Actualit�s : ACC�S AUX SOURCES ET LIBERTE DE LA PRESSE
La France, en retard par rapport � l'Europe, creuse encore le foss�
De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed


La libert� de la presse est en recul � travers l�Europe et au palmar�s de ce recul, la France (avec l�Italie) tient une place peu enviable. Le constat a �t� fait par des journalistes, animateurs de la campagne �Libert� d�informer� (lanc�e en 2004) qui ont, par ailleurs, pr�sent� la semaine derni�re, lors d�une conf�rence de presse � Paris, les grandes lignes du rapport �Goodbye to Freedom*� qui dresse un �tat des lieux dans 20 pays d�Europe et met en �vidence �les pressions de plus en plus fortes sur la libert� des m�dias�.
Le tr�s mauvais classement de la France tient � deux situations in�dites, ont expliqu� les intervenants : d�abord, la concentration de nombreux m�dias entre les mains d�un petit groupe d�industriels, qui plus est, sont dans leur majorit� �amis ou tr�s proches� du plus haut niveau du pouvoir. Nulle part ailleurs une telle concentration et connivence d�int�r�ts ne s�observent. En France, en effet (nous l�avions d�j� �voqu� lors d�une de nos pr�c�dentes �ditions), Marin Bouygues, parrain du fils de Nicolas Sarkozy, d�tient TF1, LCI, Eurosport et par ailleurs, il a de fortes participations dans le quotidien gratuit M�tro, dans TMC et RTL. Arnaud Lagard�re, autre industriel qui d�crit Nicolas Sarkozy comme �son fr�re�, est propri�taire de Paris Match, le Journal du Dimanche, Elle, T�l� 7 Jours, Ici Paris, Entrevue, La Provence, Marseille Plus, Nice Matin, Europe 1 et Europe 2, et MCM. Il d�tient par ailleurs des participations dans le journal Le Monde et dans Le Parisien, ce dernier �tant aussi un des op�rateurs des NMPP (nouvelles messageries de la presse parisienne). Vincent Bollor�, autre grand ami du pr�sident, est le patron de Direct Soir et Matin plus(deux journaux gratuits) dans la cha�ne M6, il est l�un des principaux actionnaires. Il est, par ailleurs, propri�taire du groupe publicitaire Havas et de l�institut de sondage CSA. Quant � Bernard Arnault, t�moin de mariage de Sarkozy (avec C�cilia), les �chos, la revue Investir et Radio Classique sont ses propri�t�s. Avec de telles concentrations et de telles proximit�s avec le pouvoir en place, la pression sur les m�dias et les injonctions sont in�vitables comme il est difficile d�exiger que les journalistes qui travaillent dans ces m�dias ne fassent pas de l�autocensure, d�autant que pour les seuls derniers mois, 15 proc�s de presse ont �t� intent�s dans l�Hexagone. En second lieu, l�absence de libert� d�acc�s aux sources d�information, base de toute libert� de l�homme et condition premi�re pour exercer le m�tier de journaliste, constitue, aujourd�hui en France, un obstacle et une entrave majeure au travail du journaliste. Ce droit d�acc�s r�glement� jusque-l� par un texte de loi de 1979, dont le contenu �tait d�j� plus restrictif par rapport aux textes des voisins europ�ens, vient d��tre encore fortement entrav� par des dispositions plus restrictives encore. Apr�s la tentative des s�nateurs de rendre inaccessibles les archives publiques pendant 75 ans, l'Assembl�e nationale devant laquelle ce texte a �t� pr�sent� a adopt�, mercredi dernier, de nouvelles dispositions cens�es �tre �quilibr�es, mais qui gardent en fin de compte les archives publiques inaccessibles pendant 50 ans. Par ailleurs, le texte qui vient d��tre adopt� fixe � cent ans �l�incommunicabilit� des archives susceptibles de mettre en cause la s�curit� des personnes�. L�opposition de gauche (PS, PC et Verts), qui a vot� contre, consid�re que ce sont des �textes tr�s dangereux qui visent � cultiver le secret�. Depuis janvier dernier, de nombreuses voix �manant d�historiens, chercheurs, archivistes, g�n�alogistes, se sont �lev�es pour �d�noncer une grave atteinte � la libert� d��criture et � la recherche historique�. L�association �Libert� d�informer � en a fait de m�me et sa p�tition a r�uni � ce jour plus de 6 000 signatures. Manifestement la France, par le biais de ces dispositions sur les archives, consolide le m�canisme d�autoprotection de l�administration qui, dans certains cas, peut avoir pour finalit� la protection de certains crimes d�Etat et couvrir certains fonctionnaires qui se sont compromis dans des crimes nazis et pendant la guerre d�Alg�rie. Il en a �t� ainsi, par exemple, avec les crimes commis � Paris sur les Alg�riens le 17 octobre 1961. L�on se rappelle qu�il a fallu que deux archivistes de la ville de Paris t�moignent devant un tribunal avoir vu des documents top secrets faisant la preuve que sous les ordres de Papon la r�pression des Alg�riens avait fait, ce funeste 17 octobre 1961, au moins 89 morts, pour d�mentir aux yeux de l�opinion la version officielle qui s�en tenait jusque-l� � 1 mort. L�on se souvient, aussi, que les deux archivistes ont eu les pires probl�mes apr�s ces t�moignages. Les nouveaux textes qui viennent d��tre adopt�s par l�Assembl�e, et que le gouvernement a tent� de pr�senter comme �quilibr�s, continuent d��tre marqu�s par la culture du secret d�Etat au nom duquel la v�ritable histoire de la France est occult�e et l�investigation journalistique continuera � �tre emp�ch�e.
* Le rapport �Goodbye to Freedom�, qui porte sur 22 pays europ�ens, est disponible en anglais sur www.ajefrance. com et sa version fran�aise est en cours de traduction.
K. B.-A.

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