Panorama : LETTRES D�ESPOIR
Damas, pourquoi ?
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr


La Syrie, une dictature ? Ce n�est pas la peine d�en faire un plat ! Nous le savons, vous le savez, tout le monde le sait. La Syrie, comme tous les pays arabes, est dirig�e par une dynastie r�publicaine, un de ces clans ind�boulonnables qui ne partiront pas de sit�t. Surtout, depuis que les v�ritables desseins des fameuses r�formes d�mocratiques am�ricaines sont apparus au grand jour.
Dans le cadre de son Grand Moyen- Orient, la nouvelle droite am�ricaine insistait sur la n�cessit� d�introduire des mutations profondes dans les pays arabes. Ce �d�mocratisme� visait � donner une couverture aux v�ritables vis�es de l�op�ration : d�manteler le nationalisme arabe, abandonner l�Islam comme soubassement civilisationnel, instaurer une paix durable avec Isra�l, faire main basse sur les r�serves �nerg�tiques de la r�gion, raviver les tensions confessionnelles et ethniques afin d�aboutir � l�implosion de la Ligue arabe en cr�ant une multitude de mini-Etats dont beaucoup ne se r�clameront plus de l�arabit� ! Ce plan, lanc� concomitamment avec l�attaque de l�Irak, ne traitait pas sp�cifiquement de la Syrie qui devait �tre la seconde �tape de sa concr�tisation sur le terrain. Dans l�esprit des nouveaux missionnaires, le pays des Assad allait tomber comme un fruit m�r d�s que l�aventure irakienne serait termin�e. A ce moment-l�, on pensait que la conqu�te de Baghdad allait �tre une promenade de sant� et, d�j�, on conseillait au fr�re ennemi d�abandonner le bateau baathiste s�il voulait �chapper au naufrage qui a fait couler le voisin Saddam Hussein. Les plans de la nouvelle droite avaient pr�vu de mettre hors d��tat de nuire Arafat, de s�attaquer au prince h�ritier Abdallah � qu�on pr�sentait � ce moment-l� comme un irr�ductible �, de renverser le r�gime de Moubarak et d�installer progressivement cette �anarchie constructive� qui devait placer de nouvelles directions, �d�mocratiquement � �lues, avec cette particularit� non dite qu�elles seraient constitu�es d�agents de la CIA ! Mais, comme les choses se sont compliqu�es en M�sopotamie o� la randonn�e s�est enfonc�e dans un v�ritable bourbier, et comme ce GMO a fait r�agir les peuples arabes qui sont devenus plus anti-am�ricains qu�avant, les strat�ges de Washington se sont rendu compte du v�ritable danger : des �lections sans tricheries allaient tout simplement amener les islamistes radicaux au pouvoir. La victoire du Hamas aux l�gislatives palestiniennes et la mont�e des Fr�res musulmans en Egypte en sont des exemples �difiants. Par ailleurs, les diff�rents pouvoirs arabes se sont mis � faire la cour aux dirigeants am�ricains, par l�octroi de concessions p�troli�res au groupe Haliburton dont le vice-pr�sident Dick Cheney est un grand actionnaire ou par des revirements spectaculaires dans les positions id�ologiques (cas de la Libye, par exemple). C�est alors que les Am�ricains se sont dits : que gagnerons-nous dans la mise en �uvre de r�elles reformes d�mocratiques dans le monde arabe ? Rien, si ce n�est une reproduction du Hamas en s�rie et une vague contagieuse de Fr�res musulmans. Il fallait r�viser les plans et revoir la copie. Le recentrage qui va s�op�rer est empreint de pragmatisme. L�id�e � lanc�e r�cemment � d�un Nouveau Moyen- Orient n�est, en fait, qu�une photocopie du GMO, revu et corrig� en fonction des �volutions g�opolitiques. On va abandonner les belles id�es de d�mocratie. Puisque les soci�t�s civiles sont � l��tat primaire, que les �lites sont de plus en plus arabis�es et islamis�es et que le courant int�griste est le plus fort politiquement, on va tout simplement abandonner l�id�e de d�mocratie int�grale. Les Am�ricains vont succomber aux arguments des r�gimes en place : pas de traitements choc, sp�cificit�s nationales, introduction de la d�mocratie par �tapes, etc. La chanson est connue. Traduisez : laissez-nous tranquilles, laissez-nous au pouvoir, vous gagnerez avec nous et vous perdrez tout sans nous ! La nouvelle politique, abord�e du bout des l�vres par la secr�taire d�Etat Condoleezza Rice, est un m�lange de GMO, de vieilles constantes strat�giques, de r�adaptations dict�es par l�apparition de nouveaux dossiers urgents comme celui du nucl�aire iranien, le tout sur fond de grandes remises en cause du plan initi� en Irak. Et nous revenons � la Syrie ! Prolongement du casse-t�te irakien, ce pays est un s�rieux trouble-f�te dans le dossier palestinien et, par extension, libanais. Et ce n�est pas tout : alli� strat�gique de l�Iran, le voil� encore qui appara�t dans un autre dossier class� �Urgent� d�pos� sur le bureau ovale. Pour Washington, tout d�sormais passe par Damas dont le chemin est assur�ment bien ardu, m�me pour ceux qui ne portent pas de croix ! Que faire ? L�id�e de lancer une attaque du genre de celle men�e en Irak ne fait plus l�unanimit�. D�j� embourb� chez le voisin, l�Oncle Sam n�a aucun int�r�t � aller s�enfoncer dans la gadoue syrienne. Et puis, comme nous l�expliquions hier, ce serait mettre Isra�l dans une situation instable. Fomenter des troubles, financer l�opposition, envoyer des kamikazes et des barbus arm�s, chercher des poux dans la t�te du pauvre Assad, tout a �t� tent� par la CIA, mais le fils de son p�re tient le coup. Alors, il restait le Hezbollah : le coup est parfait. Washington a plus d�int�r�t � cr�er des probl�mes au parti de Nasrallah qu�Isra�l. Parce que, apr�s tout, la paix a longtemps r�gn� aux fronti�res entre Isra�l et le Liban et si ce n��tait ce transbordement de la crise iranienne dans la zone, les choses auraient pu continuer sur le m�me rythme. D�ailleurs, de plus en plus d�hommes influents en Isra�l pensent que leur pays est en train de risquer gros en devenant la main arm�e de Washington. Et d�expliquer que l�actuelle guerre ne sert pas Isra�l, mais les int�r�ts am�ricains ! La Syrie, une dictature ? Question � deux sous. Nous poserons plut�t cette autre interrogation � ceux qui se sont sentis �indign�s� par nos positions vis-�-vis de ce pays courageux : les autres dirigeants arabes sont-ils des d�mocrates ? Revoyez-les un par un : depuis quand sont-ils au pouvoir, tol�rent-ils des oppositions cr�dibles ? Peut-on les contredire ? Demi-dieux apparaissant dans le faste de leurs olympes, ils d�cr�tent, d�cident, nomment, donnent des ordres, gracient comme les rois de jadis. Alors, pourquoi la Syrie ? Parce que vos ma�tres am�ricains vous ont bien appris la le�on : celui-l�, pas les autres ! Il est certain que nous sommes outr�s par le fait que la succession se fasse entre p�re et fils dans une� r�publique et nous avons d�nonc� cette tendance ici-m�me ! Mais, au fond, Ce Bachar Al Assad, il aurait pu s�assurer respect et reconnaissance et continuer � mener la belle vie dans son pays en faisant comme les autres : s�il avait vendu la cause palestinienne, s�il avait nou� des relations diplomatiques sans conditions avec Isra�l, s�il avait donn� raison aux Am�ricains en Irak, s�il avait trahi son alli� iranien, pensez-vous que les Am�ricains � et par ricochet, vous-m�mes � auraient continu� de lui chercher des probl�mes et � le d�signer comme un tyran, un alli� des terroristes, un obstacle � la paix, autant de qualificatifs appris par c�ur aupr�s de la CIA ? Il aurait pu faire comme El Gueddafi, par exemple, qui, du jour au lendemain, n�est plus consid�r� comme un terroriste, mais plut�t comme un bon responsable avec lequel on peut faire des affaires. Sur le plan des droits de l�homme, la Syrie est-elle en retard par rapport � l�Arabie Saoudite et respecte-t-on mieux les droits des travailleurs � Duba� qu�� Damas ? La Tunisie est-elle plus d�mocratique que la Syrie ? Les votes � pr�s de 90% en Alg�rie sont-ils plus propres qu�en Syrie ? Saddam Hussein aurait pu accepter la proposition des Am�ricains et aller terminer sa vie dans le faste d�un palais lointain. Au-del� des crimes qu�il a commis � comme tant d�autres �, il a pr�f�r� rester dans son pays et diriger la r�sistance. En fin de compte, c�est un tyran qui n�a pas �t� l�che ! Bachar El Assad peut passer, du jour au lendemain, dans le camp am�ricain et s�assurer une v�ritable pr�sidence � vie. Le paraphe en bas d�un document �tablissant des relations normales avec Isra�l changera tout. Il ne l�a pas fait. C�est un tyran qui n�est pas l�che ! Et les autres ? Le probl�me est que beaucoup voient la d�mocratie dans nos pays avec des lunettes mises � leur disposition par l�Oncle Sam. Tout est relatif, rien n�est absolu ! Quand on attaque la Syrie aujourd�hui, et elle seule sur le plan de la �d�mocratie �, on fait le jeu des ennemis de la v�ritable d�mocratie. Parce que, quelque part, nous sommes manipul�s ; nous agissons comme si la d�mocratie �tait le pain quotidien de tous les Arabes. L�id�al, c�est d�avoir la d�mocratie et la dignit�. Le pire, c�est de ne pas les avoir les deux. Avec la Syrie, nous avons, au moins, la dignit� intacte�
M. F.

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