Culture : BORDJ-BOU-ARRERIDJ
Le cin�ma est-il mort ?


Alors que sous d�autres cieux on se plaint du fait que le public d�serte les salles obscures sous l�effet conjugu� de la g�n�ralisation et de l�utilisation de supports vari�s tels que la parabole ou les DVD (effet assimil� � une sorte d�ouragan audiovisuel), � Bordj-Bou- Arr�ridj, paradoxe des paradoxes, ce sont plut�t les �crans de cin�ma, les salles elles-m�mes qui ont disparu et de mani�re irr�versible de notre environnement socioculturel.
A ce titre, la ville disposait, et ce, jusqu�aux ann�es 1960, de quatre salles de prospection cin�matographique ; ce r�seau respectable pour la dimension moyenne de la cit� s�est r�tr�ci au fil du temps pour aboutir dramatiquement aujourd�hui � la disparition compl�te qui fait effet de contradiction brutale avec le statut de chef-lieu de wilaya pour une ville qui n�a cess� de s�agrandir en termes d�espace territorial et de population. Il n�existe plus aucune salle de cin�ma fonctionnelle � Bordj- Bou-Arr�ridj. Le cin�ma Rex, ex-Mus�e du cin�ma, a �t� ferm� en 1991 par l�APC (FIS). La seule salle qui fonctionnait il y a de cela deux ans est devenue un lieu hideux et effrayant o� se faisait des projections avec support DVD lamentable en programmant pour un public de jeunes d�s�uvr�s en mal de loisirs des films violents superficiels dont l�impact n�gatif sur le jeunes esprits inoccup�s n�est pas n�gligeable. Pourtant, la r�f�rence � une sorte d��ge d�or du r�seau d�exploitation de Bordj-Bou- Arr�ridj est pr�sente dans notre m�moire et joue dans notre conscience et notre subjectivit� l�effet d�un �retour du refoul�. La ville de Bordj-Bou- Arr�ridj est en fait une ville o� l�effraction salutaire et positive du ph�nom�ne cin�ma ne date pas d�aujourd�hui. On raconte que des projections de films muets se faisaient au d�but du XXe si�cle. Le march� couvert de la ville a �t� utilis� comme espace de projection � un moment donn�, mais dans les ann�es 1940- 1950, un Fran�ais r�sidant � Bordj-Bou-Arr�ridj ouvrira successivement trois salles de projection �quip�es en 35 mm, le Lux, le Rex et le Vox. Chacune de ces salles programmant ses films en fonction d�un ciblage pr�cis du public (films pour enfants, films d�aventure, policiers, ou films d�auteurs...), ce qui permettait aux exploitants de couvrir tout le champ cin�matographique de l��poque. On pourrait ajouter � ce r�seau l�ouverture d�une belle salle de projection le Paroissial, � l�initiative de l��difice catholique. Ce r�seau a continu� dans les ann�es 1970 avec l�av�nement des premi�res approches culturalistes et filmologiques par un lancement du cin�-club lyc�e et cin�-club f�minin (l'un des premiers du genre en Alg�rie). Cette �closion dynamique des p�les de consommation r�fl�chie (s�ance-d�bat du film) a permis � la ville de redynamiser l�activit� culturelle et travailler sur la constitution d�un public cin�phile. L�ouverture d�un mus�e �tait, de toute �vidence, un fait d�esth�tique et la salle obscure un espace de r�flexion et d��change d�id�es irrempla�able. Les ann�es 1990 ouvriront l��re des basses conjonctures, toutes les salles ferment, le public form� se disperse et s��vanouit dans la nature, le d�sert culturel va gagner et la mort programm�e de toute forme d�expression culturelle se produisit. Ce constat � l�allure diachronique modeste peut para�tre d�risoire ou subjectif, mais on l�a fait pour baliser et marquer les rep�res d�un temps o� l�on se retrouve tous d�poss�d�s d�un privil�ge : l�acc�s � la culture de la modernit�, un jalon constitutif de l�identit� citoyenne.
Layachi Salah-Eddine

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable