Chronique du jour : CHRONIQUES D�UN TERRIEN
Nous sommes comme �a !
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr


Pourquoi sommes-nous comme �a ? Qu�est-ce qui nous pousse � �tre aussi critiques vis-�-vis du pouvoir, de ses pratiques, de ses options, de ses perspectives dans tous les domaines ? Pourquoi, au moment o� d�autres confr�res nous expliquent que ��a va mieux� et qu�il faut d�sormais croire dans le �miracle alg�rien�, reconnu d�ailleurs par beaucoup d�observateurs �trangers ; pourquoi, � ce moment pr�cis, sommes-nous les plus sceptiques, les moins enthousiastes � applaudir les chiffres de la croissance et du ch�mage ? Comment se fait-il que nous disions exactement le contraire de ce que dit M. Belkhadem ? Mais aussi de ce que clament MM. Ouyahia et Soltani et Mme Hanoune dont on se demande si elle n�est pas la meilleure repr�sentante du syst�me ! Reste que quelques d�mocrates continuent de penser comme nous, mais ils sont tellement calculateurs dans leurs discours, dans leur mani�re d�agir, qu�ils nous rappellent, au fond, qu�ils ne sont que des politiciens ! Pourtant, nos lecteurs savent qui nous sommes.
Depuis 1999, nous n�avons pas chang� alors que d�autres sont pass�s par toutes les saisons politiques pour nous expliquer une chose et son contraire. M. Bouteflika, dont nous reconnaissons qu�il a �t� port� � la magistrature supr�me par le suffrage universel � il n�y a aucun doute l�-dessus � n��tait pas, pour nous, le meilleur choix pour l�Alg�rie de ce d�but de mill�naire. Nous l��crivions en 1999. Nous l�avons r��crit en 2000, en 2002, en 2004 et en 2007 ! Nous n�avons jamais cess� de le r�p�ter, m�me au moment o� une v�ritable chape de plomb s�abattait sur le pays. Au moment, o� jamais, depuis l�ind�pendance, on n�a vu une telle dictature, un tel culte de la personnalit� et une telle docilit� du personnel politique ! Quel immense g�chis dans un pays qui n�a jamais �t� aussi riche ! Pourquoi, bon sang, les centaines de milliards de dollars cr�ent-ils ce sentiment d�immense injustice, de grande frustration qui sont le lot des Alg�riens ? En fait, la grande question qui se pose � l�Alg�rie d�aujourd�hui est toute simple : la bourgeoisie revancharde est-elle capable de r�pondre aux v�ritables attentes du peuple, et principalement � celles des couches les plus d�munies ? Tout est l� : quand des dirigeants se prennent pour des seigneurs, s�entourant d�une v�ritable cours et d�un protocole digne des fastes imp�riaux, tout devient possible, toutes les d�rives sont envisageables ! D�o� nous vient ce luxe tapageur, insolent, �tranger � nos m�urs ? Et d�autant plus choquant que la majorit� de la population est au bord du chaos �conomique et social. D�un c�t�, les pachas qui vivent dans un autre monde, et de l�autre, la majorit� du peuple r�duite � attendre d�hypoth�tiques aides de l�Etat pour manger � sa faim, s�habiller convenablement � heureusement qu�il y a les stocks am�ricains ! � se soigner ou essayer de le faire, vivoter, etc. Pour beaucoup de familles, la question de la survie est au centre des pr�occupations. Par le miracle des �mises � niveau� et des �r�ajustements� ultralib�raux, nous en sommes arriv�s � revivre les affres de la p�riode coloniale ! L��lectricit�, dont le prix grimpe subrepticement, n�est plus � la port�e de certains. Retour � la bougie et au quinquet, quand on a la chance d�en d�nicher un chez la grand-m�re. Tous les jours, je suis sollicit� par des connaissances pour les aider � payer leurs factures d��lectricit� ! Et celles de l�eau, revues par des partenaires �trangers impr�gn�s du syst�me du profit, vont bient�t obliger les couches d�munies � revenir aux fontaines publiques ! Ces grandes familles qui ach�tent des ch�teaux en Europe et se payent des r�sidences de r�ve en Alg�rie, produits du �miracle alg�rien�, m�nent une vie qui n�a de pareille que dans les s�ries d�Hollywood. Sont-elles issues de la vieille bourgeoisie alg�rienne qui a trim� des d�cades pour arriver � une telle r�ussite ? Non, au contraire, les riches d�avant, qui avaient le sens de la solidarit� et qui ne peuvent se d�tourner du regard d�un employ� mal pay� ou du visage d�un enfant malade, ces vrais riches qui sont d�abord des hommes de c�ur et qui ont b�ti leurs fortunes au prix d�un labeur harassant, qui savent ce que veut dire mettre la main � la p�te ; ces gens-l� ont �t� terrass�s par le rouleau compresseur des r�formes � sens unique. L�ouverture des fronti�res au bric-�- brac qui nous inonde de partout, les difficult�s en mati�re d�investissement et d�agrandissement des unit�s, la bureaucratie, les imp�ts et la corruption ont fini par d�courager les plus �m�rites. La r�ussite fulgurante est plut�t du c�t� des importateurs. Tu ne produis rien, tu passes un coup de fil, tu payes souvent apr�s avoir vendu la marchandise, et tu te fais des milliards. Quel est le m�rite d�un importateur ? Je n�en vois aucun ! Le m�rite d�un industriel est de produire en Alg�rie, de faire travailler des Alg�riens et de participer activement � la relance �conomique. Celui-l�, il faut l�aider, qu�il soit du secteur public ou priv�. Nous avons des entreprises alg�riennes � 100% qui font des miracles, face � une concurrence impitoyable ! Quand je vois Hamoud Boualem r�sister � un g�ant mondial comme Coca-Cola, chose qui n�est jamais arriv�e dans aucun pays p�n�tr� par la fameuse boisson am�ricaine, je me sens fier d��tre alg�rien. Quand je vois le succ�s de nos eaux min�rales, comme Ifri, des yaourts, les meilleurs du Maghreb, comme Soummam, des huiles Cevital, du jus Toudja, et tant d�autres r�ussites encore, je me dis que les Alg�riens n�ont m�me pas besoin de partenariat pour r�ussir ! Ils nous le prouvent ! Que l�Etat les aide, qu�il leur donne les moyens d�aller plus loin. Je sais, par exemple, que Cevital ambitionnait de lancer une v�ritable industrie agro-industrielle int�grant la partie agricole. Produire ici la betterave pour le sucre, le tournesol pour l�huile et les v�g�taux divers pour la margarine, arr�ter les importations de ces produits, n�est-ce pas l� un ambitieux projet de r�novation �conomique, inscrit dans la perspective de l�ind�pendance alimentaire ? Et pourtant, ces centaines de milliers d�hectares situ�s dans les meilleures plaines du pays et qui se perdent dans la culture sp�culative, quand ils ne sont pas bouff�s par le b�ton, peuvent permettre � nos grandes industries agro-alimentaires de r�aliser de nouveaux miracles dont on parlera longtemps. Pourquoi importer la poudre de lait � des centaines de millions de dollars ? Les grands complexes laitiers � publics et priv�s � peuvent participer � la production de lait si l�Etat trouve les formules idoines pour une exploitation intelligente des grandes fermes d��levage bovin ! Mais l� aussi, il faut sortir du discours d�magogique et de l�autosatisfaction pour trouver des solutions rentables sur le plan �conomique. Mais le clan de l�importation du sucre et du lait en poudre laissera-t-il faire sans broncher ? Pourquoi sommes-nous comme �a ? Je vous assure que, parfois, la nuit, quand aucun bruit, ni aucune agitation ne viennent d�ranger la grande �loquence de la conscience, il nous arrive de nous poser cette question fondamentale. Pourquoi nous disons le contraire de ce que dit la t�l�vision de Habib Chawki ? Pourquoi ? Au fond, ce qui nous rassure, c�est que nous �tions une toute petite minorit� � penser que l�Alg�rie de 1999 faisait les mauvais choix. Disons que nous �tions 5% � penser � et � �crire � que �a allait mal se terminer. Aujourd�hui, il ne reste que 5% � r�p�ter, � qui veut bien les entendre, que l�Alg�rie est toujours dans la bonne direction ! La majorit� a compris que nous filons vers le d�senchantement. L�affaire Khalifa a donn� un tout petit aper�u des m�urs dans un pays qui a d�cid� de s��loigner de ses valeurs ancestrales et des principes de sa r�volution. Pourquoi sommes-nous comme �a ? Au fond, quand je discute avec un industriel ou avec un ch�meur, avec une femme ou un homme, un jeune ou un vieux, je trouve qu�ils pensent comme moi. Ils me disent que le syst�me n� en 1999 a cr�� la grande d�sesp�rance ! Oui, notre rage est peut-�tre inexplicable si on la compare au discours d�magogique des d�fenseurs du syst�me. Mais, je vous assure qu�� force de fr�quenter les harraga, sur les plages lointaines � pour les besoins d�un futur roman �, � force d�errer dans les campagnes d�sol�es et les quartiers oubli�s par ceux qui vivent dans les palais et ne savent plus marcher que sur les tapis rouges ; � force d�entendre la col�re qui monte chez le vrai peuple, je me dis que nous avons raison d��tre comme �a ! Et si vous pensez comme nous, ne leur offrez pas un ch�que en blanc sous forme de bulletin de vote !
M. F.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable