Culture : MOSTAGANEM, OU L�EPOPEE CULTURELLE D�UNE VILLE "Mestgha, blad Sa�d, elli dlamha liss imoute kif iride..."
A Mostaganem, la culture n�a jamais �t� un vain mot. Vou�e � un avenir culturel des plus sereins, la coquette cit� de Sidi-Sa�d compte d�s lors parmi les grands p�les, dans le monde des arts et ce n�est d�ailleurs que justice si elle a toujours su se hisser au rang des villes les plus hupp�es culturellement. Une ville ouverte � tous les arts
Son riche patrimoine immat�riel l�gu� de g�n�ration en g�n�ration �
travers les �ges et les �poques contribuera ainsi � un �panouissement
certain d�une race d�artistes exceptionnels et ce, � travers une sacr�e
diversit� artistique qui fait encore jusqu�� l�heure la renomm�e de
Mosta et de toute la r�gion du Dahra. Ainsi, cette derni�re aura-t-elle
enfant� d�une �poque � une autre de v�ritables sommit�s dans l�art de
s�exprimer qui ont d� marquer leur temps au point de laisser derni�re
eux un aussi lourd et pr�cieux h�ritage dont peuvent encore
s�enorgueillir les Mostagan�mois. A Mosta, comme dans les quatre coins
du Dahra, tout est pr�texte � la cr�ation artistique dans un genre comme
dans un autre et c�est l� sans doute que r�side le plus fou des
myst�res. Dans la vie citadine de tous les jours comme dans le v�cu
rural en rase campagne, l�artiste trouve son compte � la faveur d�un
potentiel et de valeurs intrins�ques aussi riches que vari�es.
De Belkacem Ould Sa�d � Ma�zouz Bouadjadi
La musique populaire citadine dite �cha�bi� est la plus forte
caract�ristique de Mostaganem et ce, pour avoir �t� depuis la nuit des
temps, solidement ancr�e dans les m�urs des gens du Dahra. Le cha�bi y a
connu ses heures de gloire au temps o� les ma�tres av�r�s du mandole et
du banjo faisaient de Mosta, le lieu sacr� de l�in�vitable p�lerinage �
accomplir en qu�te des pr�cieux textes et quacidate des c�l�bres po�tes
de la r�gion dont le barde de tous les temps, � savoir Sidi Lakhdar
Benkhlouf. Mosta a vu na�tre alors orchestres, musiciens et chanteurs de
valeur qui chacun � sa mani�re, ont s� perp�tuer le genre musical le
plus pris� par les gens de Mostaganem. L�enfant prodige du cha�bi
alg�rien, le toujours jeune, Ma�zouz Bouadjadj, n�est en fait que
l�aboutissement d�un aussi long parcours parsem�, certes, d'emb�ches par
endroits mais � combien envo�tant et charg� de passions... Il y eut bien
auparavant l��pop�e des grands che�khs de la sana��galement et l�
�galement, beaucoup a �t� fait pour qu�aujourd�hui, prolif�rent les
fleurons de cette belle musique classique faite de noubas entre un
msader et un khlass... Hadj Moulay Benkrizi, Bouzidi Benslimane Bendada,
Tedjini, Abderrahmane Bena�ssa, Belkacem Ould Sa�d, Habib Bentria, Ali
Benkoula et tant d�autres ont d� �tre en fait, derri�re de si jolies
�closions qui ont pour noms aujourd�hui Zeguiche, Ghalmallah, Fay�al
Benkrizi, Kaki Bendjelloul, Kherbab, Norine Ould-Moussa, Mahfoud
Boukhalfa et autres Haouki Amine, Boudraf... Et puis, le cha�bi
mostagan�mois c�est aussi cette panoplie de styles propres � chaque
chanteur. L��cole de Ma�zouz Bouadjadj n�a rien � voir avec celle de
che�kh Chadli Ma�mar alors que le style de Habib Bentahar reste tout �
fait diff�rent de celui de Norddine Benattia et ce, au moment o� la
touche d�un Abdelkader Benda�m�che supposait un tout autre genre. La
rel�ve d�aujourd�hui aura pris ainsi la m�me voie pour mieux pr�server
cette tradition bien �tablie � Mostaganem, � savoir contribuer encore et
toujours � embellir le cha�bi de mouvances diff�rentes, rythmes et
cadences faits de chatoyantes permutations, et autres transitions qui
donnent plus de charme encore � ce qui se brade par la voix surtout
lorsque le timbre diff�re sensiblement entre un soliste et un autre.
Hamada n�a pas chant� Bonaparte
Dans un autre registre, l��ternel chantre du chant b�douin, cheikh
Hamada restera sans doute pour longtemps l�exemple �difiant de l�artiste
rac�. Il aura eu de son vivant l�insigne honneur de r�volutionner � lui
seul la tradition musicale dans le genre b�douin et ce, en r�ussissant
de fa�on magistrale � brosser la po�sie citadine entre hadri, haouzi et
aroubi dans la sauce b�douine pour en faire au fil des temps un non
moins succulent m�lange buvable d�ailleurs � souhait... C�est avec
Hamada toujours que la gasba sera remani�e et � laquelle il lui
apportera une touche propre � la r�gion du Dahra, d�s lors que le
r�pertoire cha�bi entrait de plain-pied sous sa f�rule, dans le mode
b�doui. De son c�t� cheikh Djillali A�n- Tedl�s assurera la rel�ve de
son cheikh en se r�v�lant plus tard le digne successeur de Hamada � la
faveur d�une notori�t� qui aura largement d�pass� nos fronti�res. Lui
aussi, il laissera des traces apr�s sa disparition et ses nombreux
adeptes �pousent aujourd�hui et fid�lement son style particuli�rement
s�duisant avec � la cl�, l�innovation dont il fut l��uvre et qui
consiste � utiliser dans le rythme � imposer sur le galal la sacr�e
chevali�re qu�il a toujours port�e � la main. Pas loin de Blad Touahria
d�o� est natif cheikh Hamada et A�n Tedl�s, d�autres grands noms du
chant b�douin ont eu la latitude de s�affirmer sur la sc�ne culturelle �
l�instar des �cheikh Bosquet� � Hadjadj, che�kh Med El-Mamachi ainsi que
son fils � Hassi-Mam�che, et puis El- Guebabi et Bendehiba El Bouguirati
de Bouguirat, cheikh Abdellah Ould La�d, Chigueur et tant d�autres.
Mosta, forum du quatri�me art
Par ailleurs, Mostaganem, qu�on a depuis toujours consid�r�e comme
la perle du Dahra, constitue l�un des grands p�les du quatri�me art en
Alg�rie et ce, depuis l��poque assez lointaine o� pour la premi�re fois
dans le pays, une pi�ce de th��tre sera �crite par cheikh Ahmed El
Alaoui Ben-Mostefa, fondateur de la confr�rie alaouite. La pi�ce sera
mont�e et jou�e il y a de cela d�j� pas loin d�un si�cle. Puis na�tra
plus tard le mouvement national du th��tre gr�ce � l�apport de grands
hommes de th��tre et autres dramaturges comme Ould Abderrahmane Kaki
p�re de la Halqua, Bachali Allel, les Fr�res Mezadja, AEK Benmokadem et
autres Chougrani, Fethi Osmane... C�est d�ailleurs au lendemain de
l�ind�pendance de l�Alg�rie que Mostaganem devait donner en public la
premi�re repr�sentation th��trale, L�Alg�rie ind�pendante, et ce, en
pr�sence du leader cubain d�alors, le r�volutionnaire Ernesto Ch�
Guevara qui ne s�emp�chera pas, sid�r� sur place, d�avouer qu�il existe
bel et bien un th��tre en Alg�rie. C��tait l�un des chefs-d��uvre de
Kaki, � savoir 132 ans et magistralement interpr�t� par les com�diens
mostagn�mois. Aujourd'hui, la wilaya de Mostaganem compte en son sein
plus de vingt formations et troupes th��trales avec autant de com�diens,
metteurs en sc�ne et auteurs � l�instar de Djamel Bensabeur, Ahmed
Haroun, Belalem, Abdellah Meddah et autres Benmokadem. Faut-il d�autre
part savoir que l�immense m�rite aujourd�hui r�side dans le fait que
Mostaganem a su jusqu�� l�heure pr�server son festival d�art dramatique
qui demeure le doyen des manifestations culturelles de dimension
nationale, et ce, depuis sa naissance en 1967, avec le d�but d�une
sacr�e aventure men�e par feu Si Djillali Mustapha Benabdelhlim.
Zorna, A�ssaouas et sana�
Un festival qui a finalement dur� contre vents et mar�es et s�il est �
sa quaranti�me �dition cet �t� 2007, c�est qu�il y eut bien des hommes
qui n�ont de cesse veill� sur sa p�rennit� en tant que pr�cieux acquis
culturel non seulement d�une ville mais de tout un mouvement national.
Dans la tradition culturelle � Mostaganem, par ailleurs, la zorna est
cet autre aspect qui caract�rise le v�cu du Mostagan�mois ordinaire. A
travers toute la r�gion du Dahra, notamment en milieu citadin, comme
Mosta-ville, Sayada ou Mazagran, vall�e des Jardins et Sidi Othmane, la
zorna est synonyme de tbal et gha�ta accompagn�s de bendir et parfois de
tbila. La quasi-majorit� des mariages, nuits de noces, bapt�mes et f�tes
familiales sont c�l�br�s au son de tbal et gha�ta, et ce, en vertu des
us et coutumes des Mostagan�mois. Le son et la musicalit� qui en
d�coulent sont uniques en leur genre, et se d�marquent d�s lors de la
gha�ta alg�roise, constantinoise et autres tlemc�nienne. Ainsi,
devrons-nous retenir aussi longtemps que possible le nom prestigieux de
che�kh Bena�ssa El Ghayatte, issu de la famille Benazzouz o� les fils
Abdelkader et Mohamed ont pris dignement la rel�ve du l�gendaire maestro
de la gha�ta � Mostaganem. Le plus r�confortant dans tout cela, c�est
sans doute la prolif�ration des groupes de zorna d�un coin de la ville �
l�autre, notamment dans les fiefs r�put�s de Mazagran et Tigditt. Ceci
dit, on ne peut dissocier l�aspect musical et folklorique du genre
a�ssaoui. Et l� �galement, la ville des quarante- quatre (44) marabouts
peut se targuer de s�inscrire dans la lign�e des A�ssaouas dont la
zaouia aura depuis toujours constitu� le point de chute des adeptes d�un
rite et d�une tariqua d�une valeur inestimable. Leur doyen vit encore
dans le vieux faubourg de Tigditt dans le fief de la zaouia alaouiya, et
ce, � l��ge de pr�s d�un si�cle. En effet, Si Omar Benbrahim � la
m�moire prodigieuse souffre actuellement des effets d�un �ge assez
avanc� et de l�usure de toute une vie vou�e � la bienfaisance, � la foi
et � la pi�t�. Sa stature et sa grandeur nous font rappeler entre autres
le regrett� si Kaddour Benhaoua dont la voix ensorcelante n�avait pas de
pareille. Le sana� est cette autre caract�ristique du citadin
mostagan�mois. C�est notamment � la zaouia El-Alaouiya que sont
pr�serv�s les textes de che�kh Ahmed El Alaoui et d�autres de che�kh
Kaddour Benslimane. Un v�ritable tr�sor de cette po�sie que beaucoup de
chanteurs et associations musicales veulent exploiter dans une nouvelle
approche musicale. La sana� se chante d�ailleurs aujourd�hui � Tlemcen
et Alger comme � Constantine et bien entendu Mostaganem.
Les medahettes, cette autre richesse
Le chant sacr� et le folklore f�minin ne sont pas en reste dans les
vieilles habitudes de la femme citadine mostagan�moise tant et si bien
que ce genre tr�s distingu� aura fait d�u chemin entre une halqa et une
autre... En effet, celle des medahattes est cette autre richesse
ancestrale de la r�gion. Il s�agit en fait de v�ritables orchestres
form�s � base de percussion notamment o� dominent galal, tar, tbila,
bendir et derbouka. Tout cet arsenal va alors s�allier � un r�pertoire
de chants sacr�s et morceaux de textes lithurgiques dans souvent un
contexte purement mystique o� la bonne parole se fait dominante. Ainsi,
lors des grandes c�r�monies de f�tes familiales, les medahattes font
alors �talage de magnifiques prouesses dans l�art de d�clamer un de ces
genres sublimes de po�sie. De non moins chatoyants louanges au
Tout-Puissant et � son proph�te Mohamed(QSSSL) ainsi que de non belles
paroles glorifiant �el ouelya essalihines�, et saints marabouts d�un
coin � l�autre du Dahra. Du temps de Badra Bent El Hocine, Cheikha
Sifiya, Sabria, O�da, Dahmana et autres Dahmania � nos jours, ce genre
de musique f�minine continue de faire cavalier seul dans la tradition
des familles conservatrices de Mostaganem, jalouses pour un aussi vieux
patrimoine. C�est dire que Doukkar djnani, Y a Sid Ahmed, y a Mohamed,
Hna djina ziyar, Sidi Rssoul Allah, Ya mekka ya lalla demeurent d�s lors
autant de chefs-d��uvre inscrits dans les registres de la m�moire...
Mosta, cit� de Chouikh et de Khadda
Et puis que dire aussi de cette sublime r�gion des Salhines qui s��rige
fi�rement sur l�autel du savoir spirituel et des croyances diverses. Le
sol de Mosta et du Dahra est couvert, dit-on, des plus belles
b�n�dictions � la faveur de ses m�rabtines dont les goubettes et
maquamettes font face au mal et � la propagation du vice. De Sidi Radjel,
Bendehiba, Charef ou Shab el hel � Belkacem, El Harrag, Mansour et Lalla
Azouna en passant par Lakhal ould el Khlouf, Ali ou Affif Ghirhoum
mekk�ne cherif, bien des miracles, avec la volont� du Bon Dieu, cela
s�entend, auraient eu lieu � une �poque ou une autre et c�est l� aussi
que r�side le myst�re... Mostaganem, enfin, peut se targuer de tenir en
beaucoup de ses enfants d�authentiques pointures dans le monde de la
culture, et ce, � l�instar du cin�aste Mohamed Chouikh et du peintre Med
Khadda. Ces deux derniers avaient fait leurs classes � Mosta m�me dans
les ann�es 1960, aux c�t�s des Kaki, Ma�zouz Ould Abderrahmane, Mostefa
Abderrahmane, Djamel Bensabeur et bien d�autres... Il y a lieu de citer
en outre l�extraordinaire ascension du graveur Abdellah Bemanteur qui
vit en Europe ainsi que du cin�aste Touita Okacha, install� depuis
longtemps � Paris. Sinon l�art pictural � Mostaganem semble avoir de
beaux jours encore, et ce, eu �gard aux multiples potentialit�s qui
existent sur place avec, � la cl�, l�Ecole r�gionale des beaux-arts o�
divers ateliers de tendances diff�rentes donnent l�occasion aux
apprenants d�avoir acc�s � leur domaine de pr�dilection, sans doute au
grand bonheur des as du pinceau que demeurent d�un coin � l�autre du
Dahra Oulhaci, Zerhouni, Hachemi Ameur, Djeffal et tant d�autres... En
fait, si tout ce magnifique brassage culturel fait et a toujours fait de
Mostaganem le forum id�al de tous les arts, il n�en reste pas moins que
ce si bel h�ritage jalousement conserv� d�une g�n�ration � une autre
aura depuis longtemps servi � combler le moindre vide. Ce qui a
contribu� alors � �viter � Mostaganem de patauger dans la m�lasse de
tous les malheurs qu�aura connus l�Alg�rie en quinze ans de cauchemar.
Cela �tant, n�est-il pas temps alors que de telles moissons soient
�rig�es sur le pi�destal de la culture nationale ? Et ce ne sera sans
coup f�rir que justice...
Sid-Ahmed Hadjar
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