P�riscoop : BAZOOKA
De nos folies ordinaires (2)
PAR MOHAMED BOUHAMIDI
mbouhamidi2001@yahoo.fr


Je vous avais dit que j��coutais sans pr�jug� les histoires que l�on me racontait sur l�exorcisme. J�ai trop le souvenir des ces voisines tomb�es dans la d�prime et l�angoisse revenues �gu�ries� et apais�es d�une �ziara�, une visite, au mausol�e d�un saint homme, quitte � les ramener � la prochaine crise. J�ai surtout le souvenir que ce genre de maladies a brusquement baiss�, voire parfois cess�, pendant la guerre de Lib�ration.
Aujourd�hui m�me, je note avec vous que le mois de je�ne venu tous ceux que nous connaissons incapables de se passer d�alcool, s�en prive du jour au lendemain sans effort apparent ou particulier, y compris ceux class�s comme alcooliques. Toujours en mati�re de folie, un psychiatre notait que les cas d�urgence psychiatrique chutaient pendant le mois de Ramadan. Entre cette �poque lointaine d�avant-guerre et aujourd�hui, un savant, Claude Levy- Strauss, a produit un texte remarquable sur la puissance symbolique de la th�rapie � travers l�usage ritualis� des mythes. Bref, nous savons que les croyances sont actives et que la vie symbolique a des effets importants sur notre soma et sur nos souffrances mentales. Et puisque nous vivons au pays de Frantz Fanon, rappelons quel soin, sans jeu de mots, il mettait � reconstituer, autour de ses malades � l�h�pital psychiatrique de Blida, les �l�ments-cl�s du tissu social et culturels de ses patients. Bref, cette �strat�gie sociale� face � la souffrance mentale utilise, dans une intuition de la nature sociale de l��tre, les moyens par lesquels elle l�a auparavant socialis� et parmi lesquels cette vie symbolique si primordiale. L��mergence de ces exorcistes ne rel�ve pas une d�marche traditionnelle qui s�appuyait sur les �ziaras� ritualis�es et l�invocation des saints. Elle na�t au contraire sur l�extinction lente et insensible de cette tradition disqualifi�e par les bouleversements que nous connaissons depuis la guerre, l�offensive id�ologique de la Nahda puis du salafisme sur ces pratiques et enfin par les tourments indicibles que nous a inflig�s un terrorisme de masse soutenu et accompagn� d�une id�ologie de la purification religieuse. Avec ce que nous avons v�cu, il y a mille fois de quoi devenir fou. Et les chiffres annonc�s de 2 000 000 d�Alg�riens en souffrance mentale avec 150 000 schizophr�nes ne m��tonnent pas du tout. L�-dessus, l�exorcisme par� d�une sorte de vertu religieuse prosp�re sur la d�su�tude des strat�gies traditionnelles, de l�appoint psychiatrique retomb� dans le pr�-fanonisme et surtout l�indiff�rence de l�Etat. N�importe quel dirigeant ayant encore un sens de l�humain aurait mis � l�ordre du jour l�urgence d�aider les personnes et la soci�t� � surmonter ces traumatismes sans nom que nous avons v�cu. Il aurait mobilis� les moyens et les comp�tences pour que nous puissions dire, exprimer, �sortir � tout ce que nous avions enfoui comme terreur, comme d�labrement de nos croyances et de ce qui donnait consistance � notre identit�. Force est de noter que rien en dehors du bonheur du pr�sident ne l�int�resse, rien en dehors de l�exercice sans contr�le du pouvoir ne l�inqui�te, ni la nation, ni la soci�t�. Encore moins la souffrance mentale.
M. B.

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