
Chronique du jour : HALTES ESTIVALES T’kout, où sont les «candidats» ? Par Maâmar FARAH farahmaamar@yahoo.fr
Ok ! Vous avez fini par nous convaincre ! Nous ne parlerons plus de
ces terroristes qui ont enfourné des bébés et que vous avez décidé de
disculper, ni de ces jeunes filles que les monstres ont violées, ni de
ces familles égorgées, ni de ces douars brûlés, ni des veuves, ni des
orphelins… Pourtant, sur le plan de la fraternité et du grand pardon,
vous avez des leçons à recevoir du mouvement citoyen dont l’objectif est
justement de se réconcilier avec son histoire et d’agir pacifiquement
pour l’émancipation totale du peuple !
Votre combat est perdu d’avance,
car les citoyens n’ont plus rien à perdre puisque tout, ou presque, leur
a été pris ! Et lorsque le bâton et la kalachnikov deviennent les
instruments de la réconciliation, cela veut dire que quelque chose est
pourrie dans le royaume… Tout le monde se courbe devant les nouveaux
rois et tout le monde récite les mêmes glorifications en l’honneur des
sauveurs suprêmes qui auraient pu nous tromper s’ils n’avaient pas eu la
faiblesse de découvrir leurs visages juste au moment où le train de
l’histoire éclairait le tunnel de la mystification ! Juste au moment où
les héros se sont tus, libérés de l’horrible frayeur de la vérité, pour
laisser parler les pirates de la mémoire ! Juste au moment où le sang
qui coule et hurle dans les profondeurs de la conscience, aurait pu
rappeler, aux procureurs et aux juges, que les héros ne meurent jamais !
Mais, tant pis ! Que les prisons se remplissent de citoyens libres et
que les arènes de la trahison se surchargent d’imposteurs, sous les
ovations d’un peuple berné par les charlatans ! Que la vérité soit celle
du mensonge, récitée par la foule des courtisans et que le mensonge soit
celui des indomptables, régurgité par les couards ! Il restera
l'irréductible fierté de ceux qui n’ont pas reculé devant la répression
; il restera le souvenir de ceux que les gendarmes ont grandis dans les
yeux du peuple, il restera ma fière et éternelle T’kout, enfantée par
les germes d’un espoir qui refuse de mourir, maquillée du rêve fou de
ceux qui ont osé ce que l’on n’ose pas et de ceux qui ont cru que le
Chaoui est le frère du Kabyle ! Et qu’il est aussi le frère du gars
d’Adrar qui a refusé de se courber, comme l’ont fait cet indomptable
Oranais ou ce noble de Bab-El-Oued ! Merci, T’kout, terrible enflure
dans l’Aurès de leur médiocrité, et superbe majuscule dans l’Aurès de
nos convictions, suprême évocation de nos mémoires ressourcées dans
l’unique et inaltérable Novembre, merci de nous rappeler que les Cours
ne sont pas la justice et qu’il reste encore, malgré tout, des avocats
qui font honneur à l’honneur ! Merci de me tirer de la triste et
monotone quiétude de ce mois qui bouffit comme une grosse bêtise pour me
projeter dans la noblesse du combat des braves, pour me faire savoir que
les barrages, faux ou vrais, ne servent qu’à barrer la route aux
courageux ! Merci Belaïd Abrika d’être venu dans les terres de la Kahina
pour me rappeler que nos combats se régénèrent sur les routes gardées
par les puantes censures, merci de me mener là où je suis né mille fois
sous le soleil millénaire des Amazighs, merci de projeter, au-delà de
Timgad, l’arc-enciel qui mène vers Arris, Capitale des rêves de Mustapha
Ben Boulaïd et qu’est-ce que T’kout si ce n’est une halte sur le chemin
qui conduit à l’accomplissement de ces rêves ? Merci, Belaïd Abrika de
nous rappeler que les élus lâches et les chefs de daïra sans gloire ne
sont que des virgules raturées dans les phrases de l’histoire ? Merci de
nous donner l’occasion de rêver encore, nous qui ne rêvons plus depuis
le 8 avril ! Merci de condamner les embouchures du pessimisme et
d’ouvrir, sur la grande route de l’espoir, dans la Kabylie et les Aurès,
ces petits chemins qui montent les collines que nous n’avons plus le
droit d’oublier ! Merci de me rappeler que mon père a failli perdre sa
gloire sur le front d’une guerre qui ne lui appartenait pas et qu’il en
a gagné une autre en me disant que l’olive s’appelle «azzemour» et que
les vaches sont de vulgaires «tafounest» ! Ah, s’il était encore vivant
! Il serait fier de ce gars qu’il ne connaît pas et qui a osé ouvrir les
portes de T’kout aux flots de l’histoire pour qu’elle y pénètre par
violation du domicile de ce pauvre imbécile qui croit encore que l’on
peut dompter les intrépides ! Et si tu es coincé, et si, par malheur, tu
penses que le citoyen est un ventre, un simple tube digestif, et si,
comble de tout, tu considères qu’il n’est plus qu’une machine nourrie
par les promesses électorales, tu as une occasion de te rattraper, toi
qui ne parles plus et qui ne marches plus sur les chemins ordinaires,
toi qui ne sais t’adresser qu’aux télévisions et aux foules embrigadées
dans les festivals électoralistes, je te donne un conseil, mon frère :
va à T’kout, va dire au peuple rebelle que ta candidature n’était pas
une usurpation, va leur prouver que tu étais sincère lorsque tu leur
disais que la liberté était ta préoccupation et aussi ta conviction ;
va, marche sur le chemin de la dignité, descends de l’avion parisien et
des sentiers battus ! Retrouve ce peuple que tu as tellement attendu sur
le chemin des urnes et qui n’a pas changé, lui ! Va affronter sa colère
recommencée et dis-lui que tu n’as rien à avoir avec ça, toi bohême des
promesses électorales et papillon volatile des nuits agitées de Khalifa
TV ! Tu trouveras les tiens, fiers et heureux, qui t’attendent depuis
des ères pour te dire simplement : «Merci d’être venu !» Y en a marre de
ces politicards qui viennent barbouiller d’illusion les colonnes de nos
journaux et faire bander nos journalistes pour de vulgaires braderies
électorales ! T’kout ne doit pas interpeller simplement les journalistes
et les avocats ! Elle appelle Benflis, Sadi, et peut-être même Djaballah
ainsi que Louisa Hanoune, pour que la politique se réconcilie enfin avec
la vérité et que les jeunes de T’kout ne se sentent pas inférieurs à
ceux de Béni-Douala ! Il y va de la crédibilité de cette classe
politique qui ne se réveille que toutes les cinq années ! Allez-y !
Dites enfin un mot sur T’kout ! Nous autres journalistes, animateurs du
mouvement citoyen et avocats, ne pouvons plus vous remplacer durant les
jours et les mois qui séparent une élection présidentielle d’une autre !
Dites aujourd’hui ce que vous aurez envie de dire en 2009 ! Sinon,
taisez- vous et laissez Bouteflika ou Ouyahia, ou même Belkhadem, gravir
les échelons qui mèneront, encore, à El Mouradia. Dites-le ou
taisez-vous à jamais !
M. F.
PS : Chronique publiée le 3 Juin 2004. «Haltes estivales »
s’arrête ici.
Jeudi prochain, «Chronique d’un Terrien» reprend sa place.
|