Sports : ATHLETISME
NOUREDDINE MORCELI (CHAMPION OLYMPIQUE ET TRIPLE CHAMPION DU MONDE DU 1500 M) AU "SOIR"
�Pour r�ussir, il faut s�entourer de gens honn�tes�


Noureddine Morceli est l�athl�te qui a le plus marqu� le sport alg�rien. Il �tait l�auteur de plusieurs records du monde, triple champion du monde du 1500 m et champion olympique � Atlanta 1996. Il �tait cet athl�te complet que seul le Marocain Hicham El Guerrouj pouvait d�tr�ner. C��tait un ph�nom�ne des pistes d�athl�tisme. Aujourd�hui, l�enfant de Sidi Akacha, qui a quitt� les ar�nes depuis 2000, au lendemain des JO de Sydney, ne veut pas pourtant entendre d�une retraite internationale. Dans cet entretien, il consulte ses �m�moires� de sportif l�gendaire et parle aussi de ses objectifs. Il revient sur sa passion et explique les raisons qui ont conduit l�athl�tisme alg�rien � �planter� ses pointes. Le bras de fer IAAF-FAAMJS et d�autres sujets qui int�ressent nos lecteurs et le grand public sont aussi au menu de ce jeu de questions- r�ponses avec un champion bien de chez-nous.

Que devient Noureddine Morceli ?
Apr�s avoir v�cu quelques ann�es entre les Etats-Unis et la Suisse, j�ai d�cid� de rentrer en Alg�rie pour vivre parmi les miens. Malgr� cette immigration temporaire, si on peut l�appeler ainsi, je n�ai jamais coup� les ponts, car je suis tr�s attach� � mon pays qui m�a offert toutes les conditions pour r�ussir ma grande carri�re athl�tique. Je peux � tout moment vivre � l��tranger, mais c�est en Alg�rie que je me sens bien et en paix. Je me d�place plusieurs fois par an en Suisse et aux Etats-Unis o� je suis invit� pour donner des conf�rences.
Depuis votre derni�re apparition aux JO de Sydney 2000, qui s�est sold�e par une d�ception, vous n�avez pas donn� signe de vie.

Apr�s mes trois participations aux jeux Olympiques (Barcelone 92, Atlanta 96 et Sydney 2000), j��tais contraint de prendre du recul en raison de divers probl�mes. Avant tout, un athl�te est un �tre humain et pas un robot. Je n�ai pas voulu renouer avec la comp�tition internationale sans �tre en possession de tous mes moyens physiques et psychologiques. Le moins que je puisse dire, est qu�il fallait que je ne ternisse point mon statut, ainsi que l�honneur de ma patrie. Pour autant, juste apr�s les joutes australiennes, je n�ai pas �ch�m�. J�ai activ� durant quatre ann�es en sein du Comit� olympique international (CIO) en tant que membre �lu de la commission des athl�tes. Cette commission d�fend les int�r�ts des athl�tes. D�ailleurs, tout au long de ce mandat, cet �norme travail a �t� sanctionn� par une revue dans laquelle j�ai exprim� mon point de vue � l�instar de Bubka et d�autres champions. L�exp�rience du CIO fut tr�s enrichissante pour moi et je suis pr�s � la renouveler. En cela, je fais confiance au Comit� olympique alg�rien (COA).
Mais, six ann�es apr�s votre dernier 1500 m de Sydney, vous n�avez pas annonc� officiellement votre retraite ?

Si j�annonce un jour ma retraite, �a sera vraiment du s�rieux. Je ne veux nullement me retirer pour revenir quelques mois plus tard, comme le font certains sportifs. J�ai travers� des moments difficiles avec des blessures � r�p�tition qui m�ont emp�ch� de reprendre la comp�tition. J�avais h�te d�honorer mon pays � l�occasion des rendez-vous internationaux qui ont succ�d� � Sydney-2000, mais j��tais rattrap� par les blessures. Pour le moment, je m�entra�ne sur la base de footings, sans me fixer un quelconque objectif. J�entretiens encore l�espoir de reprendre le chemin de la comp�tition. Si tout va bien, je chausserais mes pointes. La volont� existe, mais cela ne veut pas signifier que je vais m�aventurer. Je n�ai pas l�intention de d�cevoir les Alg�riens qui �taient fiers de mes prestations. On a bien vu des champions � 40 ans � l�image de Yifter Miruts, double champion olympique du 5.000 et du 10.000 m � Moscou 1980.
Votre fr�re et entra�neur Abderrahmane s�est �galement �clips� de la sc�ne sportive ?
Mon fr�re Abderrahmane vit depuis deux ann�es avec sa famille en Californie. Il est entra�neur � l�universit� de Riverside. J�aurais souhait� qu�il reste en Alg�rie afin qu'il mette � profit son exp�rience envers les athl�tes alg�riens. C'est le destin. S�il a choisi de partir aux Etats-Unis, c�est qu�il a ses propres raisons. Actuellement, il entra�ne un groupe d�athl�tes africains. Mon fr�re Abderrahmane, qui jouit d�un grand respect � Los Angeles, s�est sacrifi� �norm�ment pour moi. Il �tait un symbole.
N�y a-t-il que ton fr�re qui t�a aid� ?
Il serait maladroit et ingrat de ma part de ne pas rendre hommage � la firme Sonatrach qui m�a parrain� durant toute ma carri�re, notamment mon respectueux pr�sident Djouad Mohamed qui �tait d�un ind�niable apport pour moi. Djouad a fait beaucoup pour le sport alg�rien. Bien �videmment, il y a mon ancien manager Ammar Brahmia, mes anciens camarades d�entra�nement, � savoir Abdenouz R�da, les fr�res Brahmia (Abdelbaki et Nacer), Benzai Abdelkrim, Driouche Mohamed, Sakhri Azzeddine, le masseur Bouchakour Ahmed qui accomplissait un excellent travail. Bouchakour �tait proche de moi. Toutes ces personnes ont �t� d'un apport important dans mon ascension. Je le r�p�te, je ne suis pas un ingrat. Je n�oublierai jamais ceux qui m'ont aid�. J�ajouterai le r�le de la presse nationale qui a comment� tous mes exploits
La presse nationale a-telle �t� tendre avec toi ?

Vous m'avez donn� l'occasion de rendre hommage � la presse alg�rienne qui, malgr� le manque de moyens, a couvert toutes mes sorties d'une fa�on remarquable. Je tiens � remercier tous les journalistes et reporters de la presse �crite, audiovisuelle et parl�e qui ont comment� tout mon parcours et ce, du d�but de ma carri�re jusqu'au sacre olympique d'Atlanta.
L�athl�tisme alg�rien est actuellement dans un v�ritable bourbier, au point ou l�IAAF vient de suspendre la FAA. Quel est ton point de vue ?

Pour une catastrophe, �en est vraiment une. Comme tous les Alg�riens, je suis pein� par cette d�cision. Les plus grands perdants suite � cette d�cision sont les athl�tes qui en subiront les cons�quences. Une chose est s�re : cette malheureuse situation laissera des traces. Je n�en dirai pas plus.
Comment expliquez-vous la d�cadence de notre athl�tisme qui n�a point brill� depuis les JO de Sydney ?

Depuis la belle moisson de m�dailles remport�es par Benida Merah, Sa�di Sief Ali, Sa�d Guerni Djabir et Hammad Abderrahmane, � Sydney, notre athl�tisme a connu une nette r�gression. Peut-�tre que ceci est d� au manque de suivi pour que ces athl�tes aillent plus loin. A mon avis, pour r�ussir, il faut s�entourer de gens honn�tes qui aiment leur pays. Je parle en connaissance de cause, l�entourage peut influer positivement, comme n�gativement sur les r�sultats techniques. Je ne mets pas en doute le nationalisme de notre �lite qui m�rite un meilleur entourage. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, qui �tait ancien ministre des Sports, a donn� tous les moyens � notre �lite. Il ne faut pas se contenter de dire � chaque fois que la rel�ve existe alors que les ann�es passent. Si on ne progresse pas entre 20 � 26 ans, ce sera difficile, voire impossible, d��tre champion du monde ou olympique. Moi, � 18 ans, j��tais vice-champion du monde junior et � l��ge de 21 ans, j�ai d�croch� mon premier titre mondial du 1500 m. Tout comme le Marocain El Guerrouj ou G�brs�lassi� qui ont �clat� � l��ge de 20 ans.
M�me � Chlef, ta ville natale, l�athl�tisme n�est plus rayonnant ?

L'athl�tisme n'a pas seulement r�gress� � Chlef, mais au niveau national. La situation difficile qu'a travers�e l'Alg�rie �tait loin d��pargner le sport. Malgr� cela, la wilaya de Chlef s�est employ�e � d�velopper le sport. Jetez-en un coup d��il dans toutes les s�lections nationales, vous trouverez des jeunes athl�tes issus de Chlef. Le wali de Chlef, est en train de rattraper le temps perdu, pour que le sport � Chlef atteigne les sommets. Le premier responsable de la wilaya ne l�sine pas sur les moyens. A cet effet, il va incessamment rouvrir le centre de pr�paration con�u sp�cialement pour les athl�tes. Il ne faut pas oublier que Chlef demeure toujours un v�ritable p�le de d�veloppement en Alg�rie. La ville a donn� tant d'athl�tes d'�lite � ce jour pour les �quipes nationales (athl�tisme, football, volley-ball, etc.). Cette tradition ne date pas d�aujourd�hui. Chlef a marqu� le sport alg�rien. En somme, pour que l�athl�tisme retrouve son lustre d�antan, il faut que tout le monde y mette du sien.
Est-il vrai que des pays vous ont propos� la naturalisation, contre de grandes sommes d'argent ?
Exact. Je pr�f�re ne pas citer les noms des pays qui m'ont sollicit� pour courir sous leurs couleurs, ni les sommes qui m'ont �t� propos�es.
Quelle est la recette pour devenir un Morceli Noureddine ?
Il faut faire preuve d��normes sacrifices. Depuis mon jeune �ge (minime et cadet), je me suis consacr� � fond pour atteindre mes objectifs. Il y a des jours o� j�ai fait du stop, j�ai dormi dans le hammam et dans le bus � la veille des cross. Le lendemain, je remporte la course. Je me suis forg� � braver le froid, le soleil, la faim, etc. Je m�entra�nais 8 heures par jour, soit 4 heures le matin et 4 heures l�apr�s-midi. Mon programme ne consistait pas seulement � avaler des kilom�tres, faire de la musculation, de la vitesse. C��tait un entra�nement de 24h. Car le plus important �tait de g�rer l�apr�s-entra�nement. Si on ambitionne de r�aliser une grande carri�re, il faut �tre un digne professionnel. Je vivais dans un circuit ferm� (stade, h�tel) pendant 11 mois sur les douze de l�ann�e, car j�avais la rage de r�ussir, surtout qu�� l��poque, l�Alg�rie traversait une d�cennie noire. L�embl�me national ne me quittait jamais � l��tranger. Le drapeau �tait dans mon sac � l'occasion de mes sorties internationales. Je n'attendais que les exploits pour faire un tour d'honneur. Tout cela pour dire que l'Alg�rie n'est pas morte.
Si on vous confie la mission d�entra�neur national, accepteriez-vous ?
Pourquoi pas ? A condition qu�on me donne carte blanche pour tenter de r�ussir un tel challenge. J�entends par l� que ce n'est pas � moi de me d�placer aux consulats pour faire des visas aux athl�tes comme cela est souvent le cas. L'entra�neur ne doit pas r�gler les probl�mes administratifs des athl�tes. Sur le plan technique, lorsque je programme un stage ou une comp�tition � l��tranger, il ne faut pas qu�on me mette les b�tons dans les roues. Il faut que chaque personne fasse son travail. C�est aberrant de constater que des athl�tes ont rat� des comp�titions internationales � cause de visas ou autres. Avec cette gestion l�, il ne faut pas s�attendre � des r�sultats. Si on me confie un jour cette mission, il faut que je sois entour� par un groupe d�athl�tes qui suit le programme � la lettre et qui ne se sacrifie que pour la pr�paration. Sans ces param�tres, le meilleur entra�neur du monde ne peut r�ussir. J'ajoute aussi qu'un ancien champion du monde ou olympique ne va pas forc�ment r�ussir une carri�re d�entra�neur.
Apr�s la retraite d�El Guerrouj, il n�y a pas de leader sur le 1500 m ?
C�est juste. La campagne de lutte contre le dopage men�e par l�IAAF a �pingl� certains athl�tes. A mon �poque, j�ai senti le parfum du dopage. Au meeting de Zurich, en 1999, j�ai termin� 4e devant les athl�tes dont les performances sur le 1500 m ne d�passaient pas les 3�33�. J�avoue que ce jour, j��tais totalement marqu� non pas par mon classement, mais par l��tonnante forme de mes adversaires. Il faut mettre tous les moyens pour �radiquer ce fl�au. L�athl�tisme propre permet aux athl�tes propres de r�ussir leur carri�re sportive et avoir une vie mod�le.
Est-ce que tu fais de la politique ?
Non. Je ne fais pas de politique et je n'en ferai jamais. Je suis un sportif et je le resterai. Comme je l'ai toujours annonc�, mon parti, c�est le peuple. Un sportif n'a rien � voir avec la politique. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, que Dieu le pr�serve, est le symbole du pays et l�homme de la situation. Il a fait des miracles pour sortir l'Alg�rie de la d�cennie noire. Il faut que le peuple le soutienne sans rel�che afin qu'il poursuive son �uvre. Cependant, si mon pays me sollicite pour apporter des propositions, je r�pondrais favorablement. Je me sacrifie toujours pour ma patrie.
En d�pit de tes exploits, qui ont marqu� l�histoire de l�athl�tisme mondial, ton image n�est pas exploit�e en Alg�rie ?
Nul n�est proph�te en son pays. Il y a de la jalousie dans l�air. Ce n�est pas � moi de m�imposer, ni de me faire ma propre publicit�. Ceux qui me sous-estiment, sous-estiment l�Alg�rie.
Quelle est ton �quipe pr�f�r�e ?
Je suis un athl�te du Mouloudia d'Alger depuis plus dix ann�es et je supporte l'�quipe du MCA et celle de ma ville natale, l'ASO Chlef. Il ne faut pas perdre de vue que le MCA est un club qui a des supporters partout en Alg�rie. Mais si un jour, le MCA croise en finale de la Coupe d'Alg�rie Chlef, je supporterais celle qui gagne.
Quelle est la chose qui te fait le plus mal au c�ur ?

C�est l�hypocrisie incontestablement, les gens sans �tat d��me. Ceux qui n'ont pas de parole, les ingrats et les escrocs. Ce genre de personnes me d�goutte vraiment.
Pour conclure ?

Que cesse une fois pour toutes la violence en Alg�rie et que les Alg�riens parviennent � se r�concilier entre eux. C'est mon plus sinc�re souhait que de voir l'Alg�rie sortir de cette situation.

Entretien r�alis� par Chafik B.

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