Actualit�s : "DANS LA GRISAILLE D'ALGER"
Histoire du renard (suite)(1)
Par Le�la Aslaoui


En �coutant Hocine, Mouloud, � un copain du groupe ins�parable � dit aux autres : �Hocine n�est pas le seul � conna�tre l�histoire du renard, ma grand-m�re me la contait �galement lorsque j��tais enfant. A cette �poque-l�, nous ne poss�dions pas encore de t�l�viseur, et attendions mes fr�res, mes s�urs et moi-m�me, avec impatience la fin de la journ�e. Apr�s le d�ner, nous prenions place autour d�elle et nous ne nous lassions jamais de l�entendre.

Elle avait des dons de conteuse incomparable et savait nous tenir en haleine en inventant chaque soir un nouveau feuilleton aux interminables �pisodes. Son imagination n��tait jamais en panne. Je me souviens parfaitement de l�histoire du renard et de la girafe. Voulez-vous l�entendre ?� Ses quatre amis dirent oui en ch�ur. Mohamed ajouta : �Savez-vous mes fr�res que vous m�invitez s�rieusement avec vos histoires d�animaux ? Mais apr�s tout, m�me si je n�y comprends rien de rien, elles m�aident � croire que mes journ�es de ch�meur sont plus gaies et que le temps passe plus vite. Que ferais-je sans vous ? Mouloud dit : �Il y a tr�s longtemps, une girafe dirigeait les animaux de sa for�t et vivait en parfaite harmonie avec eux tous, ainsi qu�avec ses voisins et ceux des contr�es lointaines. Lorsqu�elle apprit que le renard avait �t� d�sign� pour diriger une des for�ts du monde, elle fut d�abord surprise par ce choix voulu par le lion, connaissant la capacit� de nuisance du renard, son caract�re belliqueux et destructeur. Puis elle se dit qu�il fallait faire avec. C�est alors qu�elle d�cida de faire une visite � celui qu�elle appela �son ami�, et se fit accompagner de nombreux mammif�res, oiseaux et reptiles. Seul le corbeau d�clina l�invitation. �Ah non ! surtout pas moi, les ruses du renard �a me conna�t, elles sont traumatisantes !� La girafe fut satisfaite de constater que son h�te avait d�ploy� de grands moyens pour l�accueillir, pourtant une surprise fort d�sagr�able l�attendait. Alors qu�elle s�appr�tait � tendre la patte pour saluer le renard, celui-ci l�attira vers lui pour lui l�cher le museau. Il l�obligea � se baisser et � accepter un coup de langue, un second, un troisi�me, un quatri�me... En se redressant elle ressentit une violente douleur au niveau du dos. �Un lumbago�, se dit-elle. Durant les deux jours qu�elle passa dans cette for�t, elle se dopa d�antalgiques et dissimula ainsi tant bien que mal sa douleur. Le pire pour elle, fut qu�� chaque rencontre avec son h�te, celui-ci �prouvait le besoin de l�enlacer, de l�embrasser. Elle en avait ras-le-bol la girafe des �samcks�, �smacks� du renard. Elle remarqua qu�il les distribuait tous azimuts et � quiconque avait le malheur de l�approcher. Elle fut bien heureuse de regagner sa for�t ne serait-ce que pour se reposer quelques jours. Au moment du d�part, elle informa le renard qu�elle serait contente de le recevoir � son tour et qu�une invitation officielle lui parviendrait. Sur le chemin du retour, l��l�phant demanda brutalement : �Alors madame, la rencontre a-t-elle �t� fructueuse ?� �Ne m�en parlez pas. Je n�ai pas pu en placer une comme aurait dit notre ami le singe. Le renard a glapi pendant cinq heures. Une logorrh�e et un soliloque sans pareils ! Et puis j�ai fort bien compris que les animaux de sa for�t �taient tr�s m�contents. Ils ne mangent pas � leur faim et lorsqu�ils osent manifester leur d�ception, ils les jettent dans des tani�res. L�unique chose qu�il sache faire avec dext�rit� c�est l�cher les museaux, ceux des lions comme ceux des �nes.� Remise de son lumbago, la girafe se remit au travail. Un matin, le z�bre haletant, accompagn� du daim dont les bramements s�entendaient de loin, demand�rent � �tre re�us par la girafe. �C�est urgent�, dirent-ils. �Madame, lui disent-ils, nous avons appris que le renard sera dans notre for�t cet apr�s-midi.� � Comment cela ? Je ne l�ai pas encore invit�. Mais il est totalement fou ce renard, je ne l�attendais pas et surtout pas en ce moment o� j�ai d�autres priorit�s. L�information confirm�e, la girafe contrainte et forc�e, improvisa un accueil des plus b�cl�s. Avant de sortir, elle en serra ses reins et son dos dans une solide ceinture orthop�dique en pr�vision des smacks... smacks du renard. Celui-ci reconnut que sa visite �tait impromptue mais qu�il venait en ami. La girafe lui fit remarquer qu�il aurait pu la pr�venir. Elle n�en pouvait plus la girafe ; le renard �tait totalement impr�visible et son d�placement �tait aussi injustifi� qu�inutile. Il avait tant � faire dans sa for�t ! C�est alors qu�elle eut l�id�e d�appeler le perroquet pour lui dire de d�clarer aux animaux du monde entier que le renard s��tait fait inviter et s��tait impos� d�une mani�re fort encombrante. Comme � l�accoutum�e, le vert perroquet s�acquitta parfaitement de sa mission en y ajoutant pour une fois une phrase de son cru : �C��tait un voyage inutile.� D�pit�, le renard s�en retourna chez lui en jurant qu�il se vengerait. Quelque temps apr�s, il demanda � se reposer chez la girafe mais cette fois-ci celle-ci fut avertie de son arriv�e. � Quelle est la morale de ton histoire stupide ? demanda Mohamed � Toutes les fois que ma grand-m�re nous la racontait, elle prenait le soin de conclure ainsi : � �Evidemment mes enfants, ce n�est qu�une histoire imaginaire d�animaux. Ma propre grand-m�re me la racontait lorsque j�avais votre �ge pour m�expliquer que pour �tre respect� il faut �tre respectable et qu�un renard ne devient jamais un lion.�
L. A.
1) Suite de la nouvelle parue le 30 novembre 2006 �Dans la grisaille d�Alger�.
NB. : La meilleure conclusion sur le feuilleton du python de Mohammadia que j�ai entendue est celle d�une vieille Alg�roise comme on en rencontre rarement de nos jours. Cela s�est pass� dimanche matin (3 d�cembre) chez un buraliste de Staou�li. La dame demande des nouvelles du python. Le buraliste r�pond : �Hadja, ils ont finalement d�couvert que ce n��tait qu�une couleuvre de 1,50 m et ils l�ont tu�e.� La dame r�pond avec un bel accent alg�rois : �Bouh... bouh ma qadrouch ala sidhoum, katlou bentou� (ils n�ont pas eu raison de leur ma�tre ils ont tu� sa fille !) N�est-ce pas la plus belle conclusion sur le python devenu couleuvre ? N�est-ce pas la plus belle conclusion surtout sur l�incurie de l�Etat ? Quel est ce sot qui croit encore que l�on peut avaler des couleuvres ?

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