Actualit�s : L�INFORMEL LES D�GRADE Ces billets de banque pourris
La dame au hidjab fourre son lait T�tra pack et ses quatre pots de yaourt brass� au fond de son couffin, ouvre son porte-monnaie et tend un billet de 200 DA � l��picier. Ce dernier fait la moue en constatant l��tat piteux du �papier� et d�un geste nonchalant, presque d�daigneux, il le lui rend : �Non madame, je ne l�accepte pas. Vous me donnez un autre billet, celui-ci, il est tout pourri. Les clients vont me le refuser.� La dame se rebiffe : �Ecoutez ! C�est un �picier comme vous qui me l�a donn�, ce n�est pas de ma faute s�il est pourri, je l�ai eu dans cet �tat !�
Enqu�te r�alis�e
par Fatma Haouari
Des sc�nes pareilles se r�p�tent � longueur de journ�e et sur tout le
territoirenational aussi bien dans les magasins, les taxis, les grandes
surfaces, les petits et grands commerces, chez les vendeurs � la
sauvette et m�me dans les banques. Ces billets de 200 DA �mis le 3 mars
1983 (on retrouve cette date sur le billet) ont connu un parcours des
plus abruptes. Ils ont travers� les �poques, assist� aux grands
bouleversements politiques et �conomiques du pays, connu les
vicissitudes du temps et subi sa patine � la p�le couleur brouill�e.
Les citoyens pourtant les appr�cient mais d�plorent leur �tat miteux
C�est vrai que les smicards ont l�impression de gagner un pactole
quand ils vont toucher leur paie � la fin du mois et que leur 12 000 DA
sont en billet de 200 DA ou de 100 DA. Cela fait une belle masse
d�argent qu�on n�a pas honte d�exhiber devant le flux des clients qui
viennent verser, retirer de l�argent ou encaisser leurs ch�ques � la
banque. Le salaire para�t vraiment maigre quand il est compos� de
liasses de 1000 DA qu�il faut de toute fa�on, restriction budg�taire
oblige, changer en petite monnaie. Quand les parents donnent son argent
de poche � un adolescent, c�est toujours un billet de 200 DA. Les
billets de 1000 DA ne portent pas la �baraka�, selon les convictions
na�ves de nos vieux et de nos vieilles. Au cours de notre enqu�te sur le
terrain, nous avons remarqu� que s�il y a une chose sur laquelle tous
les gens interrog�s sont d�accord est que les billets de 200 DA dont
l��tat est lamentable doivent �tre imp�rativement retir�s du march�
quitte � �tre remplac�s par d�autres billets qui ont de la tenue.
Cependant, ce qui se cache derri�re cette apparence de d�su�tude et de
d�sh�rence refl�te parfaitement la situation dans laquelle se trouve
l��conomie nationale : une �conomie ravag�e par l�informel, un circuit
propice au blanchiment d�argent et o� l�Etat et ses organes de contr�le
sont totalement absents. C�est la conclusion � laquelle nous sommes
arriv�s au terme d�une enqu�te qui semblait �tre g�nante pour certains
de nos interlocuteurs officiels qui ont pr�f�r� esquiver nos questions,
tant elle met en �vidence l�impuissance des pouvoirs publics et leur
mollesse � prendre en charge un tel probl�me. Nos institutions se
rejettent la balle en faisant la politique de l�autruche. On pr�f�re
inonder le march� de billets neufs quitte � �tre en surproduction de
liquidit�s que de traiter le probl�me par la racine.
�J�aurais mieux fait de ne pas �tre caissier !�
Abdelhak est caissier dans l�une des agences de la banque publique de la
BADR. Il dit � propos des billets de 200 DA qu�il a d��normes
difficult�s � les faire passer dans la machine � compter les billets de
banque et qui fait aussi office de d�tecteur de faux billets
contrairement aux billets qui sont moins us�s. �Je suis oblig� parfois
de recompter surtout les grandes sommes, ils sont tellement d�t�rior�s
qu�il nous arrive souvent de les scotcher. On essaie tant bien que mal
de les rafistoler mais ils sont dans un piteux �tat mais c�est surtout
cette mauvaise odeur qui s�en d�gage qui m�incommode le plus. Ces
billets qui passent de main en main et depuis longtemps doivent
v�hiculer des microbes. A la Banque centrale, les personnels sont mieux
lotis que nous, ils portent des masques quand ils les manient mais nous
autres simples caissiers, notre sant� est expos�e � toutes sortes de
maladies.� �Il m�arrive d�avoir, poursuit-il, le vertige en fin de
journ�e. Vous savez les agents de banque fuient la caisse � cause des
tracasseries qu�imposent la manipulation de ces billets mais le boulot,
il faut bien que quelqu�un le fasse�. Et d�ajouter : �Il arrive que la
Caisse centrale au boulevard Amirouche garde les billets d�t�rior�s �
son niveau lorsqu�on fait des envois de grandes sommes, mais toujours
est-il que ces billets ab�m�s continuent � circuler. Vous savez, j�ai
tendance � penser que j�aurais mieux fait de ne pas �tre caissier !�
M�me constat dans une agence de la BNA � la rue Hassiba-Ben- Bouali,
submerg� par le travail en cette fin de mois, Ali, le caissier, a un mal
fou � compter les billets. �Regardez, quand c�est les jours de paie,
j�ai les nerfs � vif. Tout le monde se plaint de ces billets surtout
ceux de 200 DA, nous dit-il, mais personne ne daigne en finir avec ce
probl�me. Il va de soi que ces billets �mis�rables� nuisent � l�image du
pays. Je crois qu�on les fabrique avec du papier bas de gamme. Allez
savoir ! On a souvent entendu des rumeurs par voie de presse qu�il y a
de nouveaux billets qui vont �tre mis en circulation mais au bout du
compte �a reste des rumeurs.� Il encha�ne sur un ton ironique : �Leur
r�forme financi�re, ils doivent la commencer par l� !� Que faut-il faire
? A cette question, l�agent de banque se tourne vers les pouvoirs
publics : �Il faut une d�cision ferme du gouvernement pour les retirer
de la circulation mais il semble que c�est le dernier souci de nos
autorit�s officielles�.
Port-Sa�d : �Nos billets de banque n�ont pas fi�re allure�
Au square Port-Sa�d o� est install�e ce qu�on appelle depuis des
ann�es la Bourse parall�le, les jeunes �cambistes� form�s sur le tas,
align�s sur la chauss�e, exhibent des liasses d�euros et de dollars. Ils
h�lent les passants int�ress�s par le change. Ahmed joue tous les jours
au chat et � la souris avec les agents de la police qui font des
descentes sur les lieux pour dissuader ces petits �agents de change
sp�ciaux� qui ont trouv� dans ce cr�neau le filon d�or. Il nous explique
que sa client�le se recrute parmi les �migr�s en p�riode de vacances
mais aussi des repr�sentants diplomatiques surtout vers la fin du mois
pour payer les salaires de leurs employ�s. Je n�aime pas les billets de
200 DA et de 100 DA, ils sont pourris et � force de les manipuler, on a
les mains sales pour ne pas dire noires et puis leur odeur est mauvaise.
Je pr�f�re travailler avec des billets de 1000 DA. �a m�encombre moins
comme je manie des sommes relativement grandes, �a me convient. Il faut
dire aussi que les clients n�aiment pas les petits billets. Ils ont
raison�. �Regardez ! Il claque entre les doits des billets de 20 euros,
vous entendez le bruit qu�ils font, on sent qu�ils sont fabriqu�s avec
du papier de bonne qualit� alors que nos billets de banque ne font aucun
bruit, ils n�ont pas fi�re allure !� Il ajoute : �Ce sont les bagarras
(maquignons) qui les aiment, ils les emportent dans la chkara. Quand ils
viennent les �changer contre des devises, ils sont tout contents de
repartir avec !� (Rire).
F. H.
M. BOUHOUCHE DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION DE LA BANQUE D'ALG�RIE :
"La grande masse des billets de banque ab�m�s circule hors circuit
bancaire"
Contact�, M. Bouhouche, le directeur de la communication de la Banque
d�Alg�rie, nous a r�v�l� que �la production de billets de banque a �t�
multipli�e par trois de janvier � octobre de l�ann�e 2007 et on se
pr�pare � fournir plus de liquidit�s � nos clients (les banques et les
postes)�.
A la question de savoir pourquoi les billets de banque ab�m�s, notamment
ceux de 200 DA, continuent � �tre en circulation, il r�pliquera en
avan�ant plusieurs raisons. Il expliquera que �la th�saurisation peut
�tre l�une de ces raisons. L�autre concerne directement les banques
lesquelles gardent ces billets pour leur d�p�t. Quant � la grande masse
de billets usag�s, elle circule hors circuit bancaire, c'est-�-dire
celui de l�informel �. Il insiste pour dire que �le rafra�chissement se
fait de fa�on permanente et continue ainsi que la production qui est
�tablie selon les demandes des clients�. �Lorsque, poursuit-il, le
billet est trop usag�, il est syst�matiquement d�truit chimiquement ou
�lectroniquement.� Interrog� sur l��tat des billets de 200 DA qui sont
les plus d�grad�s et d�gagent une mauvaise odeur et si cette situation
est due au fait qu�on les fabrique avec du papier bon march�, il
r�torquera que �cela est peut-�tre d� � des habitudes de consommation�
tout en r�futant l�utilisation de papier de mauvaise qualit�. �La Banque
d�Alg�rie, a-t-il soutenu, s�approvisionne chez des fournisseurs qui
fabriquent un papier sp�cial appel� papier-monnaie, ce sont des
fournisseurs de renomm�e mondiale avec lesquels travaillent les grandes
banques.� On n�en saura pas plus sur le nom de ces fournisseurs et
encore moins sur l��ventualit� du retrait d�finitif de ces billets
ab�m�s de la circulation et encore moins sur l��ventualit� d��mission de
nouveaux billets. Le probl�me apparemment d�passe la Banque d�Alg�rie.
Il concerne directement le gouvernement. Ce dernier va-t-il enfin r�agir
?
F. H.
L'�VOLUTION DE LA MONNAIE FIDUCIAIRE
Une hausse de production de 154,638 milliards de dinars en 2007
La Banque d�Alg�rie, dans sa note d�information sur l��volution
fiduciaire de fin d�ann�e 2007, pr�cise que �le stock de la monnaie
fiduciaire en circulation (hors Banque d�Alg�rie), c'est-�-dire les
billets et pi�ces de monnaie �mis par la Banque d�Alg�rie, a atteint
1242,162 milliards de dinars � septembre 2007 contre 1092,103 milliards
de dinars � fin d�cembre 2006. D�o� une croissance de 13,74% pour les
seuls neuf premiers mois de l�ann�e en cours. Pour l�ann�e 2007, il est
estim� un taux de croissance de plus de 18%.
En cons�quence, l�ann�e 2007 se caract�rise par un trend haussier
nouveau qui se greffe � l�emballement enregistr� en 2006�. En ajoutant
que �le stock de la monnaie fiduciaire est pass� de 882,465 milliards de
dinars � fin d�cembre 2004 � 930,264 milliards de dinars � fin d�cembre
2005, puis � 1092,103 milliards de dinars � fin d�cembre 2006. Ce qui
correspond � une hausse en 2006 de 17,4% contre 5,42% en 2005. Ainsi, le
flux de la monnaie fiduciaire passe de 47,8 milliards de dinars en 2004
� 161,8 milliards de dinars en 2006 pour culminer � 150,1 milliards pour
les neuf premiers mois de 2007. Ce qui fait appara�tre que le flux de la
monnaie fiduciaire pour l�ann�e 2007 atteindrait pr�s de 200 milliards
de dinars. Il en r�sulterait une multiplication par plus de quatre des
flux de monnaie fiduciaire durant les ann�es 2005 - 2007, soit une
croissance de plus de 400%�. Ainsi �le volume de billets et pi�ces en
circulation est g�n�ralement fonction des besoins exprim�s par les
agents �conomiques pour r�gler, notamment, leurs transactions courantes
ou des besoins de pr�caution qui en augmentent le niveau de
th�saurisation. La demande de transaction, quant � elle, est fonction de
l��volution du produit int�rieur brut r�el et des prix. Par rapport au
PIB relatif aux transactions internes, le taux de la monnaie fiduciaire
passe de 73,2% en 2006 � 75,6% en 2007, ce qui t�moigne du
ralentissement de la v�locit� de la monnaie fiduciaire et met en avant
l�hypoth�se d�une �th�saurisation � accrue, c'est-�-dire une circulation
fiduciaire hors circuit bancaire. Ce ph�nom�ne amplifie les sorties de
la monnaie fiduciaire de la Banque d�Alg�rie. Les entr�es et les sorties
de la monnaie fiduciaire sont g�r�es dans le syst�me ARTS qui assure la
transparence et la tra�abilit� de tous les flux de bout en bout�. On
indique �galement que �le rafra�chissement de la monnaie fiduciaire en
circulation (les billets de banque) se fait par la Banque d�Alg�rie �
travers l�entretien de la monnaie fiduciaire pour authentifier tout
billet entrant dans ses caisses et pour s�parer les coupures en bon �tat
� remettre en circulation de celles qui sont usag�es qui sont orient�es
vers la destruction. Il est utile de pr�ciser que les billets circulant
hors banques �chappent � ce traitement de rafra�chissement�. Et de
conclure : �Face � l�ampleur des sorties et � la faiblesse des rentr�es
de billets, la circulation fiduciaire a enregistr� une injection de
billets neufs pour un montant de 154,638 milliards de dinars pour les
neuf premiers mois de 2007.�
F. H.
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