Panorama : ICI MIEUX QUE LA-BAS
LA COUPE DU MONDE
Format berlinois

Par Arezki Metref
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Comme il est trop tard pour trouver une place face � l'�cran g�ant porte de Brandebourg, il faut se contenter de merles. Direction Wedding, un quartier populaire � l'ouest de Berlin. Le parc est am�nag� comme un des nombreux substituts de stade qui essaiment � travers la capitale de la World Cup. Une batterie de WC chimiques occupe le coin vers les arbres. Sous une tente blanche, un �cran aux dimensions respectables fait d�filer des images de footballeurs se disputant un ballon. La tente est pr�vue pour la pluie.
Deux kiosques en toile proposent des boissons et des sandwichs. Sur ce qui est un terrain de foot, une sc�ne noire est tendue d�un immense �cran. Des tables peintes en couleur orange fluo sont plac�es sur la pelouse. Des enfants jouent au foot � c�t� et leurs mouvements sont comme la r�p�tition en vrai des joueurs dont la silhouette virtuelle ondule avec la toile. 19:42 : Ronaldo manque un but. Un �ooooh !� polyphonique enfle d'un bout � l'autre du parc se faisant l��cho de la ola sonore que font vibrer les hauts-parleurs. A la table voisine, des gosses agitent sagement des petits drapeaux br�siliens. Un couple commente le match. L'accent trahit la provenance d'un pays de l'Est. 34 : 00 : Tamada prend tout le monde � contre-pied. Japon : 1 Br�sil : 0. A en juger par la timidit� des r�actions, il y a peu de supporters du Soleil Levant. �Apfel Scholl�, s'�crie Madjid, sensible � la beaut� du but qui vient d'entrer au b�n�fice du Japon. Nous cherchons de concert une formule �quivalente. Le �c�est super !� dans la langue de Voltaire ne vaut pas, en l'occurrence, l'intranscriptible �hala !� dans celle d'El Badji. On entend le bourdonnement d'un engin volant avant de voir appara�tre au-dessus de nos t�tes un h�licopt�re jaune au flanc barr� du sigle ADAC, une grosse bo�te d'assurance. L�appareil, qui doit �vacuer un malade � l'h�pital voisin, fait partie d'une flotte appr�t�e � cet usage durant la Coupe du monde. 45 : 00 : Ronaldo marque de la t�te. Dans le brouhaha que soul�ve l��galisation, Doudou continue, d�une voix tranquille et patiente, � m�expliquer ce qu'est le robotisme. La nuit se pose nappe apr�s nappe. Les gosses ont repris leur ballon et sont partis. Les Br�siliens mettent deux autres buts. L'atmosph�re se ramollit dans le parc. 80 : 51 : Japon 1 Br�sil 4. �C'est plus du foot!�, ironise une voix. Le commentateur de ZDF entreprend d'expliquer que m�me si le foot n'est pas une science exacte et, � ce titre, les r�sultats des matchs pr�visibles, il fallait s'attendre � la victoire des Br�siliens. L��cran est � pr�sent noir, comme la nuit qui a fini de tomber. Nous n'avons pas vu le parc se vider. Des employ�s rangent des choses. Je remarque alors cette chose fascinante. Pas un papier, une bouteille, un verre en plastique ne tra�ne nulle part. C�est � croire que personne n�est jamais entr� dans ce parc. Le lendemain, je vais avec Missoum voir le Tunisie- Ukraine � la Maison des Culture du monde, � Tiergarten. Dans le hall, un �cran g�ant couvre le vide entre deux piliers. En face et sur le flanc, on a install� des gradins en bois. Dans un bac, on peut se servir en oreillers et plaques de mousse pour le confort. Les employ�s de c�ans portent tous des teeshirts vert et jaune avec un petit globe en bleu et cette inscription. Copa del Culture, la Coupe de la Culture. Une manifestation culturelle d�di�e au Br�sil veut montrer que ce pays a autre chose que le foot. Le match Tunisie-Ukraine se joue au Stade olympique de Berlin, � moins d'une heure d'ici. Le hall du Haus der Kulturen der Welt est quasiment vide. Hormis deux ou trois employ�s, un �il sur l'�cran, il n'y a que Missoum et moi, confortablement install�s � regarder nos voisins tunisiens se prendre une tann�e. Panoramique sur une tribune. Des tee-shirts rouges frapp�s du cercle contenant le croissant et l��toile du drapeau tunisien emplissent le focus. Une autre tribune est, elle, bleue du drapeau ukrainien. L'arbitre paraguayen lance la partie. De temps � autre, Trabelsi r�cup�re un ballon qu'il fait virevolter avant de le perdre. Le sc�nario est d�sormais r�p�titif : les Ukrainiens m�nent une offensive qui se brise sur le mur tunisien. Mais disposant enfin du ballon, les Tunisiens ne savent pas qu'en faire. 29 : 42 : le commentateur parle de match �ennuyeux�. La mi-temps survient au milieu de la morosit�. Nous prenons un Vita Malz sur une terrasse au bord de la Spree. Tout de suite � droite, l�ar�te grise de la Chancellerie s�avance d�un pas dans le fleuve. Peut-�tre qu�Angela, surnomm�e Angie � cause de la chanson des Rolling Stones, regarde elle aussi le m�me match dans son bureau tout � c�t�. Le Kehrweider, bourr� de touristes, passe au fil de l�eau. A la boucle que fait le fleuve dans Tiergarten, le bateau dispara�t. 70 : 00 : Shevchenko transforme un penalty. Vingt minutes plus tard, la Tunisie est �limin�e. J�avoue que j�ai un pincement au c�ur. Nous revenons le soir pour France-Togo. Du coup, il y a un monde fou. Le climat est feutr�. Si quelqu'un applaudit trop fort ou ne contr�le pas son volume sonore, il est presque certain qu�il n'est pas allemand. Ce n�est visiblement pas le genre de la maison. Laborieux au d�but pour les deux �quipes, le match prend des ailes d�s le premier but. La fin du match est un d�lire sur l��cran mais pas dans le hall o� les timides applaudissements font croire que nous sommes � l'op�ra plut�t qu�au foot. Sur l��cran, en revanche, la victoires 2 � 0 fait m�me surgir des tribunes un drapeau alg�rien. Nous sortons dans la nuit de Berlin. Quand on n�est pas au stade, c�est comme si on �tait dans n'importe quelle autre ville du monde.
A. M.



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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/06/25/article.php?sid=40262&cid=8