P�riscoop : BAZOOKA
D�sabusement
PAR MOHAMED BOUHAMIDI
mbouhamidi2001@yahoo.fr


Le vieillard est quand m�me atteint. Il garde bon �il mais l'isolement lui p�se. D�j� quand il a repris les armes, les gens du village lui ont montr� de l'hostilit�. Cette hostilit� manifeste qui voulait dire : nous le d�sapprouvons. On ne sait jamais. Les terroristes pouvaient croire � une complicit� avec le vieux ancien moudjahed et le lui faire payer. Il n'en veut pas aux voisins d'avoir voulu sauver leur peau et d'avoir cru qu'ils le pourraient en se soumettant.
Lui ne croyait pas � la soumission. Trop de ses anciens compagnons de maquis de la guerre de Lib�ration avaient fini sous les balles ou le couteau. Et puis, c'est son pays ! Il l'a bien lib�r�, non ? De quel droit voulait-on lui imposer de nouvelles conduites, de nouvelles fa�ons de penser, de nouvelles mani�res de vivre ? Ses enfants l'ont suivi dans cette voie. Ils ont pris les armes comme de nombreux, de tr�s nombreux citoyens de la r�gion. Deux de ses fils en sont morts. Ils les a enterr�s puis a v�cu dans le vide indicible de leur perte. Quand les premiers repentis sont revenus, ils ont plastronn�. La solitude est devenue plus forte, plus nette, plus pesante. Mais ce coup-l� il ne s'y attendait pas. Ou peut-�tre si, mais sans trop y croire. Comme on n'arrive pas � croire � l'injustice criante, comment peut-on croire au d�ni de la mort ? Celles des innocents, du b�b� au vieillard et celle des patriotes. Alors, toute visite � son domicile lui ouvre une fen�tre, lui ram�ne un peu de lumi�re et le relie � quelque chose d'ind�finissable : l'existence d'hommes avec qui il partage une id�e et la conviction d'avoir bien fait de r�sister. Il ne dit pas grand-chose de cette nouvelle chose. Les autres sont dehors, arrogants, ostentatoires, vainqueurs. Car c'est bien le vaincu. Il le sait. Il n'est pas le seul. Plus loin, tr�s loin, d'autres hommes ont pris les armes. On les appelait aussi des patriotes. Quand ils ont r�tabli la s�curit� dans leur r�gion, ils n'avaient plus de travail ni d'argent. Quelques-uns ont voulu reprendre le chemin de l'usine. Impossible, leur a-t-on r�pondu. Ils ont �t� licenci�s pour abandon de poste. Et ils n'ont aucun recours, absolument aucun. A part une forme d'amertume au creux de l'estomac. Tout le monde sait qu'ils ne commettront ni chantage ni nuisance. Ils vont juste penser et repenser � ce qui s'est pass�. Leur dernier acte d'hommes libres.
M. B.

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