Chronique du jour : DECODAGES
L'entreprise sans usine
Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr


L�entreprise traditionnelle se d�sint�gre. Cette entreprise qui produit, distribue et g�re par elle-m�me toutes ses fonctions a fait long feu. Le capitalisme d�aujourd�hui externalise, d�localise. L��conomie se mondialise, se globalise. Et bien �videmment, ces processus, encore en cours aujourd�hui, proc�dent certes de l��volution de l�entreprise mais influent aussi sur la transformation de celle-ci.
Externalisation et d�localisation
� L�externalisation ou �outsourcing� consiste pour une entreprise � �sortir� une ou plusieurs fonctions (externaliser) qu�elle confie � un prestataire ext�rieur recherchant par-l� � se concentrer sur le c�ur du m�tier, c�est-�-dire les activit�s qui lui apportent un avantage concurrentiel, et � d�velopper la flexibilit�.
� La d�localisation d�une activit� consiste pour une entreprise � abandonner son site de production traditionnel pour un autre site cherchant ainsi � profiter d�une main-d��uvre beaucoup moins ch�re, ou/et de charges obligatoires moins lourdes, d�une fiscalit� moins p�nalisante. Les deux ph�nom�nes sont, bien s�r, compl�mentaires. Ils ne sont pas tout � fait nouveau mais ils explosent depuis le d�but des ann�es 1990. L��l�ment d�cisif qui a favoris� ce mouvement revient aux Nouvelles technologies de l�information et de la communication (NTIC), les sp�cialistes parlent d�ailleurs, aujourd�hui, de Technologie de l�information et de la communication (TIC) pour souligner leur banalisation, le terme nouvelles n�ayant plus grande pertinence, gr�ce aux TIC, aujourd�hui, la distance n�est plus un obstacle.
Les entreprises du Nord externalisent des fonctions de plus en plus proches de leur c�ur de m�tier. Pour le transport, l�entretien ou la maintenance, la pratique s�est syst�matis�e. �Il y a dix ans, des soci�t�s poss�daient encore leurs propres wagons pour acheminer leur production... Aujourd�hui, elles recourent � des prestataires de services qui se chargent de tout jusqu�au trac� des itin�raires� (Thierry Muller, responsable de l�outsourcing chez Andersen France � in Enjeux - Les Echos n� 179). De m�me, la gestion des ressources humaines, du recrutement � la paie est externalis�e : �95% des firmes anglo-saxonnes s�y adonnent �, nous dit le cabinet Michel Page. En France, 35% des entreprises y recourent mais le mouvement s�amplifie. Selon l��tude publi�e par Les Echos - Enjeux que nous venons de citer, le march� mondial de l�externalisation, toutes activit�s confondues, �tait de 140 milliards de dollars en 1997, 300 milliards de dollars en 2002. Il avoisinerait 440 milliards de dollars en 2007. La moiti� de ces contrats sont conclus en Europe, quelques exemples d�outsourcing : Swissair en 1991, Lufthansa en 1995, British Airways en 1996 externalisent leur comptabilit� � Bombay en Inde. Nathan ou Larousse font num�riser leurs livres � l��le Maurice, Rank Xerox installe des centres d�appel (call centers) en Irlande. Luxent et Hewlett- Packard externalisent leurs activit�s de design et de d�veloppement de logiciels en Inde. Selon Mc Kinsey, le march� mondial des services d�localis�s pourrait d�passer 500 milliards de dollars en 2008. L�Inde b�n�ficie pleinement de cette mondialisation. Selon l�Association fran�aise des entreprises de services et de logiciels, les �t�l�services� rapporteront � l�Inde quelque 17 milliards de dollars en 2008. Enfin, le bureau de conseil Andersen indique que 70% des grandes entreprises fran�aises �succombent aux charmes de l�externalisation et selon The Economist Intelligence Unit, les patrons am�ricains estiment que l�outsourcing aura plus d�impact sur leur activit� dans les dix prochaines ann�es que les fusionsacquisitions et les alliances. Pour autant, peut-on dire qu�externalisation et d�localisation sont irr�versibles et constitueront pour longtemps encore, le nouveau visage de l�entreprise capitaliste ? Certains auteurs observent que les freins � ce double processus sont encore nombreux et dans de nombreux pays europ�ens, l�externalisation est v�cue comme une �mutilation� (Cf. Les Echos, op. cit.). Il y a l� une bataille de plus en plus ouverte des firmes contre les Etats ou plus exactement des Etats contre les firmes, ces derni�res, dont le seul drapeau est le profit, poussant � l�externalisation et la d�localisation pour maximiser la valeur cr��e, les Etats tentant, au contraire, � limiter au nom du patriotisme �conomique ce double processus qui d�vitalise les territoires nationaux et aggrave le ch�mage des autochtones. Thierry Muller, l�expert de chez Andersen France, temp�re l�analyse en observant : �Avec son �entreprise sans usine� Alcatel a forc� le trait. C�est surtout un effet d�annonce destin� � indiquer une direction.� Quoi qu�il en soit, et nous avons d�j� eu l�occasion de le souligner, toute nouvelle strat�gie industrielle nationale qui ne tiendrait pas compte de ces nouvelles d�marches des firmes internationales, aura peu de chance de participer positivement � la mondialisation de l��conomie et d�en tirer b�n�fice pour son propre d�veloppement national. Pour notre pays, � bon entendeur...
A. B.

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