Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
La lamentable d�route de Belkhadem
Par Boubakeur Hamidechi
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Parmi les variantes auxquelles a recours le r�gime, il y a celle qui affecte des responsabilit�s importantes � un Premier ministre. Si � l�origine, en 1979, il �tait d�sign� ainsi, il en changea d�appellation, dix ann�es plus tard, en 1989, pour devenir chefferie du gouvernement.
Produit d�une Constitution hybride et d�un pluralisme factice, elle a fini par ne rien signifier. Raval�e au rang d�oripeau, la chefferie est rarement le lieu g�om�trique o� se prennent les v�ritables d�cisions mais le si�ge de la censure et de la dilution des responsabilit�s afin d��pargner le chef de l�Etat. Sans nous attarder sur le l�gendaire attribut de fusible que le pr�sident sacrifie dans les moments de vive tension sociale, il y a surtout sa relation avec le Parlement, laquelle ne manque pas d�ambigu�t�s. Dans un environnement despotique l�on s�est toujours demand� s�il y a encore de la �place� pour l�intendance du pays quand le d�positaire officiel de la fonction en est quotidiennement r�duit � la d�robade lorsque les signaux du palais tardent � lui parvenir. C�est le cas pr�cis�ment de Belkhadem qui multiplie les louvoiements face au brasier social et en m�me temps commet les pires outrances langagi�res � l�encontre de pans entiers de la soci�t� qui contestent le bien-fond� de ses actes de gestion. Il est vrai que les avatars li�s � ce poste-cl�, cr�� par la Constitution de 1989 et reconduit dans celle de 1996, ne se comptent plus. Ils avaient eu raison d�une douzaine d�occupants dont feu Kasdi Merbah inaugura la liste. Chaque fois, pour des raisons diff�rentes et des contextes pr�cis, le sommet de l�ex�cutif s�est d�barrass� d�une mani�re in�l�gante de ce commis d�un genre particulier. Dans un pass�, relativement lointain, la pol�mique entre Merbah et Chadli au sujet des pr�rogatives constitutionnelles de chacun d�eux n�a-t-elle pas fini par le cinglant �licenciement � de septembre 1989 et son remplacement par Hamrouche ? Une d�cennie plus tard, Benbitour souffrira du m�me syndrome dans son t�te-�-t�te avec Bouteflika. Pr�f�rant devancer la disgr�ce d�une r�pudiation arrogante, il s�empressa de donner sa d�mission ce que ne firent pas ses successeurs, que l�on renvoya bruyamment. Benflis et Ouyahia connurent le m�me sort d�s l�instant o� on les avait soup�onn�s d�ambitions personnelles. Mais au-del� des destins personnels, sources �videntes de conflits, il y a d�abord l�interpr�tation que tout un chacun donne de son r�le et l�ex�g�se qu�il fait de la Constitution. L�actuel chef de l�Etat n�ayant jamais consid�r� que l�ex�cutif pouvait �tre bic�phale, du moins en mati�re de gestion ordinaire, changera cinq fois de Premier ministre en 8 ans � (1999-2006). Fonction pr�caire et r�vocable, elle se traduit par la pr��minence des conseillers du palais sur les ministres de terrain. En atrophiant le champ d�intervention du copilote au profit du cabinet pr�sidentiel, il parvint � r�duire la chefferie � une bo�te aux lettres de cachet que celle-ci doit ex�cuter. Une sorte d�exercice semblable � celui de grand chambellan charg� strictement du m�nage dans le s�rail. Quelles que soient les id�es que l�on se fait des diff�rents magist�res issus des Constitutions de 1989 et 1996, l�on ne peut que conclure que dans leur totalit� ils n�ont jamais admis que cette fonction pouvait �tre autonome dans sa strat�gie, voire qu�elle n��tait, dans certains cas de figure, responsable que devant le Parlement. Cette d�pendance structurelle vis�- vis du sommet n�a, par ailleurs, jamais produit la bonne synergie que l�on pr�tend. Elle fut m�me la source de toutes les pannes � l�origine de la contestation des v�ritables syndicats et des m�diocres r�ponses d�un gouvernement d�boussol�. D�mon�tis�e par cette ingrate all�geance, la chefferie n�a plus aucune autorit� pour conduire les affaires du pays. Bien s�r, parmi les nombreux chefs de gouvernement qui se sont succ�d�, il y eut certains qui b�n�fici�rent de meilleures fortunes politiques. Circonstanciellement, ceux-l� eurent droit � de larges d�l�gations de pouvoir sans que cette tendance ait pu changer sur le fond la conception fond�e sur l�unicit� de l�ex�cutif. Elle fut en v�rit� une proc�dure compensatoire juste bonne pour att�nuer les faibles comp�tences du premier magistrat de la R�publique. Les passages de Bela�d Abdesselam et R�dha Malek au temps du HCE ou bien plus tard celui de Ouyahia sous Zeroual sont de cet ordre des choses. C�est dire qu�ils sont illustratifs des rares fois o� cet emploi a pu tenir un rang actif et d�terminant dans la prise de d�cision et m�me de son �laboration en amont. A l�inverse avec un chef d�Etat claironnant depuis 1999 qu�il ne souhaitait rien d�l�guer de ses pr�rogatives, l�on sut tr�s t�t que le copilotage en tant que mode d�emploi est une affaire entendue. C'est-�-dire qu�il a v�cu. Cela se v�rifia d�s l��t� 2000 apr�s le d�part de Benbitour et le d�but des valses : Benflis puis Ouyahia et enfin Belkhadem. Ce dernier, vite qualifi� de solide pilier du bouteflikisme, donne aujourd�hui de nombreux signes d�essoufflement. En effet, � vouloir suivre � la lettre les intentions de son mentor, il a oubli� d�avoir des id�es � lui pour administrer convenablement le pays. En deux ann�es, et plusieurs r�am�nagements de son �quipe, il n�est pas encore parvenu � traduire en signaux clairs les objectifs d�un pr�sident sauf celui d�amender une loi fondamentale pour demeurer en place. Ainsi, face � la grogne et la rogne sociales, il est sans voix et sans arguments, aggravant du m�me coup son cas de Premier ministre tatillon dont le premier � se plaindre dans le futur sera paradoxalement Bouteflika ! Celui-ci se rendra s�rement compte que certaines fid�lit�s aveugles cachent d�abord l�incomp�tence. Lui qui postule � un autre sc�nario, pourra-t-il s�encombrer longtemps d�un �coordinateur� de l�action gouvernementale dont l��chec est patent ? Alors un chef de gouvernement discr�dit� de toutes parts peut-il encore servir d�escabeau � un pr�sident dont la cote de popularit� n�est pas au mieux ? Autant dire que rien n�est plus pr�caire pour l�organisation d�une grand-messe que de conforter un intendant plus prompt � jouer les meddahs qu�� travailler s�rieusement pour am�liorer les bilans de son suzerain.
B. H.



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