Panorama : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Khalifa, solde de tous contes
Par Arezki Metref
arezkimetref@yahoo.fr


J�avoue que je ne connais rien � l�affaire, pas plus de pr�s que de loin, en bien ou en mal, le sieur Khalifa. Nul n�est parfait, que veux-tu ! C�est autant de handicaps pour formuler un sentiment sur le proc�s qui se tient � Blida, auxquels s�ajoute cette difficult� r�dhibitoire : je ne pige fichtre rien au dossier. Tournez la page, donc ? J�en sais n�anmoins autant que n�importe quel Alg�rien d�voreur de feuilles de choux sur cette success story minute transform�e en une nuit en plus grosse escroquerie de l�histoire d�une Alg�rie pourtant r�put�e bonne poire.
Sous nos fuseaux horaires, et sous quelques autres connexes, tout le monde a suivi la fulgurante �mergence et la prompte chute de ce jeune homme � qui tout semblait sourire. On nous a tant rebattu les oreilles avec son g�nie entrepreneurial, ses audaces capitalistiques, son sens de l�innovation que m�conna�tre le cadeau qu�il �tait pour la Nation revenait en quelque sorte � faire preuve d�un d�faut de patriotisme. Et puis, tout s�effondre. Un ch�teau de cartes ! Comme il faut un temps � tout, apr�s le feuilleton de la r�ussite, voici celui des poursuites ! Moins reluisant, �videmment ! Mais tout aussi inintelligible. Autant je ne comprends pas comment ce diable de jeune homme bcbg et matois a pu �difier en cinq ans un empire pesant 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires � partir d�un courant d�air dans un pays aussi fliqu�, autant la d�construction timor�e dans laquelle se cantonne le proc�s m�est du latin. Du moins, d�apr�s ce qu�en rapportent les comptes-rendus de journaux. Car, tous les matins, je me jette dessus avec la voracit� du lecteur qui n�a, depuis belle lurette, rien de consistant � se mettre sous la dent. Tout �tant pacifi� par ailleurs, je me contente d�ingurgiter les leurres comme s�ils �taient les miens. Et puis, inconsciemment, je cherche des �l�ments � la question qui taraude l�opinion alg�rienne, laquelle opinion en a vu de toutes les couleurs sans jamais perdre sa candeur hom�rique : comment a-t-il �t� possible qu�un tel scandale se produise ? Pour y r�pondre, on fait d�filer des brochettes de lampistes qui ont, pour certains, d�j� eu assez d�ombre pour se demander dans quelle superproduction dantesque ils se sont fait prendre. D�autres lampistes, de bonne foi, comme quelques-uns de ces responsables d�entreprises publiques qui ont plac� sur ordre de leur hi�rarchie l�argent qui leur �tait confi� chez Khalifa Bank, se demandent, eux, comment un Etat peut-il en arriver � faire juger ses serviteurs pour des actes qu�il leur a demand� d�accomplir. Encore un truc � ajouter � notre rubrique �jamais vu !� Je ne vois que �a comme explication : le r�gime de notre cher pays est pass� ma�tre dans l�art non seulement de mentir aux administr�s, mais aussi aux administrateurs. Reconnaissons-lui cette attitude cons�quente : il ne ment pas qu�aux autres, il se ment d�autant � lui-m�me. Et s�il y a une chose qui ne lui fait pas peur, c�est la g�om�trie variable. Y�a qu�� voir justement le d�fil� des t�moins et des pr�venus. On croirait que les r�les (pr�venus ou t�moins) ont �t� distribu�s comme une offrande r�galienne. Pour les m�mes faits, si tu n�as pas de pot, tu es pr�venu. Si, par contre, tu es n� sous une bonne �toile sur l��paulette, le directeur de casting te fera t�moin. Heureusement qu�en Alg�rie, on a le sens de l�humour. �a permet � l�opinion de se marrer de cette grosse farce. Mais, pour autant, pas de proc�s vaut-il mieux qu�un proc�s t�l�phon� comme celui qui semble se tenir ? Il y a un d�but � tout. Un mauvais proc�s, qui permet qu�on �value au moins les d�g�ts, est pr�f�rable au silence total et absolu. Pour ma part, je fais mon profit de cette philosophie � deux dinars endossables dans une agence Khalifa en me rappelant un souvenir, encore frais. Lorsque Khalifa �tait au z�nith de sa puissance, il avait fond� une t�l� en France. Quelquesuns de mes confr�res, et parfois amis, parmi les plus respectables, se pressaient au portillon pour cro�ter en r�pondant � ceux qui restaient dubitatifs : �Pour une fois qu�un Alg�rien r�ussit, etc.� La litanie patriotarde se d�clenchait comme une alarme de voiture. Je ne sais pas ce qu�ont fait ces confr�res et parfois amis dans cette t�l� que je n�ai jamais vue, mais j�observe avec une certaine tristesse cette r�currence : maintenant qu�il est tomb�, Khalifa est un pestif�r� m�l� � une escroquerie plus os�e que tous les casses de tous les si�cles r�unis ! Quand on est dans la mouise, ceux qui ont mis le nez dans la mangeoire du temps qu�elle �tait pleine n�ont soudain plus de langue pour soutenir le bienfaiteur d�hier. Comme dit l�autre, mieux vaut �tre puissant et libre qu�exil� en faillite et avec l��p�e de Damocl�s d�une demande d�extradition sur la t�te. Pas grand monde, � pr�sent, pour amuser le golden boy qui a construit un royaume dans le royaume ! L�ch�, tout seul dans son trois-pi�ces de Londres, il doit n�anmoins bien rigoler car, lui, il sait. Il sait qui lui a donn� le fric, qui lui a fil� un coup de pouce et de main, qui lui a permis de gonfler aux hormones une fortune comme on gave un mouton d�A�d. Il sait, lui, que cette r�ussite incomparable m�me fi maricane, � qui il la doit. Et �a ne doit pas �tre jojo � entendre. Il faut se m�fier des contes de f�es, car les f�es sont versatiles. Au train o� elles vont, elles risquent de se retourner contre d�autres �entrepreneurs� de g�nie qui construisent des pyramides que le premier vent d�m�nagera incontinent. Ce qui me chagrine dans l�affaire Khalifa, c�est l�injustice d�avoir d�v�tu des petits �pargnants pour nourrir des gens d�j� bien nourris. Mais on ne pr�te qu�aux riches et Khalifa a perverti cet h�ritage de Jugurtha s�adressant � Rome : tout y est � vendre, les hommes d�abord, pourvu qu�un acheteur se pr�sente. L�acheteur, c�est lui, un temps. Et l�argent, c��tait de la monnaie de singe.
P. S. de l�-bas : Voil� ce que d�clarait Rafik Khalifa dans un entretien accord� � l�hebdomadaire fran�ais VSDdat� du 10 mai 2006 : �Je veux bien d�un proc�s, � condition qu�il se d�roule en Angleterre, sans a priori. D�ailleurs, la justice anglaise vient d�accepter le d�p�t de ma plainte. Pour y parvenir, mes avocats se sont bas�s sur la jurisprudence Pinochet, un cas qui a pu �tre trait� en extraterritorialit�. Si tout se passe bien, le proc�s devra commencer mi-juin, gr�ce au travail accumul� depuis deux ans sur le dossier. Les journaux alg�riens � la botte du pouvoir sont, paradoxalement, mes meilleurs soutiens avec toutes les incoh�rences qu�ils �crivent. Mes avocats vont convoquer � la barre le pr�sident Bouteflika, les dirigeants de la Banque d�Alg�rie, du minist�re des Finances, tous ceux qui ont organis� la chute de mon groupe. M�me si je doute qu�ils viennent� Ils disent que j�ai vol� le montant faramineux de 1,7 milliard de dollars (1,35 Md d� ) ! Eh bien, qu�ils le prouvent ! Et le juge tranchera. Mais il faut bien pr�ciser que le r�ve du gouvernement alg�rien ne tient que dans mon extradition pour me laisser pourrir ensuite en prison.� Le mois de juin est pass� depuis longtemps et point de proc�s � Londres !
A. M.

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