Actualités : CHRONIQUE
En quelques mots : de-ci, de-là
Par Leïla Aslaoui


1) Le ballon de baudruche ou l’itinéraire de Abdelaziz Belkhadem
Sitôt propulsé en 2004 par son président au poste de secrétaire général du FLN, puis en 2006 à la chefferie du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem annonçait de sa voix nasillarde, se voulant tonitruante, la révision de la Constitution. Pas une fois, pas dix fois mais de multiples fois saisissant toutes les opportunités et profitant de toutes les tribunes et espaces d’expression qui lui étaient offerts.
Ainsi : “La révision constitutionnelle aura lieu” (A. Belkhadem) “la révision constitutionnelle est une priorité” (n’hésitant pas sur ce point d’égratigner jusqu’au sang M. Ahmed Ouyahia qui avait déclaré alors qu’il était chef du gouvernement : “La révision n’est pas une priorité”) ou encore : “Le président ne peut plus diriger le pays avec l’actuelle Constitution” (A. Belkhadem) (fallait-il être aveugle pour ne pas relever les nombreuses fois où son président a tordu le cou sans état d’âme à l’actuelle Constitution ? Aveugle non. Opportuniste assurément). “Nous soutiendrons le président pour un troisième mandat” (A. Belkhadem). “Nous suggérerons au président la tenue du référendum en faveur de la révision constitutionnelle avant les législatives” (A. Belkhadem). “De la même manière que nous avons annoncé l’augmentation des salaires, nous disons que la révision constitutionnelle aura lieu.” (A. Belkhadem). Mieux encore ! l’homme a rapidement mis en place des commissions de travail pour réfléchir convenablement, profondément sur la durée des mandats ou le mandat à vie présidentiel mais surtout sur la vice-présidence car on l’aura compris : l’agitation de l’homme était motivée par la viceprésidence ! Et puis patatras : le pot au lait s’est cassé et comme dans la fable, Abdelaziz Belkhadem a dû renoncer à ses vaches, ses veaux et moutons. C’est alors que contraint à se déjuger et dépité, il déclara d’une voix presque inaudible : “Si le président se présente à un troisième mandat... nous le soutiendrons.” “La révision constitutionnelle connaîtra un léger report car le président a d’autres priorités” (A. Belkhadem) Tiens... Tiens... Report qualifié par le ministre de l’Intérieur d’impossible à respecter en raison d’autres échéances électorales. Dont acte. Pour résumer la révision constitutionnelle de Abdelaziz Belkhadem, je ferai appel à ce bel adage populaire bien connu des Algériens : “Eli yahsseb ouahdou, y-chitlou” ! A. Belkhadem “y-chitlou bezzaf !”. C’est tellement vérifiable que l'autre sujet sur lequel il s’est superbement planté concerne l’état de santé de son président : “Il se porte très bien.” “N’a-t-il pas le droit de se reposer comme n’importe quel citoyen ?” (lors de la longue absence en juillet/août du président). “Je l’ai vu : il est en excellente santé” (retour du président après sa première hospitalisation au Valde- Grâce. Sauf que A. Belkhadem n’avait pas pu rencontrer son chef puisque la presse révéla que celui-ci rentra deux jours après la déclaration de Belkhadem !) Et la cerise sur la gâteau fut évidemment le camouflet cinglant asséné par le chef de l’Etat à Abdelaziz Belkhadem lorsque le premier déclara publiquement en présence de M. Nicolas Sarkozy : “J’ai été très malade”. D’autres que Belkhadem auraient choisi le chemin du départ plutôt que d’essuyer cet affront. Mais comment donc peut-on descendre les escaliers lorsqu’on n’a jamais appris à les grimper ? Certains lecteurs pourraient se demander pour quelles raisons je rappelle ces faits “belkhadémiens” ou si vous préférez où je veux en venir ? A ceci : Lorsque Abdelaziz Belkhadem a déclaré dimanche 19 novembre, lors de la clôture des travaux des investisseurs, “ceux qui sont impliqués dans la tragédie nationale ne pourront plus exercer d’activités politiques. La charte est claire sur ce point...” Ce n’était pas la première fois qu’il acceptait tel un ballon de baudruche de se déjuger (ou de se dégonfler). Sauf que cette fois-ci, contrairement aux précédentes, il a dû le faire avec plus d’ouverture et de dépit. N’était-ce pas lui en effet qui avait reçu des heures durant, “Rabah le blanchi” à son retour d’Allemagne ? N’était-ce pas lui que l’on avait vu souriant assis aux côtés d’ex-émirs amnistiés pour n’avoir pas regretté d’avoir assassiné des militaires ? N’était-ce pas lui qui avait permis au premier comme aux seconds d’organiser conférences de presse et réunions pourtant interdites par la charte qu’il était tenu de faire respecter ? Abdelaziz Belkhadem de 1990, de 1992 opposé à l’arrêt du processus électoral n’a pas changé et ne changera pas. Sa volte-face, il ne l’a pas faite de son plein gré. Il avoue et à travers lui le chef de l’Etat (surtout lui) que la réconciliation était une belle supercherie. Une de plus ! Nous avons été nombreux à le dire, à prévoir la férocité des groupes armés. Nous avons été qualifiés d’antinationalistes par Abdelaziz Belkhadem et autres... Il a fallu aux nationalistes Belkhadem et Bouteflika des attentats à l’explosif, des militaires qui se fassent trucider pour qu’ils reconnaissent enfin, qu’il leur faut changer de fusil d’épaule (Bouteflika surtout). Cette marche arrière ils l’ont faite contraints et forcés. Elle prouve qu’au moment où le monde tremble à l’idée qu’Al Qaïda et le GSPC peuvent frapper n’importe où, la réconciliation fait véritablement désordre. Notamment, lorsqu’on apprend que des “repentis” — ainsi appelés par leur bienfaiteur — ont rejoint leurs acolytes dans les montagnes et que l’ANP lors d’une opération de ratissage a découvert dans la wilaya de Bouira un hôpital souterrain du GSPC. Le GSPC recrute, il menace, il tue. Abdelaziz Belkhadem et son président oseraient-ils encore nous vendre leur “paix de dupes” ? A quand la prochaine déclaration du chef de l’Etat via Abdelaziz Belkhadem pour fustiger la réconciliation nationale ? Utopie que celle-ci ? Qui vivra verra... Une chose est sûre : Abdelaziz Belkhadem ne dira à l’avenir les choses que lorsqu’on le sommera de les dire. Toutes les fois qu’il a tenté de n’en faire qu’à sa tête il s’est planté. Aura-t-il au moins appris qu’en politique l’ambitieux qui joue sans filet a toutes les chances de tomber ? Pour l’instant c’est la navigation à vue.
2) Quand Aboudjerra Soltani détient des preuves

Alors que nous pensions pauvres naïfs, que le GSPC était le vrai GSPC, voici que le leader du MSP nous révèle sur un ton péremptoire, d’une voix assurée que “c’est la mafia qui est derrière les attentats et qu’il détient des preuves”. Des déclarations qu’il ne faut pas prendre à la légère. Quand bien même nous sommes nombreux à ne pas fréquenter la mafia, nous n’ignorons pas pour autant que celle-ci est structurée, hiérarchisée, a ses propres règles, ses “codes” et ses “lois”. Alors lorsqu’un leader de parti — islamiste qui plus est — dit détenir des preuves sur cette “camora” responsable des récents attentats. Il en a trop dit ou pas assez. Surtout lorsqu’il ajoute : “Je ne parle pas dans le vide.” On est en droit de se demander pourquoi le ministère public qui peut se saisir d’office car l’ordre public peut par ces déclarations être troublé à tout moment, ne l’a pas fait alors qu’il fut si prompt à décider de poursuites lorsque mon ami Hakim Laâllam, chroniqueur au Soir d’Algérie, avait été sommé de s’expliquer devant ses juges — et condamné — sur le mot “fessée” usité dans une de ses chroniques. Est-ce qu’une fessée est plus nocive qu’une mafia que Soltani dit connaître ? Cette question devrait être posée à Soltani luimême puisqu’il affirme ne jamais parler dans le vide. Et pourtant... Soltani parle... parle beaucoup notamment quand il disserte sur la “Star Academy”. A ce niveau franchement ses propos étaient seulement ridicules à défaut d’être amusants Cette foisci ils ne sont pas amusants : Ils sont graves, car ils ont pour but de troubler les esprits et de porter atteinte à l’ordre public. Juste pour ces deux raisons l’homme aurait dû être rappelé à l’ordre ou mieux encore, appelé à s’expliquer. La liberté d’expression, c’est dire ce que l’on veut mais assumer ce que l’on dit. On comprend qu’à la veille d’échéances électorales, le MSP par la voix de son secrétaire général ait voulu monter sa mayonnaise. Celle-ci n’a pas seulement tourné, elle est ratée. A tout choisir, il vaut mieux se souvenir de l’image de Aboudjerra Soltani profondément endormi publiée en avril 2006 par El Khabaralors que le chef de l’Etat prononçait son discours lors de la semaine du Coran. Endormi, il rêve de l’émission de la Star Academy “que l’on peut voir seul dans sa chambre” (Soltani). Eveillé, ou réveillé, lorsqu’il parle c’est toujours pour ne rien dire et parler dans le vide. La preuve : c’est encore lui qui a déclaré : “La sécurité est revenue.” Alors ses preuves sur les attentats par des groupes mafieux, balivernes ! Et puis comment cet “incorruptible” accepte-t-il de connaître la mafia lui qui réclame à cor et à cri l’abolition de toutes les immunités et l’ouverture de tous les dossiers de corruption ? Au fait, pour qui Soltani a-t-il joué cette mauvaise partition ? Certainement pas pour l’alliance présidentielle, encore moins pour son président ?
3) L’abolition de la peine de mort
Lundi 20 novembre à 18 heures une émission radiophonique (Chaîne III) d’une heure avait pour thème : “L’abolition de la peine de mort”. Sujet grave, ce débat de société aurait certainement réclamé un peu plus qu’une petite heure où en sus des trois invités, le micro était ouvert aux auditeurs. Il aura eu le mérite d’être amorcé et là était son intérêt. Si maître Miloud Brahimi fidèle à lui-même et à ses convictions (au temps où j’exerçais comme magistrate) a réitéré ses positions d’abolitionniste de la peine capitale, il fut surtout le seul invité à faire cette remarque pertinente et bienvenue : “Si ceux qui ont massacré, tué, violé, n’ont pas été condamnés à la peine capitale qui donc le sera ? Il fut également le seul à être à la hauteur de la gravité du débat et à remettre de l’ordre lorsque le second invité, membre du parti du MSP a tenté de dévier la question en bon islamiste. Partisan donc de l’application de la peine de mort, ce second invité a évoqué la loi du talion prévue effectivement au verset coranique de sourate El Baqara : 178 : “O croyants il vous est prescrit la loi du talion (qissas) en cas de meurtre...” Pour quelles raisons alors que le MSP auquel il appartient n’a-t-il pas jugé utile d’évoquer et d’invoquer la loi du talion lorsqu’il a été appelé à se prononcer sur les bienfaits d’un pardon accordé contrairement à l’esprit et à la lettre de l’islam par un seul homme aux terroristes-islamistes à la place des ayants droit des victimes ? Pourtant cet invité ne pouvait pas ignorer cet autre verset de sourate Nissa 93 : “Celui qui tue volontairement un croyant aura pour prix de son forfait l’enfer où il demeurera à jamais. En butte au courroux de Dieu, il sera maudit du Seigneur et voué à d’immenses tourments” (ou au châtiment exemplaire) - L’islam n’est le monopole de personne et ne peut être invoqué selon ce qui nous arrange. Enfin, le troisième invité, président de la commission des droits de l’homme, se présentant comme abolitionniste lui aussi, a proposé des peines de prison incompressibles. Pourquoi pas ? Mais alors comment cette proposition pourrait-elle s’accommoder avec son adhésion pleine et entière à la charte de l’impunité alors même qu’il était attendu de lui en sa qualité de défenseur des droits de l’homme qu’il défende le droit de justice et de vérité reconnu aux victimes dans un Etat de droit digne de ce nom ? Fort intéressant, ce débat méritait plus de 60 minutes, car être abolitionniste n’est pas une mode, mais une conviction comme celle de maître Miloud Brahimi. Etre partisan de la peine capitale peut obéir à un sentiment, à une émotion. Nous faut-il (et c’est l’expérience tirée de ma profession de magistrate convaincue entre 25 et 32 ans que la peine capitale était efficace) seulement poser la vraie question : la peine capitale est-elle exemplaire ? Efficace ? Dissuasive ? La réponse est non avec un N. Il faut juste avoir l’honnêteté de l’avouer. Enfin, ne serait-il pas ridicule de continuer à laisser cette peine figurer dans le code pénal alors même que des criminels de la pire espèce ont été amnistiés ? C’est bien cela qu’a dit maître Miloud Brahimi à cette émission. Et il a bien raison.
4) Les gris-gris du ministère de la Culture

( Le Soir, lundi 20/11/2006)

Alors que lui ont été posées des questions sur la restauration de La Casbah par des journalistes, la ministre de la Culture a répondu que cette “mère malade (La Casbah) a eu droit à des remèdes tels que l’encens (bkhour), les gris-gris et de magies blanches”, la ministre n’a pas dit si l’on avait fait saigner un bœuf comme cela s’est passé un jour au palais de la Culture.
L. A.
NB. :
Un monsieur répondant au prénom de “Abderachid” m’a écrit à mon adresse personnelle (domicile) pour me reprocher :
1)
Ma “west phobie” obsessionnelle à l’égard du président et de son équipe.
2)
Mon dépit de ne pas avoir accès au salon d’honneur et à un poste ministériel.
3)
Ma crainte de voir le président rempiler pour un 3e mandat.
Bien que la lettre ne contienne pas d’adresse et de nom, je répondrai au “courageux” Abderachid, car le silence est l’arme des faibles et des lâches.
1)
West phobie dites-vous : J’ai la chance et le privilège d’appartenir à une famille où toutes les régions d’Algérie — je dis bien toutes — sont représentées. Ce brassage parfait voulu par nos parents, nos enfants et petits-enfants, a éloigné de nous toutes accusations de régionalisme. Par contre, plutôt que de parler de west phobie ne pensez-vous pas qu’il faille plutôt parler de westmania, si l’on en juge par le nombre effrayant de ministres, de responsables à la tête d’institutions importantes, issus de la même région, voire de la même wilaya. Et ce n’est certainement pas à cause de cette westmania que je diverge totalement avec votre président. Avant même qu’il ne soit investi en 1999, j’avais prédit qu’il serait le défenseur des islamistes et ne mènerait aucune réforme jusqu’au bout. Je ne le connaissais absolument pas et ne le connais toujours pas. Je l’ai jugé en homme public, les évènements m’ont donné raison, El Hamdoulillah ! C’est cela votre west phobie ? A moins que vous voudriez me voir rejoindre la horde de courtisans pour ne pas être atteinte de ce mal que je n’ai pas et n’ai jamais eu Dieu merci ? Je n’ai pas l’âme d’une courtisane ne vous en déplaise !
2) Lorsque j’ai parlé dans ma précédente chronique de l’interdiction au salon d’honneur, de hauts responsables, j’entendais parler de personnalités autrement plus importantes qu’une ancienne ministre. Moi, je n’ai jamais eu besoin d’un salon d’honneur lors de mes voyages : le personnel de l’aéroport peut le confirmer. Quant aux postes ministériels, je les ai eus et il y en a même un dont j’ai démissionné pour des convictions.
3)
Ma peur de voir le président briguer un 3e mandat ? Moi, voyez-vous, je suis plutôt branchée en ce moment sur la santé du président... j’en répondrai pas aux insultes de Abderachid “l’anonyme” car ma mère — une grande dame — m’a appris à débattre et non à injurier. Ce qui signifie que nos mères n’auraient jamais pu se rencontrer encore moins se fréquenter. Ce qui signifie également que je continuerai à m’exprimer au grand jour je vous laisse l’obscurité de l’anonymat si confortable !



Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/11/25/article.php?sid=46170&cid=2