Actualités : CE MONDE QUI BOUGE
Le 8 Mars des Irakiennes et...des Algériennes
Par Hassane Zerrouky


La situation des femmes irakiennes rappelle, en pire, celle de leurs sœurs algériennes. En pire, parce qu’elles bénéficiaient d’un statut sans équivalent dans le monde arabe, statut datant de 1958, époque du régime progressiste de Abdelkarim Kassem. Un statut, qui a perduré sous Saddam Hussein jusqu’à la veille de la guerre contre l’Iran. C’est à partir de 1980, durant ce conflit, que les références islamiques ont commencé à prendre le pas sur les références socialistes et nationalistes dans le discours officiel irakien.
Cette tendance s’est accentuée après l’invasion du Koweït par l’Irak, invasion suivie par les menaces d’intervention américaine. Le 14 janvier 1991, à la veille de cette intervention, le régime décide d’ajouter la mention «Allahou Akbar» sur le drapeau irakien, afin de rallier à sa cause les islamistes. Après la défaite et le retrait irakiens du Koweït, le régime de Saddam est pris d’une frénésie islamisante. Un institut Saddam Hussein d’études des sciences islamiques est créé à Baghdad. Un autre pour les études coraniques, portant également son nom, est créé à Mossoul. Des dizaines de mosquées sont édifiées dont la mosquée Saddam, jamais terminée. Sous l’aile réactionnaire du pouvoir baâthiste, le dispositif juridique est amendé instituant les châtiments corporels tels les amputations et la flagellation, et ce, avant que Saddam n’y mette fin en personne en 1996. Naturellement, les femmes qui jouissaient d’un statut avancé dans la société irakienne, sans aucune comparaison dans les pays de la région, ont été les premières à faire les frais de l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques et du revirement réactionnaire du régime de Saddam. Car, si le régime n’a pas osé abolir leur statut, il a, en pratique, ouvert la voie à sa remise en cause, du moins au sein de la société irakienne, en favorisant le retour aux pratiques archaïques tribales. Au point que le statut progressiste de l’Irakienne dépende non plus de la loi mais du bon vouloir de Saddam Hussein. Aujourd’hui, excepté au Kurdistan, les Irakiennes sont soumises à la loi islamiste. Elles ne sont plus des citoyennes à part entière. Elles sont victimes de l’arbitraire et des violences émanant des parties en conflit. Quand ce n’est pas le régime en place, ce sont les groupes islamistes qui s’attaquent à elles. Contrainte à l’exil, Houzan Mahmoud, présidente de l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak (OLFI) dont de nombreuses militantes ont été assassinées, a été condamnée à mort par Ansar al-Islam. Les milices chiites proches du pouvoir ne sont pas en reste. Sabrina, jeune sunnite, qui a dénoncé le viol dont elle a été l’objet à Tel Affar par des policiers chiites, s’est réfugiée à Amman. De manière générale, les viols se sont multipliés. L’OLFI fait état de six viols par la police dans la région de Mossoul et de l’exécution par les différentes parties en guerre en Irak de plusieurs centaines de femmes, au rythme de 15 par jour ! A la morgue de Baghdad, pour le seul mois de novembre, on a comptabilisé 150 corps de femmes, violées avant d’être mutilées et exécutées. Et dans le pays voisin, l’Iran, s’est ouvert le procès de six féministes iraniennes. Leur tort : avoir manifesté contre le «code de la famille » local ! Le 8 mars, les Algériennes qui connaissent ce que l’islamisme leur a fait subir dans leur chair, en butte au code de la famille institué en 1984, et qui continuent à se battre, seules malheureusement, pour le droit à la citoyenneté et contre les discriminations machistes, sont bien placées pour mesurer ce qu’endurent les Irakiennes. Bien sûr, les esprits misogynes pourront toujours arguer que ces Algériennes qui revendiquent le droit à la citoyenneté sont minoritaires dans la société. A ceux-là, il suffit de rappeler que Boudiaf et ses compagnons – ils n’étaient que huit aidés par une poignée de militants – étaient minoritaires quand ils ont décidé de déclencher la guerre de Libération nationale. L’histoire leur a finalement donné raison !
H. Z.



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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/03/08/article.php?sid=50556&cid=2