Actualit�s : CONTRIBUTION
L'histoire pardonnera-t-elle au secteur bancaire ?
Par Ghil�s Demahoum (*)


Tout au long de leur existence, d'abord lors de leur cr�ation, puis pour assurer leur fonctionnement et leur d�veloppement, les entreprises ont besoin de fonds. L'entreprise doit se doter d'un outil de production et financer son cycle d'exploitation, notamment ses stocks et ses cr�ances clients. Le financement des entreprises d�signe l'ensemble des ressources qu'elles doivent se procurer pour faire face � leurs besoins. Les ressources, tr�s diverses, peuvent �tre regroup�es en deux cat�gories : les capitaux propres et les capitaux emprunt�s.
La mani�re de combiner les diff�rents moyens de financement est un �l�ment de la strat�gie financi�re qui a des cons�quences directes sur la situation �conomique de l'entreprise, notamment sa valeur, sa solvabilit� et sa rentabilit�. Dans les pays d�velopp�s, le financement des entreprises a consid�rablement �volu� avec la cr�ation de nouveaux instruments financiers qui ont vu le jour et le passage � une ��conomie d'endettement� d'abord et, depuis quelques ann�es � une ��conomie de march�s financiers�. En Alg�rie, seuls les outils traditionnels d'�valuation des besoins de financement et les modes de financement classiques sont utilis�s. Lorsqu'une entreprise a besoin de fonds, le choix d'une source de financement donn�e a des cons�quences sur sa structure financi�re. Ainsi, si l'entreprise prend la d�cision de s'endetter, elle r�duit sa capacit� future d'endettement. En effet, l'augmentation de l'endettement fait cro�tre le risque financier encouru par le banquier. Il en r�sultera une augmentation du taux d'emprunt, qui diminuera ou supprimera le diff�rentiel de taux. La structure financi�re est donc un �l�ment d�terminant du choix. Elle fait appara�tre la capacit� plus ou moins grande de pouvoir recourir � tel ou tel type de financement. Pr�alablement � toute prise de d�cision, un diagnostic financier est donc effectu�, notamment une analyse du bilan de l'entreprise, afin de d�terminer le mode de financement ad�quat. Une fois l'accord de principe du financement obtenu, l'entreprise et son banquier signent une convention de pr�t qui, selon le code civil alg�rien, �fait la loi des parties�. Il convient de pr�ciser qu'en Alg�rie, l'entreprise n'est en position de n�gocier ni la dur�e de remboursement, ni le taux qui lui est appliqu�. Elle signe un contrat d'adh�sion l�onin. Par la suite intervient l'ex�cution du contrat de pr�t, laquelle peut �tre interpr�t�e de deux mani�res : l'article 106 du code civil dispose que �le contrat fait la loi des parties. Il ne peut �tre r�voqu�, ni modifi� que de leur consentement mutuel ou pour les causes pr�vues par la loi� tandis que l'article 107 �le contrat doit �tre ex�cut� conform�ment � son contenu, et de bonne foi. Il oblige le contractant, non seulement � ce qu'il y est exprim�, mais encore � tout ce que la loi, I'usage et l'�quit� consid�rent comme une suite n�cessaire de ce contrat d'apr�s la nature de l'obligation�. Ces deux dispositions permettent � deux conceptions du contrat de s'opposer : une conception individualiste insiste sur l'article 106 ; une conception solidariste insiste sur l'article 107. La conception individualiste privil�gie le �fait la loi� et minimise la �bonne foi�. On entend par l� que, une fois sign� et accept�, le contrat �chappe � la volont� des parties et s'impose � elles. Le contrat doit �tre ex�cut�, contre vents et mar�es. La conception solidariste prend appui sur la r�f�rence � la bonne foi. Cette disposition montre que le codificateur avait �t� sensible � une autre vision du contrat selon laquelle chacun doit travailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par les contractants. Alors � l'opposition entre le droit du cr�ancier et l'int�r�t du d�biteur tend � se substituer une certaine union. Le cr�ancier a plusieurs obligations. Il ne doit pas par sa conduite surcharger le d�biteur, il doit par des actes positifs faciliter � celui-ci l'ex�cution de l'obligation et notamment se pr�ter � l'ex�cution. Tout ceci se rattache � l'id�e de la n�cessaire solidarit� entre cr�ancier et d�biteur. Ceci vise le cr�ancier comme le d�biteur. Face � ces deux visions du contrat, que choisir ? D'un c�t�, celui de la rigueur absolue de l'engagement contractuel : la s�curit�, la pr�visibilit� ; de l'autre, celui de la mod�ration de certains engagements contractuels, de plus de souplesse : l'�quit�, l'humanit�... l'efficacit� �conomique, toutes des valeurs non moins puissantes. Le secteur bancaire alg�rien, ambitionnant de passer, sans transition, de la phase archa�que � �I'�conomie de l'endettement� sus-mentionn�e, semble avoir opt� pour la force obligatoire dans l'ex�cution des contrats. Ce faisant, le secteur bancaire alg�rien ne tient nullement compte de l'existence d'un objectif d'int�r�t g�n�ral qui justifie � lui seul que certaines entreprises d�bitrices b�n�ficient d'un r�gime particulier. La constatation du r�le dynamisant des entreprises de production dans l'�conomie nationale doit avoir pour cons�quence la reconnaissance de l'existence d'un motif d'int�r�t g�n�ral. Toutefois, les entreprises en difficult�s financi�res d�bitrices d'une banque ne doivent pas toutes �tre trait�es de la m�me mani�re car elles ne sont pas �gales du point de vue de la viabilit� �conomique. De m�me tous les emprunteurs devenus insolvables ne sont pas � consid�rer tous sur un m�me pied d'�galit�. Il est, en outre, imp�ratif de sanctionner avec s�v�rit� toutes les fraudes et malversations. Dans tous les cas, lorsque la contrepartie d'un important cr�dit accord� existe effectivement, est localis�e dans le territoire national et que son exploitation est susceptible de participer � la relance �conomique du pays par la cr�ation d'emplois notamment, la raison et le souci de l'int�r�t g�n�ral commandent que l'exploitation de cette contrepartie de cr�dit se poursuive sans interruption en attendant que le diff�rend entre cr�ancier et d�biteur soit r�gl�. D'ailleurs, le code civil alg�rien dispose que �lorsque, par suite d'�v�nements exceptionnels, impr�visibles et ayant un caract�re de g�n�ralit�, I'ex�cution de l'obligation contractuelle, sans devenir impossible, devient excessivement on�reuse, de fa�on � menacer le d�biteur d'une perte exorbitante, le juge peut, suivant les circonstances et apr�s avoir pris en consid�ration les int�r�ts des parties, r�duire, dans une mesure raisonnable, I'obligation devenue excessive. Toute convention contraire est nulle�. Lorsque le financement a servi � l'acquisition de biens mat�riels fournis par des constructeurs �trangers, l'argent correspondant est d�j� entre les mains des ces fournisseurs, c'est-�-dire sorti d'Alg�rie. Il est en dehors du flux �conomique interne. Ne pas exploiter de tels biens d�j� pay�s en devises �trang�res ne profite ni � la banque cr�anci�re, qui n'aura plus l'assurance de recouvrer la totalit� de sa cr�ance, ni � l'entreprise qui a investi et qui serait en position de ne pas pouvoir surmonter ses difficult�s, ni � la nation elle-m�me Les projets industriels achev�s ne doivent pas �tre consid�r�s comme des objets inertes dont il suffit d'assurer le simple gardiennage pour garantir leur conservation. Ce sont des installations qui ne peuvent maintenir leur valeur que si elles sont exploit�es comme le pr�voient les normes y relatives. La non-exploitation ou une exploitation chaotique vont acc�l�rer l'usure pr�matur�e du mat�riel, la d�mobilisation des effectifs et rendra plus probl�matique le recouvrement de la cr�ance de la banque. Trop souvent, on observe une c�l�rit� maximum dans le blocage d'un financement en cours d'ex�cution et d'une lenteur excessive et ruineuse pour tous les concern�s dans le traitement du cas. Dans de nombreux cas �galement les �d�cideurs� ne d�cident pas et sont dans la perp�tuelle attente d'une instruction �venant d'en haut�. Les difficult�s n'�tant pas analys�es et r�solues au niveau et dans le temps requis, tous les probl�mes remontent au sommet de la hi�rarchie sans discernement. Les op�rationnels ont toujours tendance � se laisser aller � la mollesse, � l'incurie par irr�solution. La gestion du financement des entreprises par les banques appara�t lourde, timide et gauche par ind�cision et conduit � un g�chis fantastique de ressources rares. Dans ces circonstances, il est illusoire de croire que l'Alg�rie sera en mesure d'attirer les investissements directs �trangers, les fameux IDE, en dehors du secteur des hydrocarbures particuli�rement rentable et de celui des services qui n'impliquent aucun risque. L'attrait des investissements directs �trangers dans le secteur de la production de biens passe obligatoirement par l'investissement r�alis� par les nationaux. Ce n'est que lorsque l��tranger verra que l'investisseur national r�ussit qu�il sera convaincu de tenter l'aventure.
G. D. (*)
- Professeur en gestion d'entreprise - Nantes

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable