Panorama : ICI MIEUX QUE LA-BAS
GOAL !!!
Par Arezki Metref
arezkimetref@yahoo.fr


C'est parti ! A dater du coup de sifflet inaugural de l'arbitre ouvrant le duel Allemagne-Costa Rica, premier match de la Coupe du monde 2006, on va parler rond comme le ballon de la m�me forme ! La plan�te, surtout dans la couche la plus pauvre de ses habitants, est, � saison fixe, saisie par les d�mons d'une m�me passion vou�e � un morceau de cuir que se disputent vingt-deux bonshommes drap�s dans des couleurs flottant avec l'orgueil des nations et, de plus en plus, avec la plus-value d'empires financiers insatiables.

Huit groupes, 32 �quipes, 736 joueurs, 46 matchs de poule et seize � �limination directe, ce sont les chiffres de la fiesta, pour ne pas dire de l'entreprise. Le football est politis�, on le savait d�j�. Il a m�me �t� � l'origine d'une guerre, commenc�e entre des supporters avant que deux Etats, chauvins comme des chiffonniers, ne s'en m�lent. Il est au centre d'enjeux de fric, on commence � le savoir depuis quelques ann�es. J'aime bien Ronaldinho, exemple accompli de la r�ussite d'un gosse de favela qui a dribbl� la mal�diction des siens. Mais son salaire �quivalent � celui de 2 300 (oui, tu as bien lu !) smicards fran�ais, �a fait un peu beaucoup. Combien de smicards alg�riens ? On multiplie au moins par dix ! Ce n'est pas de sa faute ? Tout de m�me ! Il donne aux pauvres, je sais. Il s'occupe de malades, oui ! M'enfin ! J'aime encore plus Zizou. Lui, il totalise 1 700 smics. Il est g�n�reux, certes ! Il est aux petits soins avec les jeunes malades, nul n'en doute ! Mais le syst�me. Oui, le syst�me. ! Tu as tout dit : le syst�me !!! La Coupe du monde transforme le m�tabolisme des soci�t�s. C'est une parenth�se qui renferme, toutes affaires cessantes, l'exaltation d'exploits de prodiges de la balle dans une sorte de consensus l�nifiant qui occulte la d�mesure de ces d�rives que sont l'argent, le dopage, le racisme dans les stades. On vit, travaille � ou ne travaille pas � et respire en fonction de ces coups de pied qui peuvent chambouler l'�quilibre du jour. Je vois d'ici les rendez-vous de travail et les r�unions galantes torpill�es, les contrats suspendus, les voyages diff�r�s, les projets en stand-by, tout cela parce qu'un mordu de foot va ressentir le besoin pressant de (re) voir tel match, tel but marqu� ou emp�ch�. �Dis-lui que je ne suis pas l� !�, va-t-on entendre s'�crier dans toutes les langues vernaculaires des quartiers populaires du monde ! �Y eeeeeeeeest !!!!� : cet �cho va r�sonner dans les cages d'escalier de multiples Badjarrah parsem�s sur les flancs obscures de la mondialisation. �Reviens apr�s le match, et seulement si on a gagn� !�, fera-t-on temporiser les visiteurs impromptus, insensibles, eux, au destin de l'humanit� qui se joue sur de la pelouse artificielle. On, c'est qui ? C'est n'importe qui, c'est personne, c'est tous ! Quand le chauvinisme national n'est pas repr�sent� dans l'insigne joute, on emprunte un autre drapeau, une �quipe nationale par procuration. Pour les Alg�riens ? Le Br�sil sans doute, parce qu'on se reconna�t dans la mis�re et le talent r�unis, du moins en est-on convaincus, les terrains vagues de Bordj-El-Kiffan valant presque ceux de Copacabana. La France aussi, � cause de Zidane, mais cet �lan est temp�r� par Sarkozy. Qui d'autre ? Un peu d'Afrique (C�ted'Ivoire, Angola, Ghana, Togo ?) pour nous rappeler la v�rit� des origines. La Tunisie, s�ur ennemie, footballistiquement parlant ? Le Team Melli, l'EN d'Iran, pour ceux d'entre nous qui croient � l'intercession des anges dans les petits ponts vers la lucarne du gardien. L'Arabie Saoudite, dites ? Parlons foot !... Qu'est-ce qui lui octroie cette force d'attraction, ce magn�tisme qui va scotcher pendant un mois 3 milliards de gugusses devant leur �cran ? Il y a quelque chose de magique, pas de doute, quelque chose de l'ordre de l'opium dans ce jeu. Sinon, on ne pige rien, encore une fois ! Montherlant d�crivait la foul�e du footballeur vers les buts adverses comme une �majest� l�g�re�, une course �dans l'ombre d'un Dieu�. Goal ! La Coupe du monde, c'est un moment pendant lequel tout �lan est congel�. Tous les muscles sont tendus vers l'accomplissement du spectacle de gladiateurs qui portent � son z�nith l'honneur national, une addition chimiquement bizarre de tous les honneurs individuels. Et quand on gagne, on a l'impression d'avoir gagn� je ne sais quoi. Quand on perd, ma foi, quand on perd. On conna�t bien �a, chez nous ! On tourne donc nos regards et nos antennes vers l'Allemagne, la �m�re blafarde� de Fassbinder. Je ne sais pas comment l'Unique � celle de Habib Chawki � va se d�patouiller, mais on trouvera bien le moyen de moyenner. D�j�, j'entends d'ici les prospectivistes qui foisonnent dans les caf�s de l'Esp�rance. Ils te donnent, sous r�serve des al�as li�s � la formule magique �c'est �a, le foot !�, les combinaisons possibles pour la demi-finale. On ne sait rien de la finale, sinon qu'elle se jouera le 9 juillet au Stade olympique de Berlin. Le scoop, c'est que ce n'est pas n'importe quel stade. Si la finale de 1974 s'est disput�e � Munich, est-ce parce que seulement l'Allemagne n'�tait pas r�unifi�e ? Ce stade est charg� d'histoire. Voulu par Hitler pour �ses� Jeux olympiques de 1936, avec son calcaire de Franconie, �pierre originelle � du Reich allemand selon Albert Speer, architecte pr�f�r� d'Hitler, et ses 136 piliers de 14 m�tres de haut sur lesquels �taient scell�es des torch�res o� br�lait le feu auquel les nazis vouaient un culte, il devait donner un �sentiment de puissance et d'�ternit� et �une allure militaire rigide�. Il fallait, en somme, un stade qui prouve la puissance du IIIe Reich et la �supr�matie de la race aryenne�. Manque de pot, c'est Jesse Owen, un athl�te noir am�ricain de l�gende, qui rafle quatre m�dailles d'or. Furieux, Hitler quitte la tribune pour ne pas devoir saluer ce repr�sentant d'une �race inf�rieure� qui vient d'administrer la ross�e aux surhommes aryens, ces pl�onasmes ! La tribune d'Hitler a �t� supprim�e dans les ann�es 1960 mais le stade, dans sa structure globale, est rest� le m�me. On y a ajout� un toit, qui n'alt�re en rien l'architecture premi�re. M�me les statues monumentales � la gloire du national-socialisme des ann�es 1930 sont encore dress�es. Mais nous sommes � une autre �poque. Les n�o-nazis allemands, tr�s actifs � l'approche de la Coupe du monde, d�noncent la pr�sence de deux joueurs de couleur noire dans la s�lection allemande. A la 75e minute de chaque match jou� au Prater de Vienne, Autriche, le public se l�ve et applaudit. C'est une fa�on de continuer � rendre hommage au joueur Mathias Sindelar, surnomm� le �Mozart� du football autrichien en raison de son �l�gance, qui se suicida avec sa femme en 1939 pour ne pas avoir � porter le maillot de son pays frapp� de la croix gamm�e. D�j�. Le foot est politis�, je vous le disais ! Et depuis toujours.
A. M.

P. S. d'ici : Je me souviens, il y a trente ans, d'un article, d�non�ant l'obnubilation des masses par le sport, intitul� �Le sport-opium�. Il �tait r�dig� par un jeune journaliste sportif du nom de Mohamed Benchicou. Il doit sortir d'une prison o� il a injustement croupi deux ans durant. Mais il sort grandi. Tout a une fin, sauf la honte de ceux qui l'ont jet� l�.

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