Panorama : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Routine
Par Arezki Metref
arezkimetref@yahoo.fr


On ne se refait pas. Lorsque on tient d'une lign�e de manieurs de b�ton, on finit par oublier � quoi sert la parole. La r�ponse bastonneuse donn�e aux diff�rentes manifestations sociales qui r�v�lent le mal-�tre de millions d'Alg�riens vivant en dehors des territoires parasitaires est la confirmation basique de l'attachement de nos gouvernants � l'id�ologie du kezzoul.
Assis sur un pactole de plus de 60 milliards de dollars de r�serves de change tandis qu'on refuse aux travailleurs la miche de pain d'une augmentation modique, on avise ! On r�fl�chit � tout berzingue. On suppute. Oui, on suppute ! On voit venir. On contemple l'horizon. Assur�ment, le bled est calme, comme disait autrefois un certain ministre de l'Int�rieur d'un certain Guy Mollet. Le silence assourdissant de ceux qui sont vir�s du cercle veut-il dire qu'il n'y a rien � redire de la politique du gouvernement qui se r�sume � l'ultralib�ralisme cuit au bain-marie du conservatisme autoritaire ? Traduction : on ne parle pas la bouche pleine. Voici le topo : Belkhadem, le tout nouveau locataire de l'antichambre du ciel, consid�rant pr�cis�ment que quelque chose au milieu de la vo�te �th�r�e veille sur nous, regarde ailleurs. Vers les nuages. Retaper la Constitution est un boulot � temps plein qui ne laisse pas de place � des occupations auxiliaires comme remplir son contrat de gouvernants � l'�gard de la demande sociale. Si l'UGTA, � travers sa direction ind�fectiblement assujettie au pouvoir, � tout pouvoir du reste, n'a pas manqu� l'occasion de poster le libelle de f�licitations � la � barb�f�lenie � en action au sommet de l'Etat, les travailleurs, eux, se demandent jusqu'o� la poudre aux yeux va masquer leur descente aux enfers.Ici, la jubilation se d�laye, l� la protestation se durcit. Les faits s'encha�nent, s'acc�l�rent m�me pour prouver, si besoin en �tait encore, une m�me et unique chose : faut pas compter sur eux, l�, haut, sauf si on a besoin de se faire taper dessus ! On a les programmes politiques qu'on peut ! Et puis, franchement, qu'on a dans la vie pour objectif de toucher � l'�ternit�, on ne s'attarde � des choses m�prisables comme ces probl�mes d'oesophage qui m�nent le monde. Voil� o� on est ! Deux niveaux s'observent comme des chiens de fa�ence, sans se parler sans �changer, sans se comprendre, �tranger l'un � l'autre. D'un c�t�, la masse grouillante des Alg�riens jet�s pieds et poings li�s par le fond d'un oc�an peupl� de requins du lib�ralisme. De l'autre c�t�, il y a ce pouvoir cotonneux, fixant dans un regard empli de mysticisme la ligne bleue des cimes. Il ne quitte la sph�re des anges pour redescendre � celle des hommes que pour distribuer la ration de coups de b�ton � laquelle nous avons droit. Voyons l'actualit�. Un bout d'actualit�. Alors que Belkhadem louche sur le tr�ne et que Soltani, se rebiffant, conteste le regard envieux de son rival sur l'�picentre du pouvoir, trois responsables du CNES sont arr�t�s puis mis sous contr�le judiciaire. Notre confr�re Bachir Larabi, qui purgea nagu�re une peine d'un mois de prison, continue de subir un harc�lement policier et judiciaire qui culmina cette semaine dans une agression subie de la part de policiers. Routine?! Des citoyens de Th�nia ont contest� des proc�dures de relogement des sinistr�s du s�isme du 21 mai 2003. R�action routini�re : arrestation de quinze personnes. �a d�braye partout : chez les enseignants du secondaire et du sup�rieur, chez les dockers de presque tous les ports, chez les v�t�rinaires, chez les salari�s de la zone industrielle de Rouiba. La riposte, c'est la routine : interdictions, arrestations, mises en examen. Partout aussi, des �meutes �clatent comme des feux de protestation qui tracent une carte de l'Alg�rie consum�e par la malvie, la paup�risation, la d�gradation non seulement des conditions de travail mais de la notion de travail elle-m�me, la pr�dation. La routine despotique se soucie moins, bien �videmment, de prendre le pouls d'un pays raval� � l'�tat de r�serve d'indig�nes que de mater tout ce qui revendique la dignit� des salari�s et le progr�s au profit des plus d�favoris�s. Mais je con�ois qu'on ne puisse pas penser � plusieurs choses en m�me temps. Travailler sur la Constitution et pr�voir des solutions d�mocratiques � toutes ces aberrations sociales et politiques qui maintiennent l'Alg�rie dans un statut de r�publique palmier-datti�re (celle qu'on appelle, ailleurs, banani�re) est assur�ment un exercice qui n'est pasfacile. Routine aussi, h�las, depuis bient�t deux ans, que l'incarc�ration injuste de Mohamed Benchicou. Le 14 juin, il aura purg� la peine de deux ans de prison par laquelle on a voulu faire taire un journaliste. Va-t-il sortir ce jour-l� ? Esp�rons-le. Routine aussi que cette hargne du pouvoir contre lui, ce qui a fait biffer son nom de toutes les amnisties, remises de peine desquelles ont profit� des d�tenus de droit commun pour ne pas parler des terroristes �r�concili�s�. Cette incarc�ration restera comme une t�che ind�l�bile qui ternit l'image de ce pouvoir et plus encore celle de ceux qui s'en sont accommod�s. Malheureusement, l'autoritarisme et l'injustice sont une routine sous nos cieux constitutionnels.
A. M.

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