Panorama : HALTES ESTIVALES
Je suis kabyle
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr


Durant les vacances, quelques chroniques des ann�es pr�c�dentes pour se replonger dans le feu d�une actualit� qui rel�ve d�sormais de l�histoire. Nous ferons �galement des haltes dans des villes ou des r�gions coups de c�ur. Aujourd�hui, un hommage � Massinissa Guermah �crit au moment o� beaucoup, parmi les nouveaux amis des Arouch, leur tiraient l�chement dessus ! En ce mois d�ao�t 2006, j��crirai avec fiert� un article intitul� �Je suis arabe�, pour saluer la victoire de la r�sistance libanaise sur les forces n�o-imp�rialistes de Bush et de son bras arm� sioniste !
Il y a deux ann�es, presque jour pour jour, un enfant n� pour vivre libre, un digne fils du Djurdjura, �tait abattu par un gendarme. Ce gamin s�appelait Massinissa Guermah. Il reste pr�sent dans nos c�urs et nos esprits et nous continuerons longtemps � �voquer son souvenir pour ne pas oublier la b�tise d�un syst�me arriv� au bord de la faillite. C�est aussi l�occasion de c�l�brer tous les martyrs de la cause citoyenne. Et ils furent nombreux durant ces deux derni�res ann�es. En Kabylie et ailleurs, l� o� les enfants de la r�volte se sont lev�s contre l�injustice et l�exclusion, coulant comme un torrent imp�tueux dans les art�res de nos villes et villages, rappelant � tous qu�une d�mocratie ne se construit pas par les joutes oratoires dans les sombres et tristes assembl�es de partisans, ni par les discours d�magogiques, ni dans les luttes de s�rail d�un autre �ge, mais par le sacrifice des m�mes de la libert�. Ces gavroches des temps modernes sont sortis pour dire leur haine du syst�me et demander des am�liorations dans leurs conditions de vie mis�rables. Ils en avaient marre des promesses jamais tenues et voulaient en finir avec le ch�mage, la crise sociale aigu�, le laisser-aller et le d�sespoir. Leur mouvement n�a rien d�id�ologique et n�appartient � aucune chapelle politique. Il est libre comme le vent qui souffle sur Tala Guilef et repose sur une revendication capitale : la libert�. Oui, la libert�, la vraie, pas celle qui s��crit dans les Constitutions et se d�clame dans les po�mes, ni celle que l�on ressasse tous les jours pour dissimuler l�esclavage. La libert� de choisir sa vie, sa langue, son destin personnel et collectif. La libert� de ne pas mourir b�tement d�ennui dans un village accabl� par toutes les mis�res possibles et imaginables. Lorsque, au sortir de l�adolescence, les horizons se bouchent et que l�incertitude vous saisit � la gorge, il n�y a plus beaucoup de place pour l�espoir. Et pour tous ceux qui refusent de se r�signer ou de faire le mauvais choix de l�exil, il y a la voie de la dignit� et de l�honneur : la protestation, le mouvement de revendication populaire, la lutte pacifique pour faire entendre sa voix. Non, Monsieur, ce ne sont pas des voyous. Ils sont les dignes petits-fils des moudjahidine de Novembre et les enfants des r�volt�s d�Octobre. Ils ont le m�me courage, la m�me d�termination et portent dans le c�ur le m�me amour de l�Alg�rie, une Alg�rie qu�ils veulent unie et forte, mais libre et juste. Voil� comment ils sont ces m�mes que vous n�avez pas compris et que vous continuez d�ailleurs d�ignorer. Je les connais trop bien. Il aurait suffi d�un geste, un seul geste fort et symbolique au lendemain des premiers d�rapages pour calmer les esprits et faire comprendre � tous qu�il est possible de changer les choses dans la s�r�nit�, la compr�hension mutuelle et la confiance. Au lieu de cela, nous e�mes droit � un discours acad�mique et totalement d�cal� qui apparaissait � tous comme une provocation ! Et de provocation en provocation, de r�pression en r�pression, le pouvoir maintient le cap sur la plus mauvaise des solutions avec � la cl� un pourrissement de la situation et une r�gion o� tous les d�rapages restent possibles. Dans cette crise, le syst�me aura finalement montr� toutes ses limites. Ce n�est pas seulement une question de volont� politique � totalement absente, il faut l�avouer �, c�est aussi et surtout le r�sultat d�une incapacit� chronique � r�gler les probl�mes d�une mani�re responsable. Ce pouvoir qui g�re l��chec sur tous les fronts, ne peut pas innover, inventer des solutions appropri�es aux probl�mes nouveaux qui se posent. Il est us�, corrompu, g�t�. Ses formules d�un autre �ge sont en d�calage avec les besoins et l�esprit de notre �poque. Ce syst�me a une fa�ade de d�mocratie, mais il interdit les r�unions publiques, refuse la t�l�vision aux v�ritables partis d�opposition, r�prime les manifestations, agresse les parlementaires, menace de prison les journalistes et innove chaque jour dans l�art de la mystification. L�impasse dans la crise kabyle est symptomatique de cette incomp�tence chronique qui rel�ve d�un manque absolu d�imagination et d�efforts intellectuels. Avec cette nouvelle race d�hommes politiques vivant � l�heure de Paris, Londres ou Washington, nous avons d�sormais ce que l�on appelle les ministres coop�rants; c�est-�-dire des responsables cens�s r�gler nos probl�mes d�Alg�riens vivant en Alg�rie mais qui se soignent � l��tranger, ont leurs enfants qui �tudient en Europe ou en Am�rique, font leurs emplettes dans les quartiers hupp�s de Londres ou de Paris, ach�tent des appartements dans les grandes capitales occidentales ! Alors � quoi sert l�Alg�rie ? A r�gner ? A se faire un nom ? A demander des visas et des avantages pour les siens ? A amasser de l�argent ? Peu importe. Ce que je sais c�est que je ressemble � ces Kabyles qui n�ont pas de pays de rechange et qui luttent pacifiquement pour changer les choses. Les autres s�en fichent de notre avenir, car le leur est de l�autre c�t�. Entre deux carri�res politiques, ils trouveront le moyen de s�exiler quelque part pour vivre tranquillement leur vie de �bi�. Nous appartenons � cette terre, � ces roches et � ces rivi�res, notre monde est fait de ces montagnes, de ces for�ts et de ces plages que nous n��changerons pour rien au monde. Notre destin est li� � l�Alg�rie profonde et r�elle et c�est pourquoi nous voulons que les choses changent ici, pour notre bonheur collectif. Cette revendication ne peut pas �tre celle d�un personnel politique qui ne se satisfait plus des biens en dinars. Cette revendication est celle de tout un peuple ; elle est courageusement port�e par sa jeunesse dans une r�gion qui a toujours �t� � l�avant-garde des luttes politiques pour la libert�. Que ce Printemps berb�re soit celui de la victoire du bien sur le mal. Que la justice l�emporte sur l�injustice et que la v�rit� triomphe sur le mensonge. Nous avons fait le serment de ne pas oublier les chouhada de la R�volution. Il faut aujourd�hui consid�rer Massinissa et les autres m�mes de la libert� comme les nouveaux martyrs du combat pour la libert�. Fleurir leurs tombes ne suffit pas. Il faut perp�tuer leur lutte par l�engagement solidaire de tous les enfants de la libert�, de toutes les r�gions, de toutes les ob�diences politiques pour qu�aboutisse la r�volution citoyenne, celle qui donnera enfin aux Alg�riens le vrai go�t de l�ind�pendance et de la d�mocratie ! M. F.
Chronique publi�e le 17 avril 2003

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