les limites vers le large, malgr� les avertissements des scientifiques qui
mettaient en garde contre la contamination des eaux sal�es de l�ancienne mer
M�diterran�e. Mais, on tenait � profiter des plaisirs de la plage, malgr�
tout. Quelques soleils artificiels install�s sous la vo�te, tout au long du
rivage, permettaient m�me aux accros du bronzage de dorer leurs peaux �
n�importe quel mois de l�ann�e. �Et le vrai soleil ? allez-vous nous dire.
Depuis pr�s de deux si�cles, il �tait pratiquement invisible � partir de la
Terre ! Certes, sa chaleur �tait toujours l�, sinon l�esp�ce humaine aurait
�t� totalement d�cim�e. Mais les tonnes de nuages soulev�s par l�explosion
le masquaient � la vue des hommes et cela pouvait durer des si�cles encore.
Pour l�observer, il suffisait de grimper au-del� de l�atmosph�re terrestre
et, heureusement, que cela �tait possible gr�ce aux fus�es de l�Agence
spatiale mezghennie� La lumi�re, revenue soudainement, fit mal aux yeux de
Kamel qui, instinctivement, s�en prot�gea d�un geste de la main. Quand ses
yeux s�habitu�rent � la forte luminosit� des lampes, Kamel aper�ut, dans une
esp�ce de biblioth�que murale, un dossier avec la mention �Tr�s secret�. Il
proposa aux autres membres du groupe de voir ce qu�il contenait. Il y avait
des papiers et un film qui fut aussit�t projet�. C��tait un documentaire de
l�arm�e. On y voyait des barbus arm�s ex�cuter des gendarmes dans de beaux
d�cors verdoyants. Ensuite, les bandits br�l�rent les v�hicules de la
gendarmerie. Dans la sc�ne suivante, on pouvait voir les barbus jeter sans
m�nagement les corps sans vie des militaires qu�ils pi�tin�rent de toutes
leurs forces. Les sc�nes devenaient insupportables. Kamel arr�ta la
projection. C��tait l�horreur. Interloqu�s, les membres de la bande ne
comprenaient plus rien. Que veut dire tout cela ? Kamel tira un papier du
dossier �Tr�s Secret� et lut le petit texte �crit dans un vieil arabe :
�Ceci est le t�moignage de ceux qui refusent d�oublier, ceux qui ont jur� de
faire parvenir aux g�n�rations futures la v�ritable image de la barbarie
int�griste afin qu�ils sachent que leur pays �tait peupl� de h�ros qui
sauv�rent l�Alg�rie et le Maghreb de la terreur talibane. Un jour, les
enfants de l�Alg�rie d�couvriront ce t�moignage et sauront que tout ce qu�on
leur racontera dans les si�cles futurs sur ce qui s�est r�ellement pass� est
un tissu de mensonges. Nous avons jur� de t�moigner. Au moment o� le monde
va s��crouler sous les bombes atomiques, nous avons eu peur que l�histoire
de ce pays soit travestie et avons d�cid� de laisser ces traces.
Alger, le 14 juin 2007.�
Kamel ne comprenait plus rien : qu�est-ce que l�Alg�rie ? Il connaissait le
territoire de Mezghenna et n�avait jamais entendu parler d�un territoire
nomm� Alg�rie. Quant � la barbarie d�avant la bombe, il n�en savait rien.
Mais, fils de ces m�mes vallons qui surplombent Sidi Abdallah, il �tait fier
des gendarmes d�avant le �Second Moyen-�ge�. Alg�rie ? Un joli nom.
Al-g�-rie : debout devant l��cran lumineux, Kamel et ses amis s��taient mis
au garde-�-vous en scandant Al-g�-rie ! D�sormais, ils savaient que des
h�ros avaient sauv� ce pays. Alg�- rie, tu peux �tre fi�re de tes
baroudeurs, de tes intellectuels et de tous tes hommes libres ! Kamel et ses
amis �taient satisfaits de leur visite au vieil immeuble de Sidi Abdallah.
D�sormais, tout le monde saura ce qui s��tait r�ellement pass� sur le
territoire de Mezghenna qui s�appelait jadis Alg�rie. Al-g�-rie : un joli
nom�
M. F.
P. S. : Ce 14 mars, c��tait avant-hier, nous avons eu une pens�e
�mue pour le c�l�bre prisonnier d�El Harrach. Dans trois mois exactement, il
sera libre. Libre et fier d�avoir r�sist� � la tentation de baisser la t�te.
�Irfa� rassek ya Mohamed Benchicou !� L�Alg�rie du travail et de l�effort,
celle de la faim et des privations, celle de la dignit� et de la bravoure ;
l�Alg�rie des gens humbles et debout t�attend�
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