Increvable Saddam ! Il a fait un si grand mal � l'Irak et au
monde arabe qu'il m�rite d'�tre condamn� � mort autant de fois qu'il a tu�
d'innocents. Ses opposants d'hier, revenus au pouvoir gr�ce aux Am�ricains,
veulent le liquider mais craignent les cons�quences de son �ventuelle
ex�cution. Bush aurait-il r�ussi l'incroyable pari de rendre Saddam encore
plus dangereux et plus populaire qu'il ne l'�tait avant la chute de son r�gime
? Il semble que oui puisque ses partisans font peur aux arm�es et aux milices
pr�sentes sur le terrain.
Les militants du Ba�th ont rep�ch� les armes
qu'ils ont jet�es � l'eau dans le d�sordre de leur retraite. Aujourd'hui, ils
exhibent des "klash" � l'appui de leurs menaces au cas o� leur chef
serait condamn� � mort. Ils promettent des massacres et ruines dans un pays
d�j� d�vast� et agonisant. Dans ce registre, les promesses du
"Ba�th" peuvent �tre prises au s�rieux : pour jouer les cavaliers
de l'apocalypse, on ne trouvera pas mieux. Les ba�thistes d'Irak connaissent,
cependant, les limites de leurs capacit�s de nuisance. En plus des Am�ricains,
susceptibles toutefois de trouver un terrain d'entente avec eux, ils ont de
s�rieux adversaires. Face � eux se dressent leurs victimes d'hier, les Kurdes,
que la terminologie ba�thiste d�signe par les "Sionistes du nord".
Les Kurdes sunnites sont provisoirement alli�s aux Chiites
"sionistes" du sud et aux Sunnites "sionistes" du centre.
Depuis le dernier Ramadhan, les "r�sistants" ba�thistes d�noncent
la cr�ation de v�ritables �mirats islamistes, comme ceux qui ont surgi
opportun�ment en Somalie (1). Ils ne le font pas du tout par principe
id�ologique mais par peur de perdre des territoires � conqu�rir. Que leur
restera-t-il donc, en cas de d�mant�lement de l'Irak, si des factions
s'installent d�j� � demeure ? A ce jeu, ce sont leurs alli�s objectifs, les
islamistes, que les ba�thistes redoutent le plus. Des islamistes qui se
r�clament de Ben Laden se sont, en effets, constitu�s en "�mirats"
autonomes dans de nombreuses villes comme et dans des quartiers entiers comme �
Baghdad ou � Kirkouk. Leur tactique est simple : d�s que les troupes
coalis�es �vacuent une ville ou un quartier, apr�s une op�ration, ils se
r�pandent dans les rues en tirant des coups de feu et en saluant l'av�nement
d'un �mirat. Sit�t dit sit�t fait, la "chariaa", aux normes
wahhabites est proclam�e. En vertu de ces nouveaux commandements, tout chiite
est consid�r� comme un ennemi et doit �tre ex�cut�. Un sunnite mari� �
une chiite doit la r�pudier ou la contraindre � embrasser le sunnisme. Quant
� l'�pouse sunnite d'un chiite, le probl�me se r�gle avec l'assassinat du
mari, comme prescrit par le premier commandement. Ce qui a entra�n� un exode
des familles d�sireuses de maintenir leur int�grit� vers des villes ou des
quartiers moins rigoristes. Les t�moignages de r�fugi�s sur les pratiques de
la "chariaa", revisit�e par les �mirs, donnent une id�e de ce qui
nous attend si... Dans le gouvernorat de Anbar, zone de parcours pastoral, un
�mir local n'a pas trouv� mieux que d'interdire le p�turage des ch�vres sous
pr�texte que leurs "parties honteuses" sont visibles. En
cons�quence, les propri�taires de ch�vres doivent les �gorger et vendre leur
viande. Les bergers sont autoris�s � les emmener pa�tre uniquement si ces
"parties honteuses" sont recouvertes d'un tissu. Comme il y a une
explication � tout, les �mirs ont la leur, la voici : "Dieu a stigmatis�
les ch�vres parce qu'un proph�te s'�tait cach� au milieu de leur troupeau et
qu'elles avaient b�l� r�v�lant sa pr�sence. C'est ainsi que Dieu s'est
veng� d'elles en r�v�lant leurs parties honteuses." J'imagine d'ici, un
coll�ge de th�ologiens planchant sur cette question fondamentale : faut-il
habiller les ch�vres avant de les sortir ? Ces �mirats entendent aussi
proscrire tous les objets ou pratiques qui n'existaient pas � l'�poque de la
r�v�lation. Parmi les autres mesures proclam�es, on peut citer p�le-m�le :
l'amputation des doigts qui tiennent la cigarette chez les fumeurs, la m�me
peine pour ceux qui �coutent de la musique, l'interdiction de la roue de
secours pour les automobilistes, la fermeture des salons de coiffure. Et puis la
meilleure interdiction de consommer du concombre et de la tomate parce qu'ils
rappellent les organes de reproduction m�les et femelles (!!!). Pourquoi toute
cette folie ? Je vous renvoie � la s�rie d'interrogations qui ponctuent la
chronique de l'�crivain koweitien Ahmed Baghdadi (2) dans le quotidien des
Emirats Al Itihadt. En voici l'essentiel : - Pourquoi n'avons-nous pas
d'universit�s de r�putation mondiale comme Oxford ou Yale ? - Pourquoi
falsifions-nous l'Histoire et racontons-nous des mensonges � nos enfants au
lieu de leur apprendre la v�rit� ? - Pourquoi il n'existe pas un seul livre
sur les droits de l'homme dans notre patrimoine arabe et islamique? - Pourquoi
n'avons-nous appris la d�mocratie que lorsque nos pays ont �t� colonis�s et,
par-dessus tout �a, nous avons �chou� � l'appliquer et � la d�velopper ? -
Pourquoi avons-nous �chou� dans l'�tablissement d'une soci�t� civile
respect�e? - Pourquoi, alors que nous sommes pr�s d�un milliard et demi de
musulmans, n'avonsnous obtenu que cinq prix Nobel ; alors que le juifs qui ne
d�passent pas les dix-sept millions ont eu plus de 180 Nobel dans les sciences
? - Pourquoi n'avons-nous pas un seul inventeur scientifique ou m�dical dont
les d�couvertes aient profit� � l'humanit�, en d�pit de nos rodomontades
sur la "civilisation musulmane" ? - Pourquoi traitons-nous la femme
comme une personne de rang inf�rieur ? - Pourquoi la majorit� des terroristes
d'aujourd'hui sont des Musulmans? - Pourquoi les Musulmans sont-ils consid�r�s
comme la seule minorit� au monde � ne pas s'accommoder avec les valeurs de
modernit� occidentales ? - Pourquoi sommes-nous encore aujourd'hui la seule
nation qui interdit les livres et emprisonne les intellectuels ? - Pourquoi
refusons-nous toujours d'accepter le dialogue et de reconna�tre l'autre ? -
Pourquoi nous consid�rons- nous comme d�tenteurs de la v�rit� absolue ? -
Pourquoi consacrons-nous plus d'argent � b�tir des mosqu�es qu'� la
recherche scientifique? - Pourquoi notre Histoire ne mentionne aucune action
pour d�fendre les opprim�s et d�fendre l'homme en tant que tel ? - Pourquoi
nous distinguons- nous des autres nations par notre propension � toujours
solliciter des religieux pour r�gler nos probl�mes, en d�pit de leur savoir
limit�? - Pourquoi insultons-nous l'Occident pour aller ensuite nous y faire
soigner ? - Pourquoi ne respectonsnous pas les rendez-vous et les horaires alors
que nous portons les montres les plus ch�res au poignet ? Il y a donc de
nombreux "Pourquoi ? " dans notre pauvre et pitoyable vie, notre Ahmed
Baghdadi en guise de conclusion. Cependant, nous ne nous hasardons jamais �
poser ces questions. Bien plus, nous n'y pensons m�me pas. Il est clair que les
peuples arabes et musulmans ont une addiction irr�m�diable � l'impuissance.
De m�me qu'ils se droguent � l'oppression jusqu'� l'overdose. Ils sont si
accoutum�s � se soumettre aux gouvernements et aux religieux qu'ils n'ont plus
� se casser la t�te avec des questions. Alors, pourquoi sommes-nous �tonn�s
par les pi�tres conditions dans lesquelles nous vivons ?" Autant de
"Pourquoi ?" qui renvoient principalement aux explications de textes
propos�es par les �mirs irakiens et beaucoup d'autres qui prosp�rent parmi
nous. A. H.
(1) Comme par hasard, "Al- Djazira" �met depuis
quelques jours sur Radio FM � Mogadiscio.
(2) Des confr�res koweitiens saluent la 73e place obtenue
par leur pays au classement mondial de la libert� de la presse. Et pour cause,
le Kowe�t est le premier chez les Arabes. L'Alg�rie figure au 126e rang, entre
le Burundi et le Swaziland mais avant l'Egypte class�e 133e. Et pourtant.