Monde : Difficult�s financi�res � l�Institut du monde arabe
De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed


�L�IMA en danger� est le texte d�une banderole brandie la semaine derni�re par les salari�s en gr�ve � l�Institut du monde arabe � Paris, dont 8 � 10 d�entre eux, sur un effectif global de 150, sont menac�s de licenciement. Chaque ann�e, d�une fa�on cyclique, les probl�mes financiers ressurgissent alors que cette grande institution culturelle re�oit annuellement entre 800.000 � 1 000 000 de visiteurs. Il manque chaque ann�e 2 � 3 millions d�euros pour boucler un budget de 22 millions d�euros.
Le paradoxe est qu�au m�me moment, l�IMA se fait distinguer par un afflux consid�rable aux manifestations de tr�s haute facture qu�elle organise p�riodiquement : l�expo �Pharaon� avait drain� 700.000 visiteurs ; �le Maroc de Matisse� a enregistr� la visite de pr�s de 350 000 personnes et �L��ge d�or des sciences arabes� a r�uni plus de 200.000 visiteurs. C�est dire que le public ne manque pas tant aux expositions que dans la vaste et riche biblioth�que ou encore aux caf�s litt�raires qui s�y d�roulent chaque jeudi et qui domicilient des d�bats aux th�mes vari�s. Malgr� ces succ�s, les responsables de cette institution font appel au minist�re fran�ais des Affaires �trang�res pour la renflouer. Qu�est-ce qui explique alors ces difficult�s ? Pour beaucoup, elles proviendraient d�abord du flou qui a caract�ris� sa cr�ation et les statuts qui la r�gissent et qui ont subi au fil des ans de multiples rafistolages et ensuite dans le mode de management de cette institution. L�id�e de cr�ation de l�IMA remonte � 1973. C�est l�ann�e du choc p�trolier et les initiateurs de cette id�e voulaient �associer la France et le monde arabe autour d�un projet culturel commun�. A l�origine, seuls le mus�e et la biblioth�que �taient envisag�s. L�architecte Jean Nouvel, retenu pour r�aliser l��difice, n�a pu trouver aupr�s des commanditaires du projet une id�e claire de ce qu�on voulait y mettre. C�est au fil des ans, apr�s sa cr�ation en 1987, que ceux qui en prirent la t�te, au niveau de la direction comme des d�partements qui se sont cr��s alors, que chacun, selon ses convictions, y mit ce qu�il voulait et ce, sans vision globale du projet, de ses finalit�s et ambitions, ni de sa n�cessaire adaptation au nouveau contexte des relations de la France avec les pays arabes. Certains localisent pr�cis�ment les probl�mes de l�IMA dans la long�vit� de ses responsables de d�partement (d�crits comme les �barons inexpugnables et scl�ros�s�) qui semblent install�s d�une fa�on immuable dans leurs postes et qui n�auraient, de ce fait, aucun recul pour apporter un souffle nouveau et des solutions aux probl�mes. L�IMA est statutairement sous tutelle du minist�re fran�ais des Affaires �trang�res. Son pilotage est assur� d�une fa�on paritaire : le pr�sident, fran�ais, est nomm� par l�Elys�e et le directeur g�n�ral, d�sign� lui aussi, est arabe. L�actuel pr�sident est le gaulliste Yves Gu�na, �g� de 84 ans, et le directeur g�n�ral actuel est l�Alg�rien Mokhtar Taleb-Bendiab, ancien ambassadeur alg�rien et ancien responsable du Centre culturel alg�rien. Le mode de d�signation de ces personnalit�s est d�cri� par certains qui n�y voient que des raisons politiques et diplomatiques. Il en est m�me ainsi de certaines manifestations organis�es � l�emporte-pi�ces et pour plaire aux princes comme l�exposition des ��uvres picturales� du fils de Kadhafi ou encore celle d�artistes femmes kowe�tiennes, suite au don de 1 million d�euros fait par l��mir de ce pays � l�IMA. Autre grief, de taille celui-l�, est le budget de l�institution, qui est pris en charge, selon les textes, � 60% par la France et � 40% par les 22 Etats de la Ligue arabe. Ces derniers tra�nent cependant la patte pour r�gler leur quote-part ou le font d�une mani�re tr�s irr�guli�re. Sont-ils au moins convaincus qu�ils peuvent faire de cette institution un lieu o� pourrait s�exercer un v�ritable lobbying ou tout le moins donner du monde arabe une autre vision qu�en donnent certains extr�mistes ? Rien n�est moins s�r� Pleine ou vide, la coquille est sous la tutelle du minist�re des Affaires �trang�res. Son pr�sident est nomm� par l�Elys�e. Le poste va � un "grand serviteur de l�Etat" pour le r�compenser de son pass� et non � une personnalit� choisie pour sa comp�tence. Ainsi, l�ambassadeur Denis Bauchard, nomm� en 2002 apr�s le d�c�s de son pr�d�cesseur, le s�nateur Camille Cabana (UMP), un proche de Jacques Chirac, a donn� sa d�mission en 2004, donc avant la fin de son mandat, pour laisser la place � Yves Gu�na (83 ans), v�t�ran gaulliste, ancien pr�sident du Conseil constitutionnel, qui a largement d�pass� l��ge de la retraite. Le budget de l�IMA devait �tre aliment� � parit� par la France et ses vingt-deux partenaires arabes. Mais les fonds manquent toujours. Les pays arabes payent peu et mal. Tandis que la France n�a pas r�actualis� sa quote-part depuis 1990. Tous les ans, le pr�sident de l�IMA est donc oblig� d�arracher au minist�re des Affaires �trang�res des fonds suppl�mentaires pour boucler son budget. En novembre 2005, il manquait 2,6 millions d�euros. Yves Gu�na en a r�cup�r� deux. Mais le probl�me n�est pas r�gl� pour autant. Et les acrobaties comptables imagin�es par les pr�sidents successifs ne servent qu�� diff�rer une r�forme de fond. "L�improvisation perp�tuelle est �puisante et co�te cher", constate Mohamed Metalsi. Et ils sont nombreux, au sein de l�IMA, � pointer la gestion "pagailleuse" de l�institut et ses choix commerciaux d�plorables, de la boutique �la M�dina�, "inutile et d�ficitaire", au restaurant, "m�diocre en d�pit de sa vue exceptionnelle". Cet imbroglio financier traduit surtout la myopie des tutelles vis-�-vis de l�IMA. Pour beaucoup de pays arabes, l��tablissement est un simple outil de communication qui remplit mal son r�le. Pour les Fran�ais, c�est un accessoire diplomatique trop on�reux. "Or, l�IMA est aujourd�hui au c�ur des d�bats qui agitent le monde, soutient Brahim Alaoui, directeur du mus�e et des expositions. C�est le rendez-vous oblig� de tous les intellectuels arabes qui habitent la France ou sont de passage en Europe. Les d�bats organis�s dans nos murs sur des th�mes chauds font salle comble. C�est l�un des rares endroits o� des communaut�s antagonistes peuvent se rencontrer. Mais il manque une vision ample pour faire fructifier les richesses de l�IMA." Mais surtout, personne ne semble remarquer � Paris que le r�le de l��tablissement a totalement chang�. "Nous faisons certes conna�tre le monde arabe au grand public fran�ais, affirme Ouerdia Oussedik, responsable de l�action �ducative. Mais nous sommes d�sormais un point d�ancrage essentiel pour les jeunes Fran�ais issus de l�immigration. Nous recevons chaque ann�e un millier de groupes scolaires ou �manant du tissu associatif. La moiti� d�entre eux viennent de la banlieue parisienne. L�IMA est devenu un institut franco-fran�ais et personne n�en tire les cons�quences."
K. B.-A.

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