Actualit�s : NOUVELLE
Tyr ma bien-aim�e, Tyr mon holocauste
A la m�moire des enfants libanais assassin�s dans les bombardements isra�liens


Mon p�re ramassa un �ni�me tract balanc� d�un avion isra�lien, �il nous faut quitter notre maison et ne pas rester � Tyr. Leurs menaces ne sont pas une plaisanterie. Nous partirons dans le Nord chez mon cousin�, dit-il. Oum-Ali, ma m�re, commen�a � emballer nos affaires. Peu de choses en v�rit�. Quelques v�tements, et une chemise cartonn�es dans laquelle son mari rangeait les documents et papiers domestiques importants.

Avant de sortir je regarde un long moment notre vieille maison de pierre. On y rentre par un minuscule jardin plant� d�un figuier. Ma maison, celle o� je suis n�, o� j�ai grandi est modeste, mais tr�s bien entretenue par ma m�re. Mon p�re est marchand de l�gumes, et je n�ai jamais su quel �ge il pouvait avoir. J�ai toujours vu ses cheveux blancs et son visage rid�. �Les marques de la vie�, me disait-il souvent. Oum-Ali, ma m�re, �tait une femme aux yeux verts tr�s p�les, au nez aquilin. Mais son visage �tait ferm�. Elle souriait rarement. Ses deux fr�res, avaient �t� tu�s en 1996 lors d�un bombardement � Qana�. Sa seule famille �tait ma grand-m�re maternelle qui vivait avec nous. J��tais l�unique enfant de mes parents. J�aimais Tyr, la ville o� je suis n�, celle que nous appelons Sour. Mes parents �taient pauvres, mais je n��tais pas malheureux. Mon p�re ne faisait pas de politique. Il disait sans cesse : �Tout ce que nous voulons c�est la paix�. Il me r�p�tait souvent : �Ali, travaille bien en classe, �tudies, car seul le savoir te permettra de t��loigner du feu et de la guerre�. Le dimanche 23 juillet, je m�en souviens il �tait dix-sept heures. Mon p�re me fit monter le premier dans le camion o� il y avait d�j� beaucoup de monde, des femmes et des enfants surtout. Ma grand-m�re et ma m�re me rejoignirent. Mon p�re se tint debout aux c�t�s d�autres hommes. Combien �tions-nous dans ce v�hicule ? Impossible de le dire. Nous nous connaissions tous et �tions silencieux. Au fur et � mesure que nous nous �loignions de Tyr, je me disais que je reviendrai bient�t, que je la reverrai ma ville bienaim�e. Combien de kilom�tres avions-nous franchi lorsque retentit le bruit assourdissant des bombardements ? Six kilom�tres ? Dix kilom�tres ? Je sais seulement que nous roulions depuis tr�s peu de temps. Le projectile s�abattit sur nous. Le camion s�immobilisa. Le chauffeur �tait gri�vement bless�. Je cherchais mon p�re, ma m�re, ma grand-m�re. La force des bombes les avait �ject�s avec d�autres �voyageurs� hors du v�hicule. Je courrais vers ma m�re. Elle �tait �tendue au milieu de gravats. Elle �tait encore vivante. Un homme me hurla � l�oreille : �Ne la laisse pas mourir, le temps que nous allions chercher des secours�. Oum-Ali avait beaucoup de mal � me parler. Je lui pris son bras, je l�entourais de mes mains : �Maman, maman je t�en supplie, ne t�endors pas. Reste avec moi�. Je pleurais, pleurais et ne savais pas encore que mon p�re et ma grand-m�re �taient morts. �Je vais mourir Ali, sois courageux�, me r�pondit-elle p�niblement. C�est dans mes bras que maman est morte. Le projectile l�avait atteint � la t�te. Maman n�ira jamais dans le Nord. Mon p�re et ma grand-m�re n�iront jamais chez le cousin du nord. Je n�irai jamais dans le Nord. Je suis retourn� � Tyr et n�ai rien retrouv� de ma maison, de mon jardin, du figuer. Je suis retourn� � Tyr et me demande pour quelles raisons les bombes m�ont �pargn� puisque je n�ai plus personne et n�ai plus rien. Ils avaient dit : �Il faut partir.� Nous sommes partis. Ils ont tout de m�me bombard�. Il para�t que nous n�aurions pas d� prendre un camion mais un v�hicule l�ger. C�est de notre faute. C�est toujours de notre faute. C�est certainement de ma faute, moi Ali, d��tre n� au Liban et � Tyr. Mais qu�ai-je � voir dans cette guerre � laquelle je ne comprends rien ? Dites-le moi vous qui avez fait de moi un orphelin. Dites-le moi vous qui avez choisi le silence tandis que meurent les enfants et que survivent des orphelins. Dites-le moi vous qui m�avez �t� mes parents. Mon p�re �tait un modeste marchand de l�gumes. Ma m�re s�occupait de son foyer. C��tait leur seule politique. Dites-le moi donc, car il me faut comprendre vos folies meurtri�res pour pouvoir survivre. Survivre apr�s quoi d�ailleurs ? La d�vastation ? Le vide ? Pourquoi donc grands de ce monde refusez-vous de voir mes larmes ? Pourquoi n�entendez-vous pas les cris d�agonie des enfants de Qana�, Q�, Tyr ? Pourquoi les abandonnez-vous ? Pourquoi les laissez-vous exterminer ? Ce n�est pas l� une question ou des questions que je vous pose. C�est un cri, un hurlement d�effroi, d�une douleur que rien ne parviendra plus � apaiser. J��tais Ali un enfant de douze ans, j��tais un enfant heureux � Tyr. Tyr la libanaise ma ville bien-aim�e. Tyr n�est plus que d�combres et gravats. Tyr enterre ses morts. Je ne suis plus un enfant. J�ai grandi. Je n�ai plus douze ans. Je suis seul, j�entends des cris �pouvantables, j�aper�ois dans un horrible brouillard de fum�e les bombes isra�liennes et le visage de Oum-Ali ensanglant�. Ce sont d�sormais mes seuls souvenirs. Mais au fait, pourquoi vous ai-je racont� tout cela monarques, pr�sidents, et princes arabes ? Ali l�enfant libanais n�est pas fils de roi. Vous avez vos richesses. Je n�avais que Tyr. Vous l�avez vue dispara�tre sous les bombes et n�avez rien dit. Honte � vous !
L. A.

NB : 1) Cette nouvelle n�est pas t�moignage mais une histoire tir�e bien �videmment d�un fait r�el : la mort de toute la famille Sha�ta (famille du jeune Ali) sous les bombardements isra�liens, alors qu�elle tentait de fuir vers le nord du Liban.
2) Tyr est situ�e au Sud- Liban �Sour� connue pour �tre un beau site culturel.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable