Panorama : LETTRES D�ESPOIR
Lettre � Rodolf
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr


A la question pos�e dans un r�cent billet : �O� sont les dizaines de milliers de citoyens qui manifestaient pour exiger la v�rit� sur l�assassinat de Hariri et le d�part des troupes syriennes ?�, un lecteur libanais, du nom de Rodolf, me r�pond : �Je te promets s�rieusement que les dizaines de milliers des Libanais vont manifester apr�s la guerre de lib�ration men�e par Isra�l au nom de la majorit� des Libanais pour lui rendre gr�ce.�
Entendez par l� que l�occupant est le Hezbollah et le lib�rateur l�Etat sioniste. C�est un point de vue qui a certainement plus de poids que les �crits d�un journaliste �tranger qui demeure, quelle que soit sa bonne volont�, loin de la r�alit�. L�immixtion permanente de l�Iran dans les affaires int�rieures libanaises a de quoi irriter tout citoyen attach� � la souverainet� de son pays, d�autant plus qu�elle est v�hicul�e par un mouvement int�griste. Et cela devient encore plus insupportable lorsque ce m�me mouvement se double d�une force militaire rappelant les milices des r�gimes fascistes ! Oui, Rodolf peut avoir raison. Sauf que, d�un point de vue neutre, je trouve curieux que l�on avance, d�un jet de plume irresponsable, que les Libanais vont sortir pour remercier Isra�l � la fin de l�actuelle crise ! Mais, pourquoi donc ? Pour ces enfants fauch�s dans leur sommeil par les bombes sionistes ? Pour ces infrastructures sciemment vis�es et b�ties au prix des larmes et du sang ? Pour ce carnage qui s�inscrira, lorsque les passions se calmeront et que les feux de l�actualit� s��teindront, comme l�un des plus grands crimes de l�Etat h�breu ?
Mais enfin, ne vient-on pas d�atteindre le fond de l�indignit� avec ces soldats et ces officiers qui se font �triller dans leurs casernes sans r�agir (14 morts dans les derniers bombardements) ? On ne leur demande m�me pas de d�fendre le pays, le drapeau, l�honneur et tout ce que mon ami Rodolf appelle des �slogans�, mais juste d�avoir un r�flexe de l�gitime d�fense ! OK, oubli�s l�arabisme, Nasser, Boumediene, les sursauts r�volutionnaires ! Allez, on veut bien vous suivre sur la voie toute trac�e par vos amis am�ricains et isra�liens, mais, il y a des limites ! Applaudir les assassins de mes fr�res, non merci, gardez �a pour vous, M. Rodolf et heureusement que les t�l�s libanaises et arabes nous donnent un autre son de cloche, sinon, nous d�sesp�rerions du pays du c�dre !
Et puisque vous vous r�clamez de la d�mocratie (quel grand mot, quel cheval de Troie pour les agents de la CIA !), juste un rappel : ce Hezbollah qui occupe militairement votre pays fait partie du gouvernement actuel, d�mocratiquement �lu � ce que je sache ! Pourquoi attendre donc cette triste affaire pour vous apercevoir du danger Hezbollah ? Il est clair � et ce n�est pas � vous que je vais l�apprendre � que le Hezbollah, par sa structure, ses objectifs et son fonctionnement, n�est pas un parti politique classique. Se r�clamant d�une jurisprudence qui transcende le cadre national pour trouver sa substance dans la philosophie du guide supr�me de la r�volution islamique, l�Iranien Ali Khamenei, le Hezbollah se r�clame donc d�une mouvance qui d�passe le Liban. Pire, il prend ses ordres d�une puissance �trang�re et, dans un autre pays, cela aurait conduit ses dirigeants devant une cour de s�ret� pour haute trahison ! Mais la chose, pour �trange qu�elle soit, n�en a pas moins �t� accept�e dans les r�gles d�un jeu politique biais� d�s le d�part par un confessionnalisme institutionnalis�. Ainsi, la politique a suivi les divisions ethniques et religieuses pour engendrer un communautarisme qui mine les fondements m�mes de la r�publique. En situation normale, le syst�me politique fonctionne tant bien que mal : les chefs politiques sont aussi des chefs de grandes tribus � comme ils peuvent se transformer en chefs de guerre � auxquels l�on doit respect et soumission. Les alliances changent au gr� des int�r�ts et des� injonctions venues de l�ext�rieur. Mais, tout peut basculer lorsqu�il y a crise. On l�a vu maintes fois et lorsque le syst�me atteint ses limites, c�est la guerre civile comme ce fut le cas durant les ann�es 70. A peine sorti de cette �preuve au prix d�un fragile consensus, le Liban s�est retrouv� sous un d�luge de feu isra�lien et les chars sionistes assi�g�rent Beyrouth en 1982. Pour la premi�re fois, on entendait parler de ce parti au nom provocateur : Hezbollah, un mouvement chiite radical qui pr�ne la lutte arm�e tous azimuts. En l�absence de l�arm�e libanaise � en petit nombre et mal �quip�e �, le parti de Nasrallah va faire du sud son territoire sacr�. Ainsi, il obtint la lib�ration des derniers territoires occup�s par l�arm�e sioniste, ce qui lui valut une grande notori�t� dans la r�gion. Nous en arrivons ainsi � la derni�re escalade. En attaquant l�arm�e isra�lienne et en enlevant deux de ses soldats, le Hezbollah n�a pas agi dans l�int�r�t du peuple libanais. Il a agi, selon ses convictions, au profit de ses chefs supr�mes en Iran, pays qui subit de tr�s fortes pressions de la part des Occidentaux � cause de son dossier nucl�aire. Dans sa logique propre, le Hezbollah n�a pas faut�, ni trahi. Dans l�esprit de ses dirigeants, servir la cause de la r�volution islamique iranienne est une t�che plus noble que celle de servir le Liban. N�anmoins, ce parti ne s�attendait certainement pas � une telle riposte isra�lienne dont la dimension et les vis�es semblent indiquer qu�il s�agit d�une op�ration m�rement r�fl�chie et programm�e � l�avance. Visiblement, il ne manquait que le motif et le Hezbollah l�a offert sur un plateau d�argent aux g�n�raux isra�liens ! Au bout d�une semaine d�une agression caract�ris�e par une destruction massive des infrastructures du Liban et la perte de tr�s nombreuses vies humaines, il faut malheureusement relever que seul le Hezbollah a pris l�initiative de d�fendre le pays. C�est m�me la premi�re fois que, dans une guerre ouverte, Isra�l subit des pertes � l�int�rieur de ses fronti�res sans que cela soit caus� par des attentats suicides ! L�impact est terrible au niveau de l�image de cette arm�e isra�lienne pr�sum�e invincible. A l�inverse, le mouvement chiite gagne une audience extraordinaire dans les pays arabes et musulmans o� les portraits du nouveau h�ros Nasrallah remplacent ceux de Saddam Hussein !
Face � cet impr�vu � les tirs de roquettes et de missiles par le Hezbollah sur les villes du Nord-Isra�l �, que va faire Tel Aviv ? Le sc�nario le plus plausible est une poursuite des op�rations qui se traduira par davantage de destructions au Liban, dans le but �vident d�isoler le Hezbollah et d�amener les Libanais � le combattre de l�int�rieur. Consid�rant le mouvement int�griste comme un danger permanent pour sa stabilit�, Isra�l va tout mettre en �uvre pour l��liminer, ou du moins r�duire ses capacit�s de nuisance. Mais la t�che est ardue. Nul ne conna�t exactement le nombre de missiles dont dispose Nasrallah. Ensuite, pour �tre efficace, l�op�ration doit avoir un prolongement terrestre ; l�arm�e isra�lienne pourrait y recourir dans les prochaines journ�es, apr�s avoir nettoy� le terrain avec son aviation. Mais, le Hezbollah qui dispose de combattants form�s � l��cole de l�attentat-suicide pourrait lui r�server de grandes surprises.
La d�mocratie ne s�installe pas sur les reniements et les trahisons. Elle est la fille de la dignit�. Sinon, elle ne serait qu�une formule magique concoct�e dans les laboratoires sionistes de Washington pour nous d�tourner des v�ritables enjeux et d�fis ! C�est comme le terrorisme : si chaque r�sistant qui combat pour la libert� et l�honneur de son pays est un terroriste, alors donnons raison � la France coloniale qui traitait nos moudjahidine de terroristes. Etre ou ne pas �tre est la question cruciale qui restera d�actualit� tant que l�imp�rialisme et le sionisme continueront de vouloir nous transformer en larbins et en peuples sans �paisseur civilisationnelle, ni v�ritable savoir scientifique, ni ma�trise technologique, ni capacit�s de d�fense modernes. D�ailleurs, qui est en train de liquider les scientifiques de renom en Irak ? Non, M. Rodolf, je n�applaudirai pas mes ennemis, les ennemis de mon peuple et de tous les peuples de la plan�te ! Libre � vous de pr�parer une grande f�te en l�honneur des terroristes du ciel, moi, � d�faut de les combattre armes � la main, je me contente de �slogans�, comme vous dites : ils me rappellent que je continue de vivre debout et m�me si c�est une illusion, �a a l�avantage de me rapprocher des milliards d��tres qui caressent les m�mes r�ves�
M. F.

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