Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Ecrivains, lecteurs et �lecteurs
Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com


�Weather.com�, le site m�t�orologique sur internet, a annonc� des chutes de pluie, une semaine � l�avance au moins, pour le jeudi 14 f�vrier et sans se faire prier. Le plus innocemment du monde et ne connaissant pas cette station, nos autorit�s religieuses ont d�cid� d�organiser la pri�re de l��Istisqa� pour le m�me jeudi. Un choix qui n�avait rien � voir avec l�annonce m�t�o, bien s�r. Il a plu, certes, mais chichement, comme si la providence d�sirait donner une le�on aux organisateurs du hasard qui fait bien les choses.
Je me demande, au passage, ce qui serait arriv� � mon installation �lectrique, abandonn�e par la Sonelgaz, si nous avions eu des pluies diluviennes. D�cid�ment, on nous prend vraiment pour des canards sauvages, et ce n�est pas le Maroc seulement qui nous tient dans sa ligne de mire. De mon c�t�, j�ai adress� � Dieu une pri�re pour qu�il nous d�barrasse de tous les apprentis sorciers qui exploitent notre cr�dulit� et notre foi. A titre accessoire, j�ai pri� pour qu�il montre la voie de mon domicile � la Sonelgaz. Je n�ai pas encore �t� entendu sur ces deux points mais je ne perds pas espoir. Quoique, je me demande souvent s�il ne vaut pas mieux, � tout prendre, garder l��lectricit� et se r�signer � la s�cheresse puisque la cohabitation de ces deux �l�ments semble impossible. Je suis certain, en attendant, que ces messieurs qui r�gissent notre destin portent la guigne quelque part : depuis ce jeudi avaricieux, mon robinet fonctionne au goutte-�-goutte. Allez comprendre la relation de cause � effet qu�il y a entre les d�cideurs d�magogues et les pr�pos�s � l�alimentation en eau de la ville. Et moi qui m�appr�tais � augmenter le diam�tre de ma tuyauterie pour recevoir les flux torrentiels du barrage de Taksebt. Je sais : d�aucuns me reprocheront de me plaindre de ces petites mis�res de l�existence et d�oublier la grande d�tresse des s�questr�s de Gaza et des fugitifs du Darfour. Vous croyez qu�il y a encore des gens qui se pr�occupent de ces malheurs lointains ? Comment voulez-vous militer pour la Palestine lorsque des tyranneaux faiseurs de pluie utilisent ce slogan � toutes les pri�res ? Attendez un peu que la campagne de tous les mandats soit lanc�e et vous verrez si la Palestine ou le Darfour repr�sentent vraiment quelque chose ! Je serais curieux, d�ailleurs, de savoir combien de fois le mot Palestine a �t� prononc� lors de la messe basse qui a r�uni Ben Laden, le fr�re investisseur et Belkhadem, le fr�re promoteur de� mandats. Depuis que j�ai ouvert les yeux sur le triste bilan de nos gouvernants, je ne crois plus au r�ve ancien de lib�rer Al- Qods. Je ne pense pas, m�me en p�riode de d�lire, que les r�gimes arabes, notamment celui de Damas, veuillent ou puissent faire quoi que ce soit pour la Palestine. Ils ne feront rien m�me s�ils ont pour cela les mandats de Bush, de Sarkozy et de la reine Elizabeth r�unis. Je commence, en revanche, � croire en la vertu de certains talismans qui aident � s�duire sinon � subjuguer les foules. Aujourd�hui, pour �tre un dirigeant puissant et aim� du peuple, il suffit d�apprendre par c�ur le Coran et d�accomplir ses pri�res. C�est le niveau minimum requis, avec des p�lerinages r�guliers en guise de postgraduation. Et si vous n��tes pas d�accord, attendez que soit lanc�e la campagne pour la pr�sidence � vie et vous verrez les foules en d�monstration. Sinon, sans plus attendre, observez la r�action des masses arabes au meurtre du dirigeant militaire du Hezbollah, Imad Moghnieh, � Damas. Pas un doigt accusateur n�a montr� le r�gime syrien, pourtant coutumier du genre, mais des accusations unanimes contre Isra�l. Justement, de nombreuses sources arabes �mettent des doutes sur la piste isra�lienne, m�me si elle est plus que plausible. Il pourrait s�agir, dit-on, d�une initiative des services syriens visant � se d�barrasser d�un h�te encombrant, recherch� de surcro�t par toutes les puissances occidentales. Le penseur jordanien Chaker Naboulci cite, � cet �gard, les questions que s�est pos�es � propos de cet assassinat, l�Egyptien Magdi Kamel, auteur d�un livre sur le dirigeant du Hezbollah. Pourquoi Imad Moghnieh a �t� tu� � Damas, et non pas � Beyrouth, sachant que la capitale syrienne est un sanctuaire pour tous les dirigeants d�organisations extr�mistes ? s�interroge l�auteur. Pourquoi est-il le seul � avoir p�ri dans l�explosion de sa voiture, n�avait-il pas de compagnons, de gardes du corps ? Pourquoi Damas et non pas Beyrouth o� le Mossad a ex�cut� tous ses meurtres ? Est-ce � dire que les services secrets syriens sont plus pr�sents et plus puissants � Beyrouth qu�� Damas ? Pourquoi Imad Moghnieh a-til �t� abattu deux jours avant la comm�moration de l�assassinat de Rafik Hariri, le 14 f�vrier ? Pourquoi ses fun�railles ont �t� c�l�br�es le jeudi 14 f�vrier � Beyrouth, et non pas le jour d�apr�s, vendredi ? Pourquoi le lieu de l�attentat a �t� soigneusement nettoy� une demi-heure apr�s ? Pourquoi avoir attendu 24 heures pour l�annoncer ? Toute une s�rie de questions qui donnent � r�fl�chir mais qui ne sont pas de mise puisque le Mossad est l� pour tout expliquer. C�est sans doute la faute � ces maudits gris-gris qui verrouillent la pens�e critique et vous font prendre des imposteurs pour des messies. Peut-�tre ne choisissons-nous que les dirigeants que nous m�ritons, comme le croit, semble-t-il, le chroniqueur �gyptien Sammy Buha�ri. Loin du tumulte et de la liesse qui ont suivi la victoire de l�Egypte en Coupe d�Afrique de football, il s�est dit : �Puisque les m�thodes de l�entra�neur �gyptien, � savoir rigueur, discipline et esprit d��quipe, ont r�ussi, pourquoi ne pas les appliquer pour tout le pays ?� Il s�entretient de ce projet avec un haut dirigeant � qui il propose d�investir dans ce cr�neau. Son interlocuteur lui demande s�il ne pense pas � mettre l�entra�neur Shehata � la t�te de l�Egypte. Prudent, il sugg�re qu�on pourrait mobiliser le peuple et lui faire gagner la bataille du progr�s et de la modernit� en proc�dant comme Shehata l�a fait avec l��quipe nationale. Le dirigeant r�torque que la Coupe d�Afrique, c�est tous les deux ans et que le peuple d�Egypte n�a pas assez de souffle pour faire des efforts au quotidien. �C�est justement ce que je me propose de lui inculquer : les vertus de l�effort et de la pers�v�rance qui nous ont permis de vaincre en football et qui nous permettront de relever les autres d�fis�, r�plique notre chroniqueur. C�est alors que tombe le verdict sans appel : �On voit que vous vivez � l��tranger et que vous avez perdu le sens des r�alit�s. Regardez un peu ce qui se passe dans le pays profond. Nos paysans travaillent pour les semailles et quand ils r�coltent. Entre les deux, ils s�assoient sous leurs v�randas et attendent. C�est un peuple saisonnier et vous n�arriverez � rien � vouloir le changer.� Pourtant, ce �peuple saisonnier � produit bon an mal an des livres, des pi�ces de th��tre, des films sans lesquels le monde arabe serait encore plus aride qu�il ne l�est. A une �poque, un dicton en vogue proclamait : �Les Egyptiens �crivent des livres, les Libanais les �ditent et les Irakiens les lisent.� Aujourd�hui, l�affirmation reste pertinente m�me si elle l�est un peu moins concernant les Libanais et les Irakiens. Il est vrai qu�avec ce qui se passe dans leurs pays respectifs, il y a d�autres n�cessit�s, comme celle de survivre. C�est sans doute parce qu�il a encore des �crivains et des penseurs, plus souvent � contrecourant, qu�un pays comme l�Egypte peut esp�rer. Et les Egyptiens n�ont pas besoin de reconduire Moubarak pour apporter leur contribution � la culture universelle.
A. H.

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