Panorama : KIOSQUE ARABE
Et si on embrassait le oua-oua !
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


L'ambiance est au football. Nous ne sommes pas � la Coupe du monde mais tout le monde parle de nous � cause de "Cheikh Salah". Heureusement, le bon vieux r�flexe romain a jou� : "Panem et circenses". Du pain et des jeux ! Certes, le pain est un peu rassis, en plus d'une tendance � l'an�mie qui ne doit rien � un virus �trange mais nous avons les jeux du stade (1), comme jadis les Romains avaient ceux du cirque. Le parall�le est aussi limpide qu'une passe de Zidane et il n'aura pas �chapp� � nos clairvoyants dirigeants.

Le temps restant quand m�me � l'orage, j'ai r�solu de vous divertir plut�t que d'assombrir votre lundi avec des probl�mes trop s�rieux. S�rieux, les Kowe�tiens ne le sont pas. Je veux parler de la male engeance du Kowe�t. Ces messieurs daignent rel�cher, enfin, leur emprise sur les femmes. Ils leur accordent le droit de voter et d'�tre �ligibles et le monde entier applaudit cette avanc�e spectaculaire dans un pays stagnant (2). Toutefois, et � deux semaines des l�gislatives, les Kowe�tiens se demandent si les Kowe�tiennes ne vont pas, contrairement � eux, prendre leurs bulletins de vote au s�rieux. Alors, ils leur cherchent des poux sous le hidjab. Ils ont pour cela un grand expert en la personne de Mohamed Ettataba� (3), doyen de la facult� de th�ologie � Koweit City et grossiste en fetwas. La semaine derni�re, il en a lanc� une sur le march� qui a suscit� autant d'engouement masculin que les cartes ART de tonton Salah. La fetwa, cit�e par Echarq-al-Awsat, proclame que "le vote de la femme mari�e doit �tre conforme au choix de son mari m�me si son intention �tait de voter pour un candidat rejet� par son �poux. Si ce dernier brandit la menace de la r�pudiation, celle-ci devient effective au cas o� la femme voterait pour un candidat non agr�� par son mari. Ceci, m�me si la d�sob�issance a �t� commise en secret (4) et n'a pas �t� port�e � la connaissance du conjoint". R�agissant � ce texte, pour le moins alambiqu�, la candidate A�cha Errachid a d�nonc� "cette ing�rence flagrante et ce sabotage du libre choix des femmes par l'intimidation et l'incitation � s'abstenir de voter". Suivant la th�orie de contre-feux, le "Cheikh" (!!) Ettataba� a temp�r� progressivement ses propos. Sans doute instruit par ceux qui lui versent ses salaires, il a affirm� qu'un mari n'avait pas le droit d'influencer le vote de sa femme. Un revirement explicable de la part d'un membre �minent de la communaut� des th�ologiens de cours. On appr�ciera, pourtant, sur le registre du regard sur les femmes, la r�action de l'ob�dience chiite par la voix de Mohamed Baker Al-Mehri. Ce dernier consid�re, au d�part, que la fetwa du doyen de la facult� de th�ologie "n'est pas conforme � l'esprit et � la lettre de l'Islam". Il d�nie donc aux maris chiites (minoritaires hors foyer) du Kowe�t le droit de d�cider du vote de leurs femmes. Cependant, il croit devoir rappeler aux �pouses, tent�es de pavoiser, certaines r�alit�s, � savoir : "L'Islam conf�re � l'homme certains droits sur son �pouse, comme le droit de jouissance, l'obligation pour l'�pouse de suivre son mari dans ses d�placements. Le mari peut �galement ne pas autoriser sa femme � sortir." L'interdiction de sortir sera-t-elle applicable le jour du vote ? La r�ponse est, bien entendu, laiss�e � l'appr�ciation du mari. Le terrain de la r�conciliation est ainsi ouvert � tous les sunnites et chiites, misogynes ou presque. Dans un tel climat, on comprendra pourquoi l'�crivain lib�ral kowe�tien n'est pas press� de rentrer chez lui et pr�f�re couler des "jours tranquilles" � Beyrouth. C'est le titre de sa chronique que publiait hier le quotidien Al-Siassa. Ahmed Baghdadi raconte la ville et ses dangers, celui des voitures et des engins pi�g�s et la mort pr�sente partout. Tout ceci pour conclure finalement qu'il y a un plus grand drame que la mort et c'est celui de la dignit� outrag�e, la sienne en l'occurrence. C'est pour cela qu'il avoue se sentir beaucoup plus en s�curit� � Beyrouth qu'au Kowe�t, son pays. Le Kowe�t o� une condamnation p�nale l'oblige � respecter la morale et l'ordre publics. En clair, il doit surveiller ses paroles et ses �crits jusqu'en 2008 sous peine d'aller en prison. Au Kowe�t, deux d�linquants ont �t� r�cemment condamn�s � la m�me peine mais pour une p�riode moins longue, note am�rement Ahmed Baghdadi. Apparemment, notre ami kowe�tien n'a pas entendu le fracas d'une autre guerre qui se livre actuellement � Beyrouth. Cette guerre est celle du "oua oua" et, contrairement � ce qu'elle sugg�re, la race canine n'y (5) est pas impliqu�e. Cette guerre sans victimes oppose une obscure chanteuse, Dominque Hourani, � son altesse s�r�nissime Ha�fa Wahbi. La premi�re reproche � la seconde de lui avoir vol� "sa" chanson. Le "oua oua" appartient � tout le monde, a r�pliqu� Ha�fa Wahbi. Or, c'est cette derni�re qui fait fureur actuellement avec son clip Bous el oua oua ( Embrasse le oua oua). J'ai �crit � plusieurs journaux libanais pour avoir la signification du mot "oua oua" mais c'est finalement sur un chat fran�ais que je l'ai trouv�e. Merci � cette internaute libanaise pour avoir �clair� nos lanternes ! Le "oua oua", donc, c'est le mot enfantin pour dire la blessure, le "bobo". C'est l� l'explication de la pr�sence du petit enfant dans le clip de Ha�fa qui incite � embrasser aussi bien l'�corchure au genou que la blessure du c�ur. Dans la foul�e, une po�tesse libanaise s'est lanc�e dans la bagarre. Elle pr�tend elle aussi que le "oua oua" est un po�me qu'elle a compos� et d�pos� � l'office des droits d'auteur. Ce qui n'est pas tr�s flatteur, vu que les paroles de la chanson servent juste de fond sonore aux �volutions de la fascinante Ha�fa. C'est sans doute pour cette seule raison que des internautes tirent � boulets rouges sur la chanteuse et sur son clip. Le plus hypocrite est sans doute celui qui invoque la protection de l'enfance pour s'en prendre � Ha�fa Wahbi. Il se dit m�me pr�t � prendre la place du b�b� mis en sc�ne dans le clip. A la queue comme tout le monde ! Juste retour de manivelle, la guerre de Beyrouth s'est transpos�e en Syrie. Dans une grande avenue de Damas, la diffusion par hauts-parleurs de la chanson de Ha�fa a provoqu� un embouteillage monstre. Tous les automobilistes se sont arr�t�s et sont descendus de voiture pour se tr�mousser au son de Bous el oua oua. M�me le policier qui r�glait la circulation s'est pris au jeu. Comme toujours, il s'est trouv� des grincheux pour crier au scandale. Et si on se mettait tous � embrasser le "oua oua" cet �t�? Nous avons de s�rieuses raisons de le faire, non?
A. H.

(1) J'ai finalement achet� cette maudite carte mais je me sens grug�.
(2) Un pays �mergeant, c'est un pays qui peut sortir la t�te hors de l'eau, de temps en temps, pour respirer. Le Kowe�t n'en est pas un malgr� ses richesses, tous les autres aussi.
(3) L'ENTV ne l�a pas encore invit� sur son plateau? Comme c'est curieux!
(4) Pauvres Kowe�tiennes ! Dans le secret de l'isoloir, elles ont le choix entre le mensonge qui peut mener � l'enfer et la r�pudiation si elles disent la v�rit� � leurs maris. Ce sont des initiatives comme celles-ci qui provoquent une forte abstention f�minine.
(5) Juste pour expliquer � un certain confr�re que m�me si le "Y" est l'avant derni�re lettre de l'alphabet et qu'il faille l'utiliser de temps � autre par esprit de charit�, il ne faut pas le faire n'importe comment.

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