
Culture : Ben Mohamed, poète et parolier, rencontre ses admirateurs
La poésie et la chanson en direct trouvent toujours une bonne audience auprès du public ; les moyens modernes de médiation ne parviennent pas, contrairement à ce que l’on pense à première vue, à couper le lien affectif et la communication émotionnelle directe et vivante entre les auteurs — poètes, musiciens et chanteurs entre autres — et leurs fans. Radio, télévision, K7, CD, DVD, internet et autres moyens de diffusion culturelle multiplient et individualisent le message culturel, ils entretiennent l’affection et l’émotion à distance mais ne remplacent pas le lien direct, l’échange interactif entre l’émetteur et le récepteur qui donne à ses sentiments leur intensité maximale et conviviale. L’assistance, très nombreuse, qui accueillait pour la première fois ce jeudi 1er mai le poète Ben Mohamed, invité de Slimane Belharet, à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, donne effectivement à penser que le spectacle n’est pas mort, la poésie déclamée et la chanson interprétée en direct demeurent recherchées par le public en quête de d’échange et de communion. Le poète Ben Mohamed et le musicien compositeur Medjahed Hamid, qui ont eu droit, lundi 28 avril et jeudi 1er mai, à un accueil très chaleureux du public tizi-ouzien sont, en effet, des artistes de renommée à travers les ondes de la Chaîne II, mais si peu connus et approchés physiquement qu’ils peuvent circuler incognito. Ils ne sont que des voix certes familières mais sans image, des paroles, des notes musicales, des idées et des sentiments sans portrait, ce complément physique et humain qui enrobe les sentiments de sympathie que l’on éprouve en les écoutant,à travers les ondes. La rencontre qu’anime régulièrement Slimane Belharet, professeur du secondaire, animateur talentueux et poète de valeur, si l’on juge d’après le poème dédié à la femme déclamé à la même occasion, s’avère une occasion en or pour les artistes qui se succèdent ces derniers temps à la Maison de la culture et pour le public connaisseur friand de musique et de poésie de se connaître et de s’apprécier davantage. Les deux derniers artistes, hôtes de la ville des Genêts, ont beaucoup de choses en commun, animateurs d’émissions à la Chaîne II, où ils firent leurs débuts la même année en1969, et qu’ils quittèrent en même temps. L’art n’a jamais été pour eux un moyen de vivre — ils ont d’autres sources de revenus —mais un moyen d’expression, une façon de vivre leur temps, leur société et leurs relations avec leurs concitoyens. Chassés par la bêtise humaine, Medjahed quitte la radio abandonnant à leur sort et non sans regret «les chanteurs de demain», Ben Mohamed fit la même chose au profit de l’exil à l’instar de beaucoup d’artistes et d’intellectuels. Signe du destin commun, ils sont reçus au cours de la même semaine à la Maison de la culture où ils connurent le même succès à la surprise générale. Leurs prestations également appréciées furent illustrées par d’éloquents témoignages et de cocasses anecdotes sur les obstacles qui ont jalonné leur parcours d’artistes et qui les ont grandis dans l’estime des auditeurs et locuteurs très nombreux au sein de la grande salle de spectacle parmi lesquels se comptaient plusieurs personnalités du monde culturel et artistique. Ils ont tous les deux une armée de disciples, dans la musique et la chanson s’agissant de Medjahed, dans la poésie pour ce qui concerne Ben Mohamed qui a eu visiblement le plaisir de retrouver Hadjira Oubachir qu’il mit en contact avec le groupe Djurdjura et de découvrir avec l’assistance le duo des Aït Slimane, l’étudiant Sadi Kaci, Mme Aberkane, enseignante, et Slimane Belharet promettant tous de marquer, chacun dans son style, les annales de la poésie kabyle. B. T.
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