Panorama : DECODAGES
TRANSITION ECONOMIQUE
Attention � l�immobilisme
Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr


Depuis les r�formes de 1988 et l�adoption de la Constitution de 1989, l�Alg�rie est un pays en transition. Une transition bien lente, faut-il l�avouer, et qui n�est pas pr�s de conna�tre son aboutissement. Rappelons tout d�abord ce qu�est un processus de transition. Comment on peut le d�finir et par quoi le caract�riser. La transition est un processus de mutation syst�mique et ce processus est un combat.

Ce combat a lieu entre un ordre ancien qu�on veut d�finitivement abandonner mais qui r�siste et un ordre nouveau dont les �l�ments constitutifs sont d�j� apparus mais qui n�est pas encore dominant et qui reste fragile. En un mot, la transition est un �combat entre un ordre ancien battu mais non encore an�anti et un ordre nouveau apparu mais non encore victorieux�. On quitte une situation A pour aller � une situation nouvelle B. L�ancien ordre A que l�on doit quitter est connu. Le nouvel ordre B � construire fait l�objet de d�bats et chacune des forces en pr�sence a �sa mani�re de voir les choses�. Dans le cas de notre pays, l�ordre A que l�on veut quitter est celui que nous avons v�cu avec le parti unique, l��conomie de commandement � r�gulation administrative, l��conomie des monopoles, ferm�e et non concurrentielle dans laquelle l�emploi est garanti et la protection sociale est aussi le fait de l�entreprise publique qui assure logement, cr�che, centre de vacances, centres de soins, activit�s culturelles, formation, approvisionnements alimentaires et en biens de consommation industrielle divers... Nous savons que cet ancien ordre a cr�� une forte coh�sion sociale. Mais il a aussi g�n�r� quatre probl�mes �conomiques s�rieux qui justifient son abandon :
1- Une absence de croissance �conomique d�s que la rente p�troli�re baisse.
2- Une mont�e des p�nuries.
3- Une faible productivit� des facteurs et un recul du revenu r�el.
4- Un durcissement de la contrainte ext�rieure (une dette ext�rieure importante).
Cet ordre A, qui a encore chez nous � faut-il le souligner � ses d�fenseurs, m�me s�ils sont de moins en moins nombreux, doit c�der sa place � un syst�me �conomique plus performant, plus comp�titif, capable de faire participer notre �conomie au processus de mondialisation. Ce nouvel ordre � construire, l�ordre B, n�est pas connu. On sait seulement que c�est l��conomie de march� qui, au plan mondial, fait aujourd�hui consensus. Mais �le march� qui fonctionne dans tous les pays industriels avanc�s fonctionne chaque fois diff�remment�. Dans notre pays nous avons en pr�sence deux conceptions officielles de ce fameux ordre B vers lequel nous devons �transiter�. Ces deux conceptions correspondent � deux variantes d��conomie de march� bien �loign�es l�une de l�autre : celle des ministres lib�raux en charge de notre �conomie qui veulent faire de l��conomie alg�rienne �une �conomie libre, ouverte et concurrentielle�, relevant donc d�un lib�ralisme orthodoxe, dans lequel �l�Etat doit �ter sa main de l��conomie� et celle pr�conis�e par le FLN, parti aujourd�hui largement majoritaire, qui pr�ne une �conomie de march� alliant efficacit� et solidarit�, une �conomie qui combine Etat et march� avec comme orientation �autant de march�s que possible, autant d�Etat que n�cessaire�. Dans la variante d��conomie de march� de nos lib�raux, le march� doit constituer le r�gulateur central de l��conomie, voire de la soci�t� (rappelons- nous ces phrases telles que �les citoyens doivent mettre la main � la poche� pour signifier qu��lectricit�, eau et gaz ne doivent pas �tre soutenus par l�Etat, ou encore que �l�Etat n�a pas les moyens de financer le d�ficit consid�rable en logements sociaux ...�). Dans cette premi�re conception de l�ordre B que nous devons construire, l��change marchand doit �tre l�acte fondamental et le m�canisme des prix, le mode essentiel d�allocation des ressources. Dans la seconde conception de l�ordre B d�fendue par des courants de plus en plus nombreux, le processus de d�sengagement de l�Etat de l��conomie ne doit pas �tre un processus de d�s�tatisation lib�rale totale mais plut�t un processus de cr�ation de nouvelles formes d�intervention moins lourdes avec mise en �uvre d�une politique macro-�conomique active et une politique sociale fond�e sur la solidarit�. Ainsi, le processus de transition met en �uvre des projets diff�rents pour ne pas dire oppos�s port�s par des forces politiques et sociales elles-m�mes en pleine opposition. Entre ceux qui travaillent � maintenir le statu quo et � pr�server l�ordre A, ceux qui ont une conception lib�rale de l�ordre B � construire et enfin ceux qui en ont une conception sociale d�mocrate, la bataille fait rage m�me si elle se fait sourde. Le processus de transition met en jeu de gros int�r�ts. Ce qui est appel� chez nous �r�formes �conomiques� et qui peut laisser � penser que le probl�me est purement technique, reste, en r�alit�, une vraie bataille politique qui implique des mobilisations, exige un travail de construction d�un consensus par le dialogue et la n�gociation, puis une grande d�termination dans l�application du programme de transformation d�cide. Concilier efficacit� et solidarit� n�est assur�ment pas chose ais�e, la premi�re impliquant la rigueur, le ciblage des d�penses, la r�duction des co�ts, la seconde exigeant de laisser le moins possible d�Alg�riens sur le bord de la route. Les h�sitations, les avanc�es puis les reculs, la dissolution des vrais probl�mes �conomiques dans les jeux politiciens c�est tout cela qui explique la lenteur de la transition �conomique de notre pays et qui menace m�me de la faire avorter. Lorsqu�on est en transition, �on nage ou on se noie�. Alors, attention � l�immobilisme.
 

A. B.

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