
Actualités : A L'APPEL DE L'OPPOSITION Marée humaine dans le centre de Beyrouth
Impressionnant, quand plus d’un million de personnes entonnent l’hymne national libanais. Une véritable marée humaine venant de tous les quartiers de la capitale et de la région ont répondu à l’appel de l’opposition libanaise pour exiger un gouvernement d’union nationale. Elle conteste la légitimité du cabinet dirigé par Fouad Siniora depuis la démission de six ministres dont deux du Hezbollah, estimant être mis à l’écart des principales décisions par la majorité actuelle. L’opposition, outre le Hezbollah et Amal de Nabih Berri, comprend les quatre partis chrétiens (le Courant patriotique libre (CPL) du général Michel Aoun ; le Bloc populaire d’Elie Skaff ; le courant des Marada de Sleimane Frangié et Tadamon d’Emile Rahmé) ainsi que le Parti démocratique libanais et le Baas libanais. Dans le calme et une ambiance de fête, les Libanais sont arrivés par groupes de 100 à 200 personnes, majoritairement jeunes, chrétiens fidèles au général Aoun, chiites, sunnites et simples citoyens, brandissant les emblèmes du Liban afin de donner un caractère national à ce rassemblement et des pancartes avec pour slogan «Nous voulons un gouvernement propre !». Un service sécuritaire impressionnant : blindés et militaires portant des gilets pare-balles assuraient la sécurité des édifices publics. Les places des Martyrs et Selim-Hoss au centre-ville ainsi que les artères y menant étaient noires de monde. Des enceintes géantes diffusaient des chants patriotiques, mais aussi de Marcel Khelifé, tandis que des groupes de jeunes (filles et garçons) exécutaient des danses traditionnelles libanaises. L’ambiance était à la fête. Pas de slogans religieux, mais uniquement politiques. Certaines jeunes femmes, nombril à l’air, affichaient ostensiblement des badges à l’effigie de Nasrallah et, en guise de foulard, l’emblème du parti de Dieu : il n’y a pas que celles portant le tchador qui le soutiennent. D’autres affichaient leur appartenance au parti de Aoun, le Courant patriotique libre. Ce dernier a mobilisé 5.000 jeunes pour assurer le service d’ordre. Ceux du Hezbollah étaient trois fois plus nombreux. Et quand Michel Aoun est apparu à la tribune, masquée par une vitrine blindée, une immense ovation s’est élevée. Avec des accents de tribun, l’opposant le plus farouche au gouvernement actuel, parlant au nom de l’opposition, a trouvé les mots pour la faire vibrer, et faire siffler le gouvernement actuel, accusé de recevoir ses ordres auprès de l’ambassadeur des Etats-Unis, Jeffrey Feltman. L’opposition libanaise a réussi à mobiliser au-delà de ses espérances. En effet, agitant le spectre de la guerre civile, le risque d’affrontements durant les dernières 24 heures précédant ce rassemblement, tout a été fait pour dissuader les Libanais de répondre à l’appel de l’opposition. Cette dernière a assuré que le rassemblement se poursuivra sous forme de sit-in, à la manière de la «révolution orange», jusqu’à la chute du gouvernement si la majorité au pouvoir n’accepte pas la formation d’un cabinet d’union nationale, principale revendication de cette opposition. En effet, dans la soirée de jeudi, c’est sur un ton empreint de gravité que le Premier ministre, Fouad Siniora, s’est adressé aux Libanais, qualifiant le rassemblement de l’opposition de «tentative flagrante de faire chuter le gouvernement » et «de putsch». Il a demandé aux Libanais de manifester leur soutien en accrochant l’emblème national à leurs balcons. Et quelques minutes après, des e-mails en anglais s’affichaient sur les téléphones portables, y compris le mien, pour accrocher l’emblème libanais. Son discours terminé, des tirs nourris se sont fait entendre dans Beyrouth. Des habitants sont sortis croyant à des affrontements entre le Hezbollah et ses adversaires ou entre les Forces libanaises de Samir Geagea et le CPL du général Michel Aoun. En fait, il s’agissait de tirs émanant de la banlieue sud qui saluaient la fin de l’intervention du chef du gouvernement. Toujours dans la soirée, tous les leaders politiques (opposition et majorité) ont appelé au calme. Amine Gemayel a demandé aux militants du Kataëb de rester dans leurs permanences. Samir Geagea, l’ancien chef de guerre chrétien, au nom des Forces libanaises, en a fait de même, non sans vouer à l’échec la manifestation de l’opposition. Autorités religieuses chrétiennes et sunnites ont également appelé en commun au calme et au dialogue entre les partis. Car depuis l’assassinat du ministre de l’Industrie, Pierre Gemayel, une vive tension règne au Liban. Vendredi matin, la guerre des signes a commencé. Aux balcons des immeubles d’al-Hamra, principal quartier commercial et hôtelier dans le Beyrouth- Ouest, peu d’emblèmes nationaux étaient accrochés aux balcons, et encore moins ceux du Hezbollah. En revanche, A Chrafiyeh, fief chrétien à Beyrouth-Est, l’appel du chef du gouvernement a été suivi par une partie des habitants. Seuls les partisans de Michel Aoun n’y ont pas répondu. Tandis que dans Beyrouth-Sud, fief du Hezbollah, décoré aux couleurs jaunes du parti, se faisaient entendre des chants patriotiques diffusés par hauts-parleurs et des appels aux rassemblements après la prière du vendredi. H. Z.
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