L'ENTRETIEN DU MOIS : SID-AHMED GHOZALI AU SOIR D'ALG�RIE
Histoire des nationalisations, politique p�troli�re et bonne gouvernance


4e partie

�L�ambition de recouvrement des richesses nationales, qui �tait dans toutes les t�tes� Elle s�est d�roul�e sur tous les fronts, huit ann�es durant��

Entretien r�alis� par
Mohamed Chafik Mesbah


Chafik Mesbah : C�est une autocritique ?
Sid-Ahmed Ghozali :
Oui, nous n�avons pas fait ce qu�il fallait faire en mati�re de communication. Nous avons certes consacr� un temps et des efforts consid�rables � la communication. Mais celle-ci �tait focalis�e sur nos d�m�l�s avec les soci�t�s p�troli�res fran�aises, sur les n�gociations bilat�rales et internationales, sur la constitution de notre partenariat international, sur un lobbying tr�s dynamique tendu vers l��tablissement et l�affermissement du cr�dit de notre pays en mati�res �nerg�tique et financi�re dans les sph�res politiques, p�troli�res et financi�res mondiales. Quinze d�ann�es d�efforts qui ont produit leur r�sultat. Sur le plan ext�rieur. Paradoxalement nous avions, en mati�re de communication battu nos concurrents dans leur monde � eux. Tandis que dans notre monde � nous ce sont eux qui nous ont battus. L�erreur commise consistait � supposer que la r�ussite de notre communication � l��tranger, allait comme couler de source � la maison. Or il fallait � l��vidence une communication adapt�e pour l�opinion publique nationale et ciblant aussi les pouvoirs publics. Il aurait fallu un travail didactique appliqu� et patient, adapt� � chaque cible. Il fallait communiquer, pour que le citoyen de base puisse voir le lien entre le p�trole et l�avenir de ses enfants. Pour qu�il en arrive � consid�rer que Sonatrach c��tait son affaire. Un tel travail �tait-il envisageable avec le r�gime politique d�alors ? Le fait est que nous n�y avons pas pr�t� suffisamment d�attention. Comme si nous avions pris pour notre compte le slogan publicitaire des dirigeants de G�n�ral Motors �Tout ce qui est bon pour General Motors est bon pour les �tats-Unis d�Am�rique�. Nous supposions dans notre intime conviction que ce que nous faisions �tait bon pour le pays et qu�il allait de soi que cela allait �tre consid�r� comme tel par l�opinion et les pouvoirs publics. Pensant ainsi, nous comm�mes peut-�tre une sorte de p�ch� d�orgueil. Qui sait ? Oui, il nous revenait, indiscutablement, d�accomplir le travail de persuasion que je viens d��voquer�
Pouvez-vous aller plus loin dans l�autocritique de la p�riode durant laquelle vous avez dirig� Sonatrach ?
Bien s�r, comme toute entreprise humaine, Sonatrach, dont j�ai assur� la direction g�n�rale durant plus de treize ans, a eu ses points forts, ses lacunes et ses faiblesses. Une entreprise dont les effectifs sont pass�s en moins de quatorze ann�es de quelques dizaines d�employ�s � cent vingt mille, dont le patrimoine s�est �lev� de quelques millions � plus de dix milliards de dollars, ne peut pas avoir �t� une entreprise banale. Compte tenu d�un tas de facteurs historiques et politiques, elle s�est trouv�e confront�e � des obstacles plus que de mesure, expos�e � des feux nourris d�attaques qui l�ont plac�e d�embl�e dans la posture psychologique d�un soldat accul� dans une guerre de tranch�e ou derri�re une barricade. De surcro�t, toutes les critiques ou les proc�s qui ont �t� faits � Sonatrach ont �t�, soit insens�s � l�instar de la premi�re d�entre elles sur le plan historique et que j�ai mentionn�e dans l�anecdote de �Sonatrach cet organisme monstre� soit mensongers comme dans l�histoire du contrat El Paso, celle des salaires royaux ou de la tr�sorerie ext�rieure ; ces critiques ont cibl� les points les plus forts de Sonatrach, ses actions les plus exemplaires ou les plus accomplies. Il faut se poser la question pourquoi. Et quelle est la place qui reste pour l�autocritique dans une aussi grande profusion de critiques infond�es et injustes ? Je peux vous assurer que nous �tions loin d��tre satisfaits de nous-m�mes ! Nous avions nos cauchemars, qui �taient li�s � des faiblesses r�elles celles-l�. Principalement en mati�re de productivit�. Le temps et le co�t du m�tre for�, du m�tre de pipe pos� ; telle usine de production d�ammoniac qui a mis dix ans pour produire ; des �quipements insuffisamment entretenus ; l�accouchement difficile d�un syst�me moderne d�information et de management. Le plus difficile n�est pas de lister ces lacunes mais d�en analyser les causes pour les combler. Parmi ces causes il y en a qui sont inh�rentes au fait de la jeunesse et des probl�mes de croissance. Il y a les difficult�s induites de l�environnement, non seulement celui qui est propre � Sonatrach, sur lequel j�ai assez longuement dissert�, mais aussi de l�environnement politique et bureaucratique en g�n�ral. Mais dans quels cas ces difficult�s sont elles de v�ritables causes de nos faiblesses et dans quels cas elles nous fournissent des pr�textes � nos propres d�ficiences ?
Pouvez-vous illustrer vos propos par des cas concrets ?
Volontiers, la question �voqu�e se pose, au demeurant, pour Sonatrach comme pour les autres entreprises. C�est ainsi que les entreprises �trang�res les plus performantes chez elles, ont accus� chez nous des surco�ts et des d�ficiences. Nous avons eu faire � deux types de r�action de ces entreprises, l�honn�te et la malhonn�te. Le premier type est repr�sent� par la JGC, la soci�t� japonaise qui a construit la raffinerie d�Arzew ; le second type par la soci�t� am�ricaine Chemico qui �tait charg�e de construire l�usine GNL1 d�Arzew. Les deux soci�t�s ont accus� des surco�ts qui ont d�pass� le prix du contrat. Le pr�sident de la premi�re est venu me voir quelque trois mois avant la fin du chantier pour me dire ce qui suit �A cause des monopoles, des proc�dures bureaucratiques etc. nous pr�voyons un d�passement de 8 millions de Dollars (sur un contrat d�environ 70 millions). Nous n�allons rien vous demander aujourd�hui, nous tenons d�abord � terminer l�ouvrage et dans les d�lais contractuels. Ensuite nous reviendrons vers vous, apr�s la mise en marche de la raffinerie, avec un dossier justificatif de tous les d�passements ind�pendants de notre volont�. Si vous acceptez d�en discuter avec nous et de nous accorder une rallonge pour que nous ne soyons pas perdants, nous vous en remercions � l�avance. Sinon, nous irons en rendre compte � notre conseil et notre soci�t� sera mise en faillite� La construction s�est termin�e � notre satisfaction. La raffinerie est entr�e en fonctionnement. Nous avons examin� les justificatifs de JGC. Nous avons abouti sans difficult� � un accord de d�dommagement. Aucune des deux parties n�est sortie bless�e dans l�affaire. Il en est sorti deux soci�t�s amies. Quatorze ans plus tard, dans le cadre du d�mant�lement du secteur de l��nergie et de la pers�cution de ses cadres, Mohamed Mazouni, docteur en sciences physiques, ancien de l�ALN, Vice-pr�sident de Sonatrach et ancien chef du projet de la raffinerie a �t� �invit� � rendre des comptes en �justiciable� sur cette affaire � la Cour des comptes�puis nomm� un an plus tard Ministre de la P�che. Quant � Chemico, c��tait une soci�t� am�ricaine � laquelle nous avions confi� en 1971 la construction � Arzew de l�usine de liqu�faction de gaz GNL1, dans le cadre d�un contrat �cl� en main� au prix de 314 millions de dollars. Trois ans plus tard ses nouveaux dirigeants (la soci�t� venait d��tre rachet�e par Aerojet filiale du groupe General Tire, multinationale qui avait eu maille � partir avec les autorit�s am�ricaines sur une grande affaire de corruption qui avait abouti � la disgr�ce du premier ministre japonais Tanaka) sont venus me voir au printemps 1974 pour r�clamer une rallonge de 70 millions de dollars, alors que le chantier accusait d�j� une ann�e de retard sur le planning pr�visionnel. Soup�onnant ces dirigeants de vouloir exercer une sorte de chantage, nous avons d�p�ch� dans leur si�ge � New York une �quipe de dix experts financiers et ing�nieurs alg�riens pour �plucher toute la comptabilit� du projet. Au cours de leurs investigations nos experts sont tomb�s sur deux paiements, datant de 1970, qui se sont av�r�s porter sur deux commissions, l�une de 2 millions de dollars l�autre de 750 mille dollars, d�guis�es en �contrats de services� au profit de deux soci�t�s pr�te-nom domicili�es en Suisse. Notre relation avec Chemico aussit�t rompue et celle-ci aussit�t renvoy�e du chantier qui fut ensuite confi� � Bechtel, nous avons saisi de l�affaire le tribunal de commerce de New York. Nous avons r�cup�r� en mars 1977 les sommes ind�ment pay�es. Nous avons men� parall�lement une campagne de vaste �chelle aupr�s des autorit�s am�ricaines et de tous nos partenaires pour d�noncer les interm�diaires qui s��taient insinu�s (ou tentaient de s�insinuer) dans nos relations d�affaires. J�ai cit� ces deux exemples pour illustrer le fait que l�environnement bureaucratique hostile affaiblit le bon manager et aggrave ses lacunes, tandis qu�il fournit au mauvais manager des pr�textes pour masquer ses propres faiblesses ou turpitudes. Tout compte fait, c�est notre carence en mati�re de communication int�rieure que j�ai retenue comme le�on principale. Une le�on que j�ai tent� par la suite, de partager avec mes ministres quand je leur demandais de � consacrer une heure de travail � expliquer, pour chaque heure de travail consacr�e � b�tir. Vous construirez deux fois moins mais ce que vous construirez vous survivra. Et ce sera la seule mani�re d�assurer la continuit� � vos r�alisations�. Car rien de durable ne peut �tre fait par un dirigeant public, sans la participation de citoyens se sentant concern�s par ce qu�il fait.
Puisque l�Alg�rie a eu une politique p�troli�re tr�s particuli�re au lendemain de l�ind�pendance, avec le recul, celle-ci, a pu comporter des points faibles ?
La politique p�troli�re a �t� on ne peut plus claire, on ne peut plus en coh�rence avec les choix fondamentaux faits d�s l�ind�pendance, et ce, jusqu�� la disparition de Houari Boumediene. Si vous l��voquez sous les �clairages de la justesse de la vision, de la l�gitimit� des aspirations, du r�alisme des objectifs, de la validit� des choix en mati�re de voies et moyens et de la bonne �valuation des risques, on ne peut d�celer, m�me avec trente et quarante ans de recul, d�autre d�faut que la grosse lacune en mati�re de communication int�rieure. Et sans doute d�in�luctables imperfections de second ordre.  Si on �voque, comme je l�ai fait, la prise en compte des incoh�rences de situation ou de type environnemental, on d�bouche sur la probl�matique de l�action : faut-il attendre que toutes les conditions soient favorablement r�unies pour agir ? Aucun chef d�entreprise, aucun chef politique n�attend pour agir d�avoir en son sac, � la fois �le beurre l�argent du beurre et le sourire de la cr�mi�re�. Ce serait l�inaction en continu. Faut-il agir seulement pour se donner l�impression d�agir ? Ce serait de l�activisme. La politique p�troli�re alg�rienne a �t� l�action bas�e sur la vision � long terme, elle n�a donc jamais �t� de l�activisme. Elle a �t� ruin�e ? Certes et c�est un �chec � coup s�r, mais un �chec qui n�en remet nullement en cause la validit�, au contraire. C�est dans ce sens qu�il faut comprendre la parabole proph�tique bien connue �Celui qui agit et r�ussit obtient deux r�compenses. Celui qui agit et �choue a une seule r�compense�. La politique p�troli�re dont vous parlez a souffert du manque de coh�rence au niveau des politiques sectorielles, au regard de l�ambition proclam�e d�un d�veloppement national int�gr�. Cette distorsion est � l�origine de l�image tenace d�un d�veloppement � deux vitesses, secteur de l��nergie et de l�Industrie d�un c�t�, et autres secteurs �conomiques et sociaux de l�autre c�t�. Je le r�p�te, la perception de Sonatrach qui a pr�valu dans son environnement national a �t� le plus souvent erron�e et injuste. Sonatrach n�a pas �piqu� � les hommes des autres secteurs. Elle les a form�s � la base. Sonatrach a obtenu des financements ext�rieurs parce qu�elle y �tait �ligible. Si elle ne les avait pas eus, ils n�auraient certainement pas �t� pour autant disponibles pour l�agriculture, les barrages, les routes ou les logements ou l��ducation. Non seulement elle n�a pas dissip� des ressources appartenant aux autres secteurs, mais elle en a transf�r� beaucoup � ces derniers, � travers la fourniture sur le plan national de produits p�troliers (carburants, gaz, engrais, plastiques) aux prix les plus bas du monde, � des prix qui �taient parfois inf�rieurs aux co�ts de production. Sans compter que l�essentiel de nos ressources ext�rieures provenait de l��nergie, ce qui, trois fois h�las est toujours le cas trente ans apr�s ! Trente ans durant lesquels on a vainement proclam� �l�av�nement des productions hors hydrocarbures�. Pourquoi vainement? Parce que l�on s�est content� de mots sans songer � mettre des politiques en face. Comme le fait de se satisfaire d��ter le mot ��nergie� du titre du Ministre y aff�rent pour marquer �sa volont� de sortir de la d�pendance de l��nergie�. C�est pour masquer son incurie en mati�re de promotion d�une �conomie fond�e sur la cr�ation de la richesse au sein de l�entreprise que le pouvoir politique chez nous en est arriv� � �pouser la th�se �tonnante du �p�trole mal�diction�.
Avant l�annonce de la d�cision de nationaliser les compagnies p�troli�res �trang�res, vous aviez donc pris des dispositions pr�alables ?

L�ambition de recouvrement des richesses nationales, qui �tait dans toutes les t�tes, passait par la formation d�une capacit� nationale � jouer le r�le des soci�t�s �trang�res dominantes. La nationalisation a �t� pr�par�e par la formation d�hommes et de femmes qualifi�s, la cr�ation des outils nationaux capables de prendre le contr�le de l�exploitation sur le terrain. Elle s�est d�roul�e sur tous les fronts, huit ann�es durant, pour que des Alg�riens deviennent aptes � prendre la place des compagnies �trang�res sur toute la cha�ne. Une ann�e avant les nationalisations, il est possible d�affirmer que les dispositifs en hommes, y inclus des cadres alg�riens exer�ant au sein de compagnies p�troli�res �trang�res, �taient en situation. D�j� les mises sous contr�le des soci�t�s anglosaxonnes, avaient permis de prendre la direction des exploitations de certains gisements p�riph�riques de Hassi- Messaoud, par l�interm�diaire de Commissaires du gouvernement mis en place au lendemain de la guerre des six jours de juin 1967. Enfin, du fait des acquisitions par Sonatrach en �quipements de forage et des soci�t�s de services constitu�es en partenariat, nous �tions d�j� majoritaires dans le volume des services p�troliers. Par la voie de rachats amiables et de nationalisations de soci�t�s anglosaxonnes en 1967-68, tout le r�seau de la distribution nationale de produits p�troliers et d�riv�s �tait sous contr�le direct de Sonatrach. Restait l�exportation de p�trole brut, contr�l�e � plus de 85% par les soci�t�s fran�aises. Nous comptions bien s�r avec l��ventualit� d�une perturbation des recettes ext�rieures du pays suite aux nationalisations : il nous a fallu donc �largir notre client�le. Sonatrach, pour m�moire, avait vendu son premier baril en 1966 � la P�troli�re du Br�sil Petrobras en nous engageant avec de nouveaux acheteurs dans des promesses d�acquisition de vente de quantit�s de p�trole� que nous ne d�tenions pas encore, ni de droit, ni de fait et pour des dates de livraisons qu�il ne nous �tait pas permis de trop pr�ciser ! La campagne commerciale men�e � l�ext�rieur par Sonatrach s��tait sold�e par une somme de contrats de 36 millions de tonnes soit 80% de nos exportations globales. Le pouvoir politique �tait en droit d�attendre une �valuation du risque de manque � gagner sur l�ann�e et Sonatrach a d� s�engager sur un seuil minimum de ventes garanti, qui fut fix� � 30 millions de tonnes, soit les deux tiers de nos exportations globales. Sonatrach s�est engag�e ainsi � ce que, compte tenu des turbulences �ventuelles qui suivraient la d�fection des soci�t�s fran�aises, nos ressources en devises en 1971 ne seraient pas en dessous des deux tiers des rentr�es de 1970. Je peux entendre encore le Pr�sident Boumediene, peu avant le choix de la date fatidique, m�interpeller dans son bureau �Tu confirmes le seuil de 30 Millions de tonnes ?� Je peux encore l�entendre m�appeler directement au t�l�phone, un ou deux mois plus tard, �Ghozali ! Alors o� en �tes vous ? Est-ce que vous ferez les 30 millions de tonnes ? Car si vous ne les faites pas, on te pendra !�� Dit en riant bien s�r. L�ann�e sera, effectivement, boucl�e avec 36 millions de tonnes export�es, soit 80% du volume habituel. C�est pour cela que je suis encore l�, trente six ans apr�s, pour constater avec vous que gr�ce � Dieu, le 31 d�cembre 1971 personne n�aura �t� pendu !
Apr�s le succ�s de la nationalisation des hydrocarbures, Sonatrach s��tait engag�e dans un programme ambitieux d�exportation de gaz vers les USA et l�Allemagne. Le recul historique l�abandon des contrats vis�s, c��tait une mesure sage ou plut�t une faute grave ?
Je laisserai � l�histoire le choix du qualificatif qui convient � l�op�ration qui a conduit � ce recul. Le g�chis qu�il a d�j� provoqu� est en soi suffisamment expressif. En v�rit� c�est bien avant les nationalisations que le programme gazier fut lanc�. Source la plus noble des �nergies fossiles, pour la satisfaction des besoins internes, notamment l�approvisionnement des foyers, la production d��lectricit� et mati�re de base d�excellence pour la p�trochimie, le gaz naturel �tait aussi porteur d�enjeux consid�rables en mati�re de ressources en devises. Hors les Etats-Unis principalement, le march� du gaz naturel, en �tait alors encore � ses d�buts. Au moment o� cette mati�re �tait appel�e � �tre tr�s demand�e, le groupe ex BRPERAP �tait en train d�en st�riliser la vente � l�ext�rieur et de la gaspiller sur le plan int�rieur. Je m�explique : en mati�re d�exportation, le groupe avait d�velopp�, en effet, la th�orie dite du �gaz alg�rien captif�. Cette th�orie visait entre autres � faire des richesses gazi�res alg�riennes des r�serves strat�giques pour le march� fran�ais. A ancrer, dans les esprits, chez nous comme � l��tranger, qu�en d�pit de l�ind�pendance, seules les soci�t�s fran�aises �taient en mesure d�extraire le gaz sur les gisements alg�riens, qu�elles �taient seules � savoir le liqu�fier et le transporter, � pouvoir acc�der au march� fran�ais et � pouvoir construire et financer les �quipements et installations industriels requis. Bref, tout candidat acheteur �tait, selon cette th�orie, assujetti � un passage oblig� par les organismes et le march� fran�ais. Quant � son utilisation, le gaz �tait consid�r� comme �gaz fatal�, c�est � dire un sous-produit in�vitable du p�trole. Int�ress�es d�abord par les gains financiers imm�diats et leur approvisionnement en p�trole brut, les soci�t�s exploitantes fran�aises br�laient sur place ledit gaz fatal, aussi bien sur Hassi Messaoud, que sur Hassi R�mel ! Ainsi, sur le site de ce qui repr�sentait alors un des plus grands gisements de gaz naturel du monde, ce qui les int�ressait c��tait le condensat, un hydrocarbure liquide l�ger tr�s appr�ci� en p�trochimie et m�lang� au gaz � proportion de 10% ; le gaz, soit 90% de la mati�re extraite, �tait d�clar� �fatal� et br�l� en pure perte ! D�o� cette s�rie de torch�res flamboyantes, qui offraient la nuit aux pilotes des courriers transafricains une vue de toute beaut� sur des centaines de miles, mais qui nous choquaient ainsi que nos visiteurs �trangers, techniciens ou politiques, au spectacle d�une dilapidation aussi scandaleuse d�une ressource noble.
Tenons-nous en, � la question, le programme d�exploitation de gaz�
Oui, j�y suis. Mais il faut un �clairage plus large pour s�impr�gner de la r�ponse. Le gaz a �t� le premier objet de nos investissements en actions et en hommes. Si le 3e pipe fut l�exploitation d�une opportunit� de mettre un pied dans la cha�ne p�troli�re, le gaz fut des premi�res priorit�s de la d�marche strat�gique p�troli�re nationale. Sachant l�insatisfaction du gouvernement alg�rien vis-�-vis de l�attitude dilatoire des soci�t�s fran�aises quant � l�application d�un engagement, �crit en annexe des Accords d��vian, et qui portait sur l�achat de 4 milliards de gaz alg�rien, De Gaulle d�p�cha � Alger, fin novembre 1963, Pierre Guillaumat patron du �p�trole d��tat� fran�ais. Celui-ci repartit avec la r�ponse alg�rienne, un �pais m�morandum o� figuraient les exigences alg�riennes concernant, tant le gaz, la fiscalit� p�troli�re, les investissements d�exploration, que la r�solution de l�Alg�rie d��tre op�rateur � part enti�re sur la cha�ne des activit�s p�troli�res. A la suite de cette visite, il fut retenu le principe des n�gociations p�troli�res alg�ro-fran�aise qui allaient s�ouvrir effectivement en mai 1964�un mois apr�s l�institution du dinar alg�rien, en remplacement du Nouveau Franc fran�ais.
Mais il y a eu quand m�me, entre-temps, la Camel ?
Oui une soci�t� franco-anglo-saxonne, constitu�e avant l�ind�pendance aux fins de liqu�fier du gaz de Hassi Mel destin� au Gaz de France GDF et au British Gas. Une quantit� d�un milliard et demi de m3/an, soit moins de 2% des potentialit�s de l�Alg�rie ! Le chantier en avait �t� inaugur� l��t� 1962 et la mise en exploitation deux ans plus tard. En comparaison, la somme des capacit�s lanc�es par Sonatrach � Arzew GNL 1 et 2 et � Skikda faisait 30 milliards de m3/an, presque trente fois plus.Je saisis cette occasion pour �voquer la m�moire de l�un de nos a�n�s Abdelkader Chanderli qui, avant d��tre la premier pr�sident alg�rien de la Camel, fut un grand journaliste et, pendant la guerre de lib�ration nationale sur la place onusienne de New York, aux c�t�s, notamment de M�hamed Yazid, Ministre de l�Information du GPRA, a fait partie de ceux qui ont �t� les brillants communicateurs sur la sc�ne politique internationale de la cause de l�ind�pendance alg�rienne.
M. C. M.
(A suivre)

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