Actualit�s : Contribution
Un sursaut r�publicain est-il encore possible ?


Par le commandant Azzedine et
Abdelhak B�rerhi CCDR

Ces derniers temps, on assiste � des d�clarations, des communiqu�s, des contributions, des p�titions pour d�noncer l�annonce faite � grands cris d�une r�vision constitutionnelle pour un troisi�me mandat. Certains �voquent le n�cessaire maintien de l�alternance au pouvoir par le respect de la Constitution, d�autres, plus incisifs, appellent au changement r�el du syst�me sans lequel aucune alternance n�est possible.

C�est une r�action saine et n�cessaire face � la kermesse indigne organis�e par le pouvoir, regroupant laudateurs et rentiers, pr�cipitant la descente aux enfers. Tous les politologues, sociologues, �conomistes, laissent planer l�ombre d�une r�cession in�luctable sur la base de donn�es objectives, avec leur logique corollaire : l�explosion sociale ! L�Etat a montr� son incapacit� totale � manager la crise, recourant aux subventions, les 110 milliards de dollars de r�serves aidant, dont 43 entrepos�s aux USA au lieu de les injecter dans des cr�neaux � haute valeur ajout�e, g�n�rateurs d�emplois. Une gouvernance, quasiment absente, qui a fait de l�Alg�rie un pays bien mal en point, class� au plus bas des �chelles de tous les indicateurs internationaux. Vautr�e dans la rente et la corruption, dans l�incurie et la gabegie, la gouvernance pare au plus press�, sans aucune strat�gie si ce n�est pour pr�server ses int�r�ts. Une gouvernance avec laquelle le peuple est depuis bien longtemps divorc�. La mise � mort programm�e du parc d�El Kala est une illustration parmi tant d�autres, du m�pris du peuple et des violations des lois par le pouvoir. En panne de projet, l�Alg�rie n�est gu�re � l�abri d�un glissement de plus en plus affirm�, vers une dictature qui scellera tout espoir d��volution d�mocratique, un glissement qui pourrait d�boucher sur une issue r�trograde. Le retour aux ann�es de plomb se dessine, la d�saffection citoyenne est � son plus haut point.
L�Alg�rie va droit au mur : un probl�me de sauvegarde nationale
L�Alg�rie n�est pas � l�abri d�une r�cession, en cas de conflit ou de crise majeure au niveau international. Sans �tre alarmiste outre mesure, les affirmations et les projections de sp�cialistes l�attestent. Avec une d�pendance dramatique vis-�-vis des hydrocarbures � 99%, avec 25 milliards de dollars d�importations en 2007 (augmentation de 17% par an), dont 5 milliards en produits alimentaires, on ne produit que 2 calories sur 3 par rapport � nos besoins. Le d�mant�lement de l�industrie et une politique de privatisation d�brid�e ont mis � plat les bases �conomiques du pays. On ne produit presque plus rien (on va jusqu'� m�me importer des calendriers chinois !). Il y a un recul industriel et manufacturier (de 17% du PIB dans les ann�es 1960 a 4% en 2007). Le mercantilisme commercial fleurit, avec l�apparition d�une nouvelle classe sociale laminant la classe moyenne salariale. On recense 1 200 000 commer�ants et 300 000 PME de services ! Pr�s de 10 milliards de dollars de b�n�fices sont export�s par les investisseurs �trangers (l��quivalent de notre dette dans les pires ann�es). Du reste, la politique de r�conciliation nationale et d�amnistie va dans le sens de cette �ouverture lib�rale�, en recyclant l�argent du crime et de la rapine dans le commerce. Les grands investissements se font � des prix exorbitants, laissant planer l�ombre de la corruption et excluant les travailleurs alg�riens jug�s insuffisamment qualifi�s � tous les postes de travail. Les conclusions de ces constats sont des plus inqui�tantes :
- la gouvernance dans ses choix fragilise de plus en plus le pays, faisant de l�Alg�rie un grand comptoir commercial avec un commerce informel exub�rant ;
- il y a absence de l�Etat, comme moteur de r�gulation et comme moyen de contr�le, g�n�rant corruption et gaspillage ;
- le pays est en sursis et n�est pas � l�abri d�une forte augmentation du co�t de l��nergie, (le prix de transport de la tonne de bl� est pass� de 40 dollars � 120 dollars) ! En cas de conflit ou de grande crise, c�est la famine, pr�disent les experts. C�est un v�ritable probl�me de sauvegarde nationale qui se pose aujourd�hui ! Trouvant un terreau politique propice dans notre pays, la mondialisation poursuit son incursion d�vastatrice. L�Alg�rie est press�e de toutes parts pour une lib�ralisation pouss�e (UE et OMC). Avant toute lib�ralisation, les pays asiatiques ont d�abord investi dans le d�veloppement des ressources humaines (800 000 ing�nieurs et 40 000 ma�trises de gestion en Chine !). Ce n�est gu�re le cas de l�Alg�rie qui continue � exporter ses cadres, � perdre ses �tudiants � l��tranger, avec des universitaires et des chercheurs, au statut indigne, nettement en de�� de celui des pays voisins. Tapi dans l�ombre, l�islamisme attend son heure, comme il l�a toujours fait, notamment depuis l�explosion des jeunes de 1988 ! Un signe qui ne trompe pas : les partis islamistes, dont l�un est dans �la fameuse alliance�, se concertent et coordonnent leurs actions de plus en plus !
L�autisme et la fuite en avant : le pouvoir dos au mur
L�absence de gouvernance, la gabegie dans les d�penses publiques, l�opacit� de la gestion financi�re se sont traduites par une corruption g�n�ralis�e � tous les niveaux, �conomique et politique. On distribue g�n�reusement � tout vent des milliards, et on �r�compense�� coups de subventions tout message lu pour un troisi�me mandat. D�o� ces �souteneurs� : officiels, institutions, y compris le d�funt olympisme, associations asservies, comit�s de soutien de circonstance� La situation est grave. Les finances du pays sont dilapid�es avec une complicit� � tous les niveaux de la gouvernance. Tout cela, sur fond d�une ins�curit� grandissante et d�un verrouillage accru des Libert�s. Pris � la gorge, pratiquant la fuite en avant, le pouvoir cherche � perdurer et ne prendre �aucun risque� d�ouverture quitte � rester sans gouvernance� en attendant ! Car ce troisi�me mandat, avec la r�vision constitutionnelle ne concerne pas seulement Bouteflika (luim�me le souhaite certainement, m�me malade). Cette r�vision n�ouvre-t-elle pas en fait le champ � une pr�sidence � vie, pour un autre moins mauvais parmi les mauvais, qui acceptera le statu quo ? Si en 1999, le candidat coopt� �garantissait� l�application des accords avec l�AIS (il a �t� bien audel�, avec la concorde civile puis la r�conciliation nationale transform�e en amnistie pure et simple de terroristes) ; les attentats du 11 septembre aux USA ont permis de d�passer la fameuse question du �qui tue qui�, et la grotesque assertion de la r�gression f�conde. En 2004, la transition en douceur qu�il �tait cens� apporter durant le premier mandat ne se concr�tisera pas, loin s�en faut ! Le choix de sa reconduction l�a emport� sur �l�aventure � vers une transition qui affichait, peut-�tre, trop d�ambitions d�mocratiques risquant de perturber �l�ordre �tabli� ! Mais aujourd�hui, la gangr�ne occasionn�e par cette gouvernance a atteint des proportions telles que le pouvoir est dos au mur. En optant pour la pr�sidence � vie, pour le maintien du statu quo, on ne fait que reculer l��ch�ance, mais � quel prix, s�rement beaucoup plus lourd et plus �lev� que la d�mocratisation.
Que faire et comment faire ?
Mais alors, que faire et comment faire face � ce �rouleau compresseur � en marche ? Attendre, laisser faire et se taire, c�est accepter la fatalit�, c�est pratiquement �tre complice de la concr�tisation du sc�nario catastrophe. Le premier r�flexe n�est-il pas d�appeler � un sursaut r�publicain toutes les forces patriotiques du pays : personnalit�s politiques, intellectuels engag�s, moudjahidine, partis d�mocrates, associations et syndicalistes non organiques, citoyennes et citoyens...? Deux questions reviennent constamment chez toutes celles et tous ceux qui appellent au changement : pourquoi les d�mocrates n�ont-ils jamais r�ussi � se rassembler ? Que font les personnalit�s politiques marginalis�es et les intellectuels engag�s ? Pour la premi�re interrogation, en tant que d�mocrates, nous devons faire notre bilan, notre autocritique pour nous red�ployer et pour mieux agir. Malgr� plusieurs tentatives, nous n�avons pas pu ou su cr�er le rassemblement des forces d�mocratiques auquel nous avons tant de fois appel�. Certes, le pouvoir a tout fait pour briser toute initiative de convergence, par des manipulations, des intimidations, des r�pressions et des redressements. Mais, nous aussi, nous avons notre part de responsabilit�. Loin, peut-�tre, de la base citoyenne profonde, les rencontres au niveau des �tats-majors ont �chou� autour de divisions secondaires ayant �t� incapables de les d�passer et de s�entendre sur l�essentiel. Certains ont m�me cru que l�entrisme pouvait contribuer au changement ! Pour la deuxi�me interrogation, le m�me point de vue revient souvent vis-�-vis des personnalit�s politiques marginalis�es et des intellectuels engag�s. En effet, nos communiqu�s, nos d�clarations, nos contributions aussi pertinents fussent-ils, le pouvoir n�en a cure et n�en a jamais eu cure ! Ils sont, certes, n�cessaires pour apporter un �clairage politique, pour faire un constat, pour tirer la sonnette d�alarme. Cependant, ne sont-ils pas insuffisants s�ils ne d�bouchent pas sur une action concr�te porteuse de changements ? Les 7 millions d�analphab�tes, les millions d�illettr�s reliquats des exclus d�un syst�me �ducatif vermoulu, nous lisent-ils, nous �coutent-t-ils, entend-on dire ? Ils en ont marre des constats, ils les vivent au quotidien dans leur chair ; ils en ont marre des gouvernants qui les m�prisent, les soumettant chaque jour au matraquage de la t�l�vision. Leur seule solution : la r�volte. Ils crient leur d�sespoir dans les entreprises, dans la rue, dans les gr�ves, avec les mouvements citoyens dans les contr�es les plus recul�es du pays, pour une vie digne et une justice sociale. Symbole de l��chec : cette jeunesse qui crie son d�sespoir en bravant les flots ; elle hurle sa d�ch�ance dans les paradis artificiels ou dans le suicide. De nombreux �chos font �tat de la n�cessit� de d�passer les constats, de nous immerger de plus en plus dans la soci�t� et de faire des propositions concr�tes d�organisation et d�action. Il nous est demand� entre autres, d��tre de plus en plus �vrais�, en �tant pr�sents dans les mouvements citoyens, dans les comm�morations � la m�moire des victimes du terrorisme, dans les manifestations pour la d�fense des Droits de l�homme� En un mot, plus proches des pr�occupations citoyennes, de joindre le geste � la parole. En fait, c�est un v�ritable sursaut r�publicain qui est attendu de tous les patriotes qui croient � une alternative d�mocratique pour r�agir et refuser la fatalit�. En d�finitive, il leur est demand� de sortir de l�expectative et de prendre l�initiative pour se rapprocher et cr�er des points de convergence et les synergies n�cessaires vers l�objectif commun du changement. Il s�agit, finalement, de d�ployer une v�ritable dynamique politique mobilisatrice de toutes les forces vives de la nation. Les syndicats autonomes et les jeunes lyc�ens, les travailleurs de la Fonction publique et de la sant�, ont montr� de fa�on �clatante la port�e d�un mouvement citoyen pacifique mais d�termin�. Les espaces citoyens doivent fleurir. Certains ont vu le jour comme l�Escad (Espace de la soci�t� civile pour une alternative d�mocratique). Le Civic d�Oran a ouvert des pistes d�action et de r�flexion des plus pertinentes. En m�me temps, un grand travail de proximit� est n�cessaire, de l�immeuble au quartier, de l�entreprise � la commune, notamment en direction des jeunes, fer de lance du pays, mobilis�s autour de th�mes concrets et de pr�occupations quotidiennes. Cela permettra de tisser un r�seau f�cond au sein de la soci�t� civile. Effectivement, c�est dans l�action solidaire que nous pourrons faire aboutir nos propositions pour que le changement devienne possible. A la fois force de r�sistance, refusant la politique du fait accompli et la fatalit�, et, ,force de propositions, nous travaillerons � un projet pour l�Alg�rie, une Alg�rie de progr�s, de modernit� et de justice sociale, une Alg�rie o� la souverainet� du peuple est affirm�e et le r�le du citoyen confort�. Oui, une autre Alg�rie est possible ! Pr�c�d� d�un bilan exhaustif et approfondi, ce projet supportera une refondation politique, �conomique, sociale et culturelle. Il aura pour socle une loi fondamentale p�rennisant les valeurs r�publicaines et un Etat de Droit.
La transition pour une alternative d�mocratique : une exigence patriotique
Au rythme actuel, l�Alg�rie va droit au mur ! Sa stabilit�, son �quilibre, sa cr�dibilit�, tout risque de fondre comme neige au soleil, au d�tour d�une grande explosion sociale, au d�tour d�un clash financier mondial. C�est l��vidence, la situation est grave. Il y a crise de la politique et du politique, crise de l�Etat et de la Nation ; les amnisti�s se transforment en kamikazes et font des �mules y compris dans des franges insoup�onn�es de la soci�t� ; l�explosion sociale est en ligne de mire ! Partout, les r�publicains d�mocrates appellent � une d�mocratisation r�elle de l�Alg�rie. Bien s�r, l�alternative d�mocratique est la solution id�ale. Mais, dans l��tat actuel des choses, est-elle r�alisable ? Les conditions politiques, �conomiques et sociales sont-elles favorables � sa mise en �uvre, dans la mesure o� le peuple, dans son rejet du pouvoir actuel, ne veut plus voter (en t�moigne le boycott du 17 mai et du 21 novembre 2007) ? Les risques de �d�rives� ne sont-ils pas toujours possibles, s�interrogent- t-ils ? Quelle solution alors ? La r�ponse qui revient sans cesse : une transition d�mocratique ! La mise en �uvre d�une vraie transition d�mocratique, avec des r�formes profondes palpables, pourrait pr�parer � l�alternative d�mocratique, en redonnant espoir et confiance � un peuple d�sabus� par les exp�riences rat�es d�un pass� r�cent. Encore faudra-t-il tirer les le�ons du pass�, revient dans toutes les bouches ! En effet, en 1991, la transition avait beaucoup de chances de r�ussir. Elle avait suscit� un espoir r�el chez tous les citoyens r�publicains. Qui ne se souvient pas des rassemblements de foule imposants, des marches citoyennes, pour dire non aux partisans de la r�gression ? Qui ne se souvient pas de ces femmes admirables d�fendant les libert�s et la R�publique ? Malheureusement, cette transition ne fut pas men�e � terme, constatent tous les politologues. Apr�s la d�mission de Zeroual, la chute s�acc�l�ra. Le d�ferlement des hordes terroristes islamistes, les mises � l��cart d�hommes politiques et de cadres comp�tents, la chasse aux sorci�res par des proc�s insens�s, l�exode des comp�tences et la fuite des cerveaux qui en r�sulta, saign�rent � blanc l�Alg�rie, sonnant le glas de la chute vertigineuse du pays dans le d�sespoir et l�incertitude. Alli�s �naturels�, les fossoyeurs de la R�publique, les b�illonneurs des libert�s, les pr�dateurs de l��conomie, amen�rent le pays � l�actuelle situation et � l�am�re d�sillusion. La transition d�mocratique devient aujourd�hui une exigence patriotique, entend-on dire dans tous les milieux r�publicains. Certes, elle ne sera pas facile � mener. La pente sera rude � remonter pour faire rena�tre l�espoir. Que de d�fis � relever ! Mais quelle t�che exaltante ! Cette transition d�mocratique peut rev�tir plusieurs formes. Il n�y a pas de solution unique. Mais, s�rement pas avec les institutions et la gouvernance actuelles ! Quelle que soit la forme adopt�e, cette transition reposera essentiellement sur un projet de soci�t� r�publicain, avec notamment, des mesures concr�tes, imm�diates, fortes et significatives, politiques, �conomiques et sociales, pour redonner l�espoir et r�tablir la confiance, pour cr�er le d�clic du changement afin de pr�parer l�alternative d�mocratique. Ce projet sera port� par des hommes et des femmes engag�s, de progr�s, comp�tents et honn�tes, r�conciliant l�Etat avec le peuple et son extraordinaire jeunesse ; des hommes et des femmes capables de mobiliser toutes les forces vives de la nation, tout le peule alg�rien. C�est � ce prix que l�Alg�rie pourra se reconstruire, une Alg�rie que la R�volution du 1er Novembre 1954 avait esp�r�e. Mais, si par malheur, �le rouleau compresseur� venait � poursuivre son avanc�e aveugle et irr�aliste, l�ultime r�plique pourrait se manifester, pour refuser le statu quo, par l�absence de candidatures cr�dibles et la non-participation citoyenne. A l�Histoire de juger !
Cdt A. et A. B.

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