Actualit�s : LES MASSACRES DU 8 MAI 1945
Un crime contre l�humanit�, un crime encore impuni


C�est avec une barbarie inou�e que la France va instantan�ment r�agir en perp�trant en une seule journ�e un g�nocide de plusieurs dizaines de milliers d�Alg�riens. Des centaines et des centaines de villages sont attaqu�s par les gendarmes et les soldats fran�ais. Les habitants sont extermin�s, les b�b�s massacr�s dans les bras de leurs m�res.

Les femmes qui portent leur b�b� attach� sur le dos pour mieux s�enfuir font r�aliser des �conomies � l�intendance fran�aise car ainsi une seule balle servira � tuer la m�re et l�enfant. Le peuple alg�rien fuit o� il peut, le carnage est total et g�n�ral, particuli�rement � S�tif. Les colons fran�ais sont de la partie et se croient � l�ouverture de la chasse. L�un d�entre eux d�clarera avoir tu� � 83 merles � ce jour-l� ! Ni lui ni aucun autre de ces innombrables criminels fran�ais contre l�humanit� n�ont jamais �t� poursuivis ni inqui�t�s d�aucune fa�on. La France coloniale commet en un seul jour des centaines des plus incroyables tueries, rel�guant les SS nazis au rang d�aimables boy-scouts. Les villageois rescap�s errent dans les campagnes. Quelques jours plus tard, l�arm�e fran�aise en r�unit 50 000, hommes, femmes et enfants, pour une soi-disant reddition o� les exterminateurs paradent devant les survivants de leurs massacres. Quelque 400 de ces figurants forc�s dispara�tront � jamais � la suite de cette grotesque c�r�monie. La gendarmerie fran�aise, les soldats fran�ais, la L�gion �trang�re de la R�publique fran�aise et les colons fran�ais laisseront expos�s � travers l�Alg�rie, pendant des mois, des milliers de ces cadavres avant de permettre qu�on les enterre. Ceux qui ont �t� fait prisonniers sont syst�matiquement fusill�s ; de nombreux autres meurent sous la torture, la t�te �cras�e dans un �tau jusqu�� ce que la cervelle leur sorte par les narines ; quelques-uns survivront pour ne sortir des ge�les fran�aises qu�� l�ind�pendance, en 1962. Cela s�est pass� un 8 mai 1945 non pas en France, le jour o� les Fran�ais f�taient la fin de la guerre et l�armistice, mais dans des villes alg�riennes, des villages alg�riens. 45 000 morts, un chiffre qui fait peur m�me divis� par trois par l�administration coloniale. Tout comme lors des manifestations du 1er Mai, les militants encadrent �troitement les manifestants. Les mots d�ordre sont formels : la manifestation pacifique du 8 mai doit se d�rouler sans arme (m�me pas un canif), mais les slogans doivent appara�tre sur les banderoles et le drapeau alg�rien doit �tre brandi au milieu des drapeaux alli�s. Les militants, encore choqu�s par la r�pression du 1er mai, organisent donc la manifestation avec le maximum de pr�cautions : services d�ordre, porte-drapeau, slogans, lieux de rendez-vous et de dispersion de la manifestation. Le matin m�me du 8 mai, des rassemblements ont lieu afin de v�rifier l�absence d�armes. A S�tif, la manifestation commence � partir de 8h30. La discipline r�gne dans les rangs des manifestants. L�arriv�e au centre-ville avec le d�ploiement du drapeau alg�rien met pourtant le feu aux poudres. La police exige le retrait du drapeau tandis que les manifestants r�sistent. Un responsable politique de S�tif t�moignera plus tard en pr�cisant : �Vous savez combien le drapeau est sacr� et quand il est sorti, il n�est plus question de le remiser. Le commissaire de la PJ, Lucien Olivieri, et les inspecteurs, Lafont et Haas, entrent dans le cort�ge et somment les responsables des AML qu'ils trouvent devant eux de faire dispara�tre les pancartes et le drapeau alg�rien. Ceux-ci refusent. Une bousculade s'ensuit. Le commissaire Olivieri tire un coup de feu en l'air. A ce signal, les policiers qui se trouvaient de part et d'autre du cort�ge se groupent devant les manifestants. D'autres, sortis des caf�s et des voitures, viennent les renforcer. Certains tirent au revolver sur les Alg�riens qui leur font face, tuant le porte-drapeau Bouzid, un des porteurs de gerbes que l'on surnommait �le Petit Poucet�. La provocation polici�re entra�ne la panique chez les manifestants. La confusion r�gne et des Europ�ens sont tu�s. Les militants tentent pourtant de reprendre la situation en main. Une gerbe de fleurs est d�pos�e au monument � 10 heures mais le car de gendarmerie intervient � nouveau et fauche tous les pr�sents. 21 Europ�ens sont tu�s au cours des affrontements tandis que le nombre de victimes alg�riennes est alors inconnu. D�s le 8 mai au soir, la loi martiale est d�cr�t�e. Des armes sont distribu�es aux milices europ�ennes. �La chasse � l�Arabe� commence d�s lors avec une terrible f�rocit�. On voyait �des cadavres partout dans toutes les rues, la r�pression �tait aveugle ; c��tait un grand massacre. J�ai vu les S�n�galais qui tiraient, violaient, volaient (...) Bien s�r, apr�s l��tat de si�ge, l�arm�e commandait�, se souvient Kateb Yacine en 1984. �Tout Arabe non porteur d�un brassard est abattu.� Dans une enqu�te effectu�e par le Parti communiste alg�rien le 15 mai 1945, un militant explique : �Les musulmans ne peuvent circuler sauf s�ils portent un brassard blanc d�livr� par l�autorit� et justification d�un emploi dans un service public. A l�assassinat de 27 Europ�ens ont fait suite des ex�cutions sommaires en grand nombre. L�ex�cution individuelle est tol�r�e. En plein centre-ville, un Europ�en rencontre un Arabe non porteur d�un brassard et le tue d�un coup de revolver. Nul ne proteste. Dans un jardin, un bambin cueille des fleurs, un sergent passe et le tue comme on fait un carton dans les f�tes foraines. Les Europ�ens poss�dent en fait le droit de vie et de mort sur les musulmans.� Pendant plusieurs jours, des patrouilles circulent et tirent sans sommation sur les Alg�riens. Les nouvelles d�un massacre � grande �chelle se propagent dans les campagnes environnantes de S�tif. D�s le 9 mai, des villageois descendent pour venger leurs fr�res victimes de la r�pression. Ils sont pourtant arm�s de fa�on d�risoire : armes de r�cup�ration, et surtout fusils de chasse, gourdins, couteaux. L�arm�e r�agit alors avec les grands moyens. Les douars sont bombard�s pendant plusieurs jours et les populations refluent alors vers les cr�tes. A Guelma, le sc�nario de la manifestation se d�roule diff�remment. Le d�fil� commence en effet en fin d�apr�s-midi, � 17h, dans l�ignorance des �v�nements de S�tif. Arriv� en centre- ville avec drapeau et banderoles, le cort�ge est stopp� net par le pr�fet Achiary qui demande aux militants du PPA de se retirer. La police tire et tue un manifestant. Des affrontements �clatent, mais � 18h, la manifestation est termin�e. Les troupes se dispersent. Mais dans la soir�e, les arrestations commencent. La police perquisitionne et arr�te. Mais ce sont surtout les milices europ�ennes avec la b�n�diction des autorit�s qui prennent les choses en main. Le sous-pr�fet prend toutefois la t�te de la r�pression et assume sans remords l�assassinat de 9 militants ex�cut�s sans jugement ni proc�s. Les assassinats par les milices europ�ennes sont massifs. 250 hommes arm�s patrouillent et arr�tent. Les civils arm�s m�nent la r�pression et contr�lent la ville. Les autorit�s ferment les yeux sur les ex�cutions sommaires. Le rapport Tubert abonde dans ce sens et affirme : �Des groupes de colons arm�s s�arrogeaient le droit du juger et de fusiller.� Toutefois l�arm�e n�est pas en reste. D�s les premiers jours, 40 000 hommes sont r�quisitionn�s pour mener la r�pression dans la r�gion. Le 11 mai, des bombes sont lanc�es sur des attroupements de population. �Deux jours durant, l�aviation a bombard� les rassemblements indig�nes sur les routes et � proximit� des villages. Les jours suivants, le g�n�ral Duval donne l�ordre de bombarder massivement les campagnes environnantes de Guelma. Le 17 mai, la r�gion de S�tif subit �galement les assauts de l�aviation. Le nombre de victimes de ces bombardements est impossible � chiffrer.

�Les yeux versent
des larmes.
Comment arr�ter les
larmes,
Alors que la patrie a
perdu ses enfants.
A Guelma, mes fr�res,
l�aviation
N�a �pargn� ni
femmes ni fillettes.
Je suis en deuil pour
les S�tifiens
Qui sont morts par
amour de la libert�.�

Telles �taient les paroles d�une chanson devenue tr�s populaire, et chant�e dans ces r�gions martyris�es apr�s ces �v�nements tragiques.
I. S.

 

BIBLIOTHEQUE D'EL HAMMA
La m�moire en colloque

La Biblioth�que nationale d�El Hamma abritera ce lundi, � l�occasion de la comm�moration du 61e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, un colloque international intitul� �Travail de m�moire et enjeux�. Cette manifestation est organis�e par l�association Verdict qui s�applique depuis sa cr�ation � faire la lumi�re sur la �v�rit� sur les disparus, les crimes contre l�humanit� et la torture durant la guerre de Lib�ration nationale. Au menu de cette rencontre, plusieurs conf�rences seront donn�es par des chercheurs et historiens autour des th�mes : �Devoir d�histoire et enjeux de m�moire�, �Histoire coloniale, le travail des historiens en France�, �Femmes, le sacrifice ignor�... Verdict, l�association qui organise ce colloque, estime devoir �lever le voile sur cette longue p�riode et gu�rir l�amn�sie qui habite encore la m�moire de nos gouvernants pour rendre � notre peuple et � son histoire ce qui lui revient de droit, �le devoir de v�rit�.

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