Culture : RENCONTRE AVEC L�AUTEUR ET JOURNALISTE SA�D SMA�L AUTOUR DE SON OUVRAGE D�LIT DE SURVIE PARU CHEZ CASBAH EDITIONS
Une tranche de vie en partage !


Une longue exp�rience ! Sa�d Sma�l la revendique haut et fort. Dans D�lit de survie, son dernier ouvrage paru chez Casbah Editions, l�auteur et journaliste de carri�re Sa�d Sma�l a souhait� retracer son itin�raire, son v�cu� par rapport un contexte d��v�nements qui se sont succ�d� et par la force de certains hommes qui ont �branl� l�histoire de l�Alg�rie depuis les ann�es 1980 � 1994.

Ann�e o� Sa�d Sma�l a achev� le dernier volet de la trilogie M�moires tortur�es. Miroir d�un temps qui se refl�tera t�t ou tard sur l�avenir des futures g�n�rations, avec des ouvrages comme D�lit de survie, les cons�quences pourront probablement �tre att�nu�es. D�lit de survie est cette tranche de vie intime jonch�e au coin de l�histoire d�une soci�t�, d�une nation en p�ril. Il est ce point de vue, r�cit d�un parcours bouleversant, touchant� o� la r�alit� se confond � l�absurde. Des maux, Sa�d Sma�l en raconte. Il livre sans pudeur le contenu de son parcours, t�moignage d�une m�moire truff�e de souvenirs in�branlables. S�quences, faits, convictions et principes de vie� Sa�d Sma�l s�est post� en observateur, en journaliste exp�riment�. Il s�est tout simplement racont�. A b�tons rompus, il s�est confi�. Voici le contenu de cette rencontre.
Sam H.

SA�D SMA�L AU SOIR D�ALG�RIE :
�SANS CONVICTION, PAS DE MILITANTISME !�

Dernier volet de la trilogie M�moires tortur�es, vous d�cidez de l�intituler D�lit de survie�
On a chang� de titre, simplement parce que j�ai sign� un contrat avec les �ditions l�Harmattan pour le 1er et le 2e tomes de M�moires tortur�es. J�ai d� changer le titre seulement, sinon dans le contexte, c�est dans la m�me veine. J�ai �galement rajout� des liturgies.
Vous parlez de vous par rapport � une �poque, est-ce qu�il s�agit d�une autobiographie ?
Oui et non, mais �a reste tr�s vaste. C�est moi dans le contexte d�une �poque. C�est aussi un v�cu proche et lointain. C�est-�-dire qu�il y a de la m�moire. Dans ce dernier volet, je reste observateur en tant que journaliste dans le r�el des �v�nements qui se d�roulent. J�apporte des t�moignages. En 1989, j�ai �cris les Barons de la p�nurie, �dit� chez Enal. C��tait l��poque des entreprises locales mais monopolistes. A l��poque je voyais des sc�nes, des faits. C��tait inimaginable. J�ai cru avoir d�couvert le fil � couper le beurre. Par rapport � ce qui se passe maintenant, les banques, les compagnies d�aviation� finalement ce livre �tait valable � l��poque. Il a m�me �t� �dit� � 5 000 exemplaires par an. Mais quand vous voyez la situation actuelle du pays o� la corruption a atteint des proportions incroyables. Moi, je la d�nonce o� elle commenc�, par un frigidaire, une machine � coudre� Quand je relis ce livre, j�ai honte par rapport � ce qui se passe maintenant. Le noyau s�est d�velopp�, s�agrandit.
Vous avez donc ressenti un besoin d��crire la suite alors que vous �tiez en exil ?

Oui. D�lit de survie a �t� un besoin pour moi d��crire. J��tais en exil. Moi, mes enfants ; j��tais dans une situation indescriptible. Un t�moignage bas� sur un constat ou tout au moins des faits inscrits au moins au moment o� �a se d�roulait. J�ai fait des missions � travers le monde : Septembre noir, l�enterrement de Nasser� J�ai bourlingu� en tant que journaliste mais je ne me suis jamais consid�r� comme un exil�. Mais l�, au Moyen-Orient, j�ai pass� deux mois et demi � jouer ma t�te avec Ziri Nourreddine � Oman. Pendant Septembre noir, on passait sur des tapis de douilles. Je ne m��tais jamais senti autant en danger, en exil que pendant les 20 mois que j�ai pass�s entre 1994 et 1996 en France. En fait, l�id�e de l�exil, je ne l�ai jamais admise.
Pourquoi avoir choisi de partir alors ?

Il fallait partir pour faire face � une adversit�, comme dans l�air que l�on respire. Je suis parti en croyant �tre menac� par certains individus, en fait je d�couvre que ce ne sont pas eux qui me mena�aient. Bon, je suis revenu libre comme un poisson dans l�eau. Il n�y avait aucune esp�ce de pr�cautions ni de s�curit�. Je vis dans une ferme. Je suis en pleine nature au pied du mont. Ce que je voulais vous d�montrer est que la menace �tait diffuse. Elle �tait confuse. Mais il y avait une tendance vers la source de ces menaces. Or, il faut de temps en temps sortir de cette tendance parce que la v�rit� peut �tre ailleurs. Et, effectivement, j�ai d�couvert que la v�rit� �tait ailleurs. Je ne recevais pas les menaces de l� o� je pensais les recevoir.
Avec D�lit de survie, on a le sentiment que vous expliquez les raisons d�un d�part pour l�exil�
J�ai �t� menac� par des appels et des lettres anonymes. Je suis parti � cause de la situation que je vivais, les drames qui se succ�daient et tous les malheurs qui faisaient la cha�ne. Vingt mois apr�s, je suis revenu, je n�ai pas reconnu l�Alg�rie. Je me suis rendu compte que tout �tait th�sauris� pendant la grande r�volution avec son triptyque : r�volution agraire, socialiste� Toutes ces fortunes qui �taient stock�es. D�s l�ouverture, des immeubles ont pouss� comme des champignons, des commerces ont fleuri un peu partout, c��tait quelque chose d�extraordinaire. Mais pour voir �a, il fallait prendre du recul. Dire qu�il �tait impossible pour le meilleur des salaires de boucler les fins de mois surtout qu�avec la r�volution socialiste qui limitait tout ou presque. Une r�volution qui se faisait comme leitmotiv la destruction de la propri�t� priv�e qui se faisait exploiteuse. La propri�t� priv�e �a rapporte de l�argent. Or, on l�a d�truite. Au terme de cette r�volution, des fortunes colossales, des gens qui n�auraient jamais pu accumuler autant par des entreprises ont surgi de terre.
D�o� l�ouverture politique des ann�es 1990�

Les ann�es 1990 ont �t� l�ouverture de toutes les d�bauches sauf celle de la politique.
Il y a eu quand m�me la cr�ation de partis m�me si la gestion reste �personnelle ��
Parlons-en des partis. Ici et l�, la notion du militantisme n�existe plus. Le militantisme que nous avons connu menait � la mort. Le militant allait � la mort pour ses convictions. Le militant ici et l� ne vient m�me pas aux r�unions. Je peux vous dire, sans citer personne en particulier, prenez le meilleur des militants dans le meilleur ou le plus grand des partis, demandez-lui de vous parler du programme de son parti. Il ne peut pas. Simplement parce que la situation interne et l�environnement ne le permettent pas. Les objectifs �tant autres que la cause. C�est clair. On ne milite plus de la m�me mani�re. Vous savez, il y a eu des �lections communales, l�gislatives, il y avait � ce moment de l�animation dans les bureaux de vote. Il ne faut pas seulement voir � Alger, parce que Alger n�est pas l�Alg�rie. A l�approche des �lections seulement, apr�s, il n�y a plus rien. C�est difficile � dire, mais il n�y a plus de cause si ce n�est celui de la course � l�argent.
�a, c�est une r�alit�, tout le monde le sait, le citoyen lui-m�me ne se sent pas concern�, il ne va m�me plus voter�
Quel est le parti politique qui va vers le militant ? Makache ! Vous glanez au gr� du hasard d�une discussion un bout d�id�e. On milite tous pour de l�argent, pour le pouvoir. Mais nous, en tant que journalistes, nous ne pr�tendons pas jouer avec la destin�e du pays. Nous ne disons � personne : voil� comment on va vous organiser, vous mener� Chacun chante quelques petites r�gles possibles mais pas d�objectifs. Il y a de grands partis politiques quasiment ballon de baudruche que personne ne peut attaquer, qui n�a pas su convaincre le citoyen. Pour moi, tant qu�il n�y a pas de convictions, il n�y a pas de militantisme. Maintenant, chacun est libre de militer comme il l�entend. Personnellement, je n�appartiens � aucun parti et ce n�est pas demain que j�adh�rerai � un parti sauf�
Vous dressez un portrait pessimiste, pour vous, il n�y a donc plus d�espoir�
Sans haine, sans m�chancet�, j�observe, je vois le cheminement des objectifs. Je dis, ce n�est pas comme �a, pas de cette mani�re. Je dis, mettez un peu de conviction dans ce militantisme.
Comment cela pourrait se faire avec toute cette corruption qui r�gne ?

Tout d�abord, commencez par combattre cette corruption. C�est tout ! A partir du moment o� on assainit, les choses redeviennent normales, visibles. Elles reprennent leur place. Dans la corruption, rien n�est visible. En surface, tout va bien et dans le fond, tout est perverti. Il faut absolument attaquer le mal � la racine.
Vous pr�conisez quelle solution ?

D�abord, un certain retour � soi. Stop aux influences de tel ou tel parti politique et assumer surtout ses responsabilit�s. En fait, le pays souffre d�un manque de communication. Un pays o� l�on ne fait jamais de bilan. O� est le bilan des cons�quences de la r�volution socialiste qui a dur� pr�s de vingt ans. On met des fusibles, et quand �a ne va plus, on saute ces fusibles. Et on en remet d�autres. Moi, je ne suis pas d�accord avec cette politique. C�est tout ! Est-ce qu�on fait des bilans ?
Oui, peut-�tre celui de la concorde civile ?

Oui, ensuite, ils repartent pour un tour. Ils posent des bombinettes.
Justement, est-ce qu�aujourd�hui la situation est meilleure, sachant que dans les ann�es 1990, on s�attendait tous les jours � des explosions�
Elle n�est pas pire parce que la soci�t� s�est ressaisie face � la violence. Elle l�accepte en quelque sorte. Elle l�a subi sans panique, mis � part la panique du moment bien s�r. On enterre rapidement et on passe � autre chose. On g�re. Psychologiquement, les Alg�riens ne sont pas aussi na�fs que pendant les ann�es 1990. On n�est plus �tonn�. L�, il y a un processus qui continue. C�est un faux-semblant. C�est ce que la France a cru pendant 132 ans. Quand elle a r�agi� C�est ce qu�il faut absolument �viter !
Est-ce qu�il y aura une suite � M�moires tortur�es ?

Dans cette veine, je ne pense pas encore � �crire une suite. Parce que je n�ai pas envie de mourir. Cela dit, je n�ai rien programm� encore. Je n�en sais rien encore, ce n�est peut �tre pas le dernier. Je peux tr�s bien �crire autre chose, pas forcement dans la m�me lign�e. N�anmoins, il est possible que je reprenne le fil.
Propos recueillis par Sam H.
molesoir@yahoo.fr

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable