Panorama : A FONDS PERDUS
Racistes et fiers de l'�tre
Par Ammar Belhimer
ammarbelhimer@hotmail.com


La France ne sait plus o� donner de la t�te avec ses immigr�s. Les �meutes de ses banlieues ne sont que la face visible de l'iceberg. Elles traduisent des pouss�es de fi�vre qui n'ont pas encore livr� tous leurs secrets. L'exclusion a pour corollaire le repli sur soi, voire la constitution de ghettos communautaires et au-del� une sorte de �th�ophorisation� de la filiation � au sens o� elle �voque Dieu, ses attributs ou les vertus du croyant.
Ainsi, le recensement des pr�noms donn�s � leurs enfants par des familles originaires du Maghreb en 2005 pour le d�partement de la Seine-Saint-Denis fait arriver en t�te Mohammed pour les gar�ons et In�s pour les filles. A l'�chelle du pays tout entier, Mohammed arrive largement en t�te des choix pour les gar�ons, suivi par Mehdi, Sofiane, Karim, Samir, Yassine, Youssef, Abdallah, Abdelhakim, Abdelkader, Ali, Bilal, Na�m, etc. Autant de pr�noms � consonance religieuse. Pour les filles, on trouve, par ordre d�croissant de fr�quence : In�s, Sarah, Sabrina, Sonia, Anissa, Nadia, Leila, Myriam, mais aussi Achoura, A�cha, Fatima, Fatma, Hawa, Medina, Zineb, Zohra... Certains ont cru pouvoir associer la r�ussite des filles � l'occidentalisation de leurs pr�noms. Il n'en est rien. In�s que certains croient pouvoir associer � la forme portugaise et espagnole d'Agn�s est en fait une transcription phon�tique du pr�nom de langue arabe �n�s, qui signifie "bienveillance, caresse, compagne". Sonia, qui est la forme slave du pr�nom Sophie, est prise souvent comme transcription du pr�nom arabe Saniyya, signifiant "�lev�e, haute, sublime". Nadia est � la fois un pr�nom d'origine slave (diminutif de Nad�ge) et la transcription dans l'alphabet latin d'un pr�nom arabe qui signifie "g�n�reuse". Sabrina �voque le mot arabe Sabr qui signifie "patience". Etc. Jusqu'� quand la communaut� arabe �migr�e gardera patience face � tant de m�pris et de rejet ? Le rapport remis au gouvernement fran�ais, mardi dernier, � l'occasion de la Journ�e mondiale contre le racisme par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), fait �tat pour 2005 d'une situation alarmante en mati�re d'actes racistes, antis�mites et x�nophobes. Le nombre de personnes s'avouant racistes est en hausse et les opinions x�nophobes se radicalisent. Une �volution de l'opinion fran�aise que le CNCDH juge "particuli�rement inqui�tante". Dans un sondage r�alis� par l'institut CSA, 63 % des personnes interrog�es estiment personnellement que "certains comportements peuvent justifier des r�actions racistes", ce qui d'apr�s la Commission correspond "incontestablement � la lev�e d'un tabou". Plus de la moiti� des Fran�ais estiment trop important le nombre d'�trangers (56%) et d'immigr�s (55 %). 63% consid�rent que les musulmans constituent un groupe � part. �Alors qu'en 2004, dans un contexte marqu� par de nombreuses agressions racistes et antis�mites, l'attitude �tait plut�t � l'indignation, au soutien aux victimes des violences et des discriminations, et � la demande de sanctions accrues contre les auteurs de ces actes, en 2005, ce sont les immigr�s qui sont per�us comme une menace�, commente le quotidien parisien Le Monde. Prise dans un contr�le policier, Eunice Barber n'a pas �t� sauv�e par la m�daille olympique qu'elle a offerte � la France. Parce qu'elle est noire, elle a eu droit r�cemment � sa �claque dans la gueule�, et � cette autre insulte raciste : �Tu crois qu'on fait �a en Afrique.� Ce que Eunice Barber a racont�, vendredi � la presse, de son interpellation samedi dernier, et ce qu'elle a v�cu comme supplices dans les commissariats de Saint-Denis et de Bobigny est terrifiant. - �Vous savez, une Black dans le 93 qui se fait interpeller, c'est une gifle.� Jusqu'� ce que ses interlocuteurs apprennent qui elle est. �D'un coup, tout le monde a voulu �tre tr�s gentil, s'est indign�e Barber, mais moi, je veux vivre normalement, je veux �tre trait�e en tant qu'�tre humain, pas en tant que Eunice Barber.� Le rapport de la CNCDH relie ces nouvelles tendances � une mont�e de l'angoisse �conomique qui l'emporte loin devant les pr�occupations de s�curit� : 66 % jugent que le nombre d'immigr�s excessif pose un probl�me dans le domaine de l'emploi et du niveau de ch�mage, alors que seulement 14 % des personnes interrog�es estiment que le nombre d'immigr�s pose un probl�me de s�curit�. La CNCDH met en garde le gouvernement contre le fait que, "dans un contexte de malaise �conomique et social fortement ressenti, les �trangers et les immigr�s sont souvent sinon d�nonc�s, du moins stigmatis�s de fa�on flagrante". Le capitalisme triomphant n'arr�te pas de surprendre. Les discriminations �conomiques, sociales, culturelles et raciales inh�rentes aux contradictions dont il est porteur s'�largissent sans cesse. Un nouveau courant de pens�e s'applique � accr�diter la th�se d'une sorte de �d�linquance g�n�tique� ou d'une filiation criminelle. On na�t alors d�linquant parce que ses parents ne sont pas fran�ais de souche. Une mani�re bien commode de faire l'impasse sur d'autres �tudes. Le num�ro de la revue Migrations Soci�t�, � para�tre en mai, publie un article de Jean- Luc Richard, ma�tre de conf�rences en sociologie quantitative et politique � l'universit� de Rennes-I, en fait d�mographe, sur �Le rapport entre les niveaux de formation et la fr�quence du ch�mage des fils et filles d'immigr� (s) et les origines nationales de leurs parents�. S'appuyant sur l'�chantillon d�mographique permanent (EDP) de l'Insee, qui regroupe 600 000 personnes, le d�mographe confirme que �les donn�es des recensements de 1982 et 1990 (qui) avaient montr� que les jeunes d'origine maghr�bine, en particulier d'origine alg�rienne, connaissent des situations de ch�mage dont la fr�quence et la longueur ne pouvaient qu'amener � suspecter l'existence de discriminations en provenance d'une minorit� significative d'employeurs�. Les patrons fran�ais sont racistes. Le constat est confirm� par d'autres indicateurs. Les enfants d'un couple mixte franco-maghr�bin ont plus de chance de trouver un emploi si le p�re est fran�ais, parce qu'il porte un patronyme fran�ais. L'effet du nom de famille sur les probabilit�s d'embauche est �vident. Cette condition est d'autant plus d�plorable qu'elle est h�rit�e. Avec un parcours scolaire identique, voire meilleur, � celui de ses cong�n�res fran�ais de souche, le jeune issu de l'immigration reste d�pendant de �la place de ses ascendants dans l'�chelle sociale de la nation�. Ainsi donc, l'accession au march� du travail est r�serv�e prioritairement aux enfants n�s de parents fran�ais : 15 % des 20-29 ans sont au ch�mage, contre 20 % pour les Tunisiens et 29 % pour les Alg�riens. Pour les filles, le chiffre est de 21 %, � �galit� avec les Asiatiques, devant les Alg�riennes (24 %) et les Tunisiennes (28 %), mais derri�re les Marocaines (19 %). Il y a comme un pourrissement qui n'en est qu'� ses d�buts et dont on mesure l'intensit� au geste de Jacques Chirac contraint de quitter la derni�re r�union du Conseil europ�en avec les partenaires sociaux au moment pr�cis o� Pierre-Antoine Seilli�re, l'ex-patron du Medef, alias "le baron", allait intervenir en langue anglaise. Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Thierry Breton, et celui des Affaires �trang�res, Philippe Douste-Blazy, lui ont aussit�t embo�t� le pas pour ne revenir tous les trois que lorsque �le baron� a cess� de parler. La r�action �pidermique et impulsive du chef de l'Etat fran�ais qui rappelle son d�part du Stade de France apr�s que la Marseillaise y eut �t� copieusement siffl�e par les jeunes issus de l'immigration, traduit un acte d�sesp�r� de r�sistance. Le fran�ais qui est, avec l'anglais et l'allemand, langue de travail au Conseil europ�en, est de moins en moins usit� � mesure que l'Europe s'�largit. Normal : lorsque tes propres enfants ne respectent plus leur langue, pourquoi voudrais-tu que les �trangers le fassent ?
A. B.

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