Actualit�s : Paroles d�experts
MICHEL VAUZELLE (ANCIEN MINISTRE FRAN�AIS)* :
�Nous avons besoin d�un r��quilibrage�
PIERRE RAZOUX (RESPONSABLE AU COLL�GE DE D�FENSE DE L�OTAN) :
�Il faut �tre pragmatique�
BENITA FERRERO-WALDNER (COMMISSION EUROP�ENNE)* :
�C�est un projet en �volution�
En compl�ment � l�entretien du mois consacr� � Henri Guaino qui est
en charge, � l��lys�e, le palais pr�sidentiel fran�ais, du projet qui
retient notre attention, Le Soir d�Alg�rie a recueilli le t�moignage de
Benita Ferero Waldner, la commissaire europ�enne aux relations
ext�rieures qui expose de mani�re tr�s orthodoxe le point de vue de la
Commission europ�enne et celui de Michel Vauzelle, fortement impliqu� en
sa qualit� de pr�sident d�une r�gion fran�aise � vocation
m�diterran�enne, la r�gion PACA qui semble sceptique sur la d�marche
actuelle, m�me s�il partage l�esprit novateur et ambitieux, qui �tait la
sienne au d�part. Ce sera la premi�re partie du dossier que nous avons
pr�par�. Le Soir d�Alg�rie a recueilli, �galement, l�avis d��minents
experts tant europ�ens qu�arabes � propos de cette probl�matique,
d�sormais r�currente, de la construction d�un espace euro-m�diterran�en
distinctif. Ce sera la deuxi�me partie du dossier. Voulant aller plus
loin dans l�examen de ce projet, Le Soir d�Alg�rie s�est interrog� sur
les liens pouvant exister avec les politiques des USA et de l�OTAN dans
la r�gion m�diterran�enne. Il a sollicit�, � cette fin, l�avis du
d�partement d�Etat am�ricain et celui d�un expert r�put� des questions
strat�giques. Ce sera la troisi�me partie du dossier. Dans l��dition de
demain, notre collaborateur Mohamed Chafik Mesbah, dans une contribution
assez caustique, recense les espoirs que peut soulever ce projet puis
identifie les attentes des opinions publiques de la rive sud de la
M�diterran�e non sans mettre en exergue leur scepticisme apparent.
Naturellement, Le Soir d�Alg�rie, qui pr�sente ce large panorama de
points de vue ne pr�tend pas �puiser un th�me � peine prospect�. C�est
apr�s le sommet de Paris qu�il sera possible de v�rifier si cette
matrice m�diterran�enne constitue bien, d�sormais, une dimension
essentielle de la politique ext�rieure de la France et de l�Europe, ou
bien qu�elle aura juste fourni le pr�texte d�un feu d�artifice un peu
plus vari� pour le 14 juillet de cette ann�e.
MICHEL VAUZELLE (ANCIEN MINISTRE FRAN�AIS)* :
�Nous avons besoin d�un r��quilibrage�
Dossier r�alis� par
Mohamed-Chafik Mesbah
Le Soir d�Alg�rie : Pour la R�gion PACA que vous pr�sidez,
l�espace m�diterran�en comme pont entre les deux rives de la mer, c�est
une r�alit� palpable ?
Michel Vauzelle : La M�diterran�e nous unit, nous rapproche. Nous ne
sommes pas, comme on dit � Bruxelles, dans une situation de �voisinage �
par rapport aux pays du sud de la M�diterran�e, mais nous cohabitons au
sein du m�me espace. Une partie de la R�gion que je pr�side est compos�e
de Fran�ais originaires d�Alg�rie, du Maroc et de Tunisie, mais aussi
d�Italie, d�Espagne, de Gr�ce, ou d�Alg�riens, Marocains et Tunisiens
qui travaillent en Provence-Alpes-C�te d�Azur et y vivent en situation
r�guli�re. De nombreuses familles ont des attaches de part et d�autre de
la M�diterran�e. Nous partageons une communaut� de destin. En m�me
temps, nous voyons que l��cart tend � s�approfondir entre les deux
rives. Un tel �cart peut provoquer des tensions qu�il nous faut d�autant
plus r�duire que nous avons tant en commun.
Vous appartenez � l�opposition socialiste et vous occupez une place
significative dans l��chiquier politique fran�ais. Consid�rez-vous qu�il
existe un consensus interne autour du projet lanc� par le pr�sident
Sarkozy ? Je me suis toujours d�fi� de la politique politicienne et
elle a encore moins de mise dans le domaine international. Je demande
depuis des ann�es que la France et l�Union europ�enne aient une grande
politique m�diterran�enne. Je d�plore, depuis des ann�es, que l�Europe
d�laisse la M�diterran�e. Certes, on ne peut pas dire que rien n�est
fait, mais la M�diterran�e m�rite plus parce qu�elle est essentielle �
l�avenir de l�Europe. La M�diterran�e demande surtout � �tre consid�r�e
autrement, avec plus de respect, plus de dialogue. Alors, vais-je
critiquer l�initiative du pr�sident de la R�publique parce qu�il est de
droite et que je suis socialiste, d�s lors qu�il vise � remettre la
M�diterran�e au centre de la politique de la France et de l�Europe ? Je
m�en r�jouis. Cela ne veut pas dire que je suis d�accord sur tous les
aspects de cette initiative dont le contenu, longtemps ind�cis, a
d�ailleurs vari� avec le temps et a �t� revu et corrig� par la
Commission europ�enne. J�ai moi-m�me, pour le compte de la CRPM
(Conf�rence des r�gions p�riph�riques maritimes) �labor� un rapport pour
une nouvelle gouvernance en M�diterran�e qui contient un certain nombre
de propositions et que j�ai remis au pr�sident de la R�publique comme au
pr�sident de la Commission europ�enne. Mon point de vue est que le
partenariat euro-m�diterran�en doit �tre refond� et que l�initiative
fran�aise pouvait en �tre l�occasion. C�est pour cela que, dans ma
r�gion, dans les milieux socio�conomiques notamment, et plus largement
en France, il y a eu un int�r�t pour l�Union pour la M�diterran�e, non
pas tant pour un contenu qui restait flou, que pour la volont� de
reconna�tre la M�diterran�e comme un espace unique. Cela dit, je
regrette le manque de concertation avec les autres pays europ�ens et les
pays du sud de la M�diterran�e. Ils auraient d� �tre consult�s avant que
l�id�e ne soit lanc�e, de mani�re � ce qu�elle soit port�e par tous.
Est-il juste d��noncer, d�sormais, que le projet dit �Processus de
Barcelone : Union pour la M�diterran�e� est un projet moins fran�ais
qu�europ�en ?
D�s le d�part, la proposition fran�aise impliquait les pays du sud de
l�Europe. Ces pays sont membres de l�Union europ�enne. Pouvaient-ils
s�engager ind�pendamment de l�Union europ�enne ? La question ne pouvait
�tre discut�e qu�au niveau europ�en. En outre, la M�diterran�e doit �tre
une pr�occupation de tous les pays europ�ens, pas seulement des pays
europ�ens riverains de la M�diterran�e, m�me si ceuxci, naturellement,
sont plus concern�s. Il faut faire attention � ne pas diviser l�Europe.
Mais il ne faut pas que nous revenions aux insuffisances du Processus de
Barcelone. C�est pour cela qu�en avril j�ai publi� un appel pour la
M�diterran�e. Avec le sommet des chefs d�Etat de l�Europe et de la
M�diterran�e, le 13 juillet � Paris, nous devrions �tre fix�s sur la
volont� des uns et des autres.
Selon vous, les pays europ�ens qui ont contest� la premi�re version du
projet, c�est-�-dire la version fran�aise, �taient guid�s par le souci
r�el de donner � cette d�marche m�diterran�enne un souffle nouveau ou,
plut�t, �taient-ils guid�s par la crainte de voir la France faire
cavalier seul ?
Vous �tes un observateur avis� de la politique fran�aise et europ�enne
et vous avez bien compris qu�existait cette crainte de la France faisant
effectivement cavalier seul. Cela a �t� la crainte des Espagnols tr�s
attach�s � la poursuite du Processus de Barcelone qui, m�me si tous les
objectifs n�ont pas �t� atteints, repr�sente un certain nombre
d�avanc�es et ses objectifs doivent demeurer. Il y a eu la crainte de
l�Allemagne et d�autres pays du nord et de l�est, que l�initiative
fran�aise sorte du cadre europ�en. Plus profond�ment, la proposition
fran�aise allait � l�encontre d�une politique europ�enne plus pr�occup�e
par l�est de l�Europe que par le sud de la M�diterran�e. Mon avis est
que nous avons besoin d�un certain r��quilibrage et que ce n�est pas
parce que le sud de la M�diterran�e n�est pas en Europe qu�il doit
exister un tel diff�rentiel dans l�action europ�enne entre sa partie
orientale et la M�diterran�e.
En vous basant sur l�exp�rience de la R�gion PACA, vous d�finiriez quels
axes majeurs pour une coop�ration sp�cifique � l�espace m�diterran�en
?
L�exp�rience de la R�gion Provence-Alpes-C�te d'Azur est surtout celle
de la coop�ration d�centralis�e bilat�rale. Nous avons des accords de
coop�ration avec des territoires de pays de tout le pourtour
m�diterran�en. Aujourd�hui, il est imp�ratif de r�pondre aux urgences
�conomiques, sociales, environnementales, culturelles et politiques de
la M�diterran�e. La premi�re question est celle de l�emploi (tout
particuli�rement pour la jeunesse du sud de la M�diterran�e) et du
d�veloppement durable. A cet �gard, nous avons besoin d�un plan pour la
M�diterran�e, d�une politique du type de celle des fonds structurels
europ�ens. Il est n�cessaire de promouvoir une politique territoriale du
d�veloppement, bas�e sur les capacit�s endog�nes des territoires,
f�d�rant les acteurs socio�conomiques, les entreprises, la recherche, la
formation. Pour y parvenir, il est n�cessaire de coordonner la
coop�ration en M�diterran�e et de favoriser une coop�ration � plusieurs
niveaux permettant d�associer les autorit�s r�gionales et locales, les
Etats, l�Union europ�enne, les agences internationales et les bailleurs
de fonds internationaux, dans le cadre d�une nouvelle gouvernance.
Selon vous, quelles seraient les am�liorations que ce projet d�Union
pour la M�diterran�e pourrait apporter � la politique suivie par l�Union
europ�enne dans les domaines de la circulation des personnes et de
l��change du savoir et des connaissances ?
Le projet d�Union pour la M�diterran�e, tel qu�il est pr�sent� dans
la communication de l�Union europ�enne, d�finit quatre secteurs : les
autoroutes de la mer, la d�pollution de la mer, l��nergie solaire, la
protection civile. Ce sont des chantiers tr�s importants. Je regrette
cependant que cette logique de projets ne s�inscrive dans une vision
strat�gique reposant sur une r�elle volont� de convergence territoriale
et sociale. Quant � la question de la circulation des personnes, elle
doit �tre revue en fonction des objectifs d��changes �conomiques et
commerciaux, de formation, d��ducation, de recherche. La politique de
l�immigration doit �tre appr�hend�e sur la base de l�int�r�t �conomique
mutuel et dans le respect de la dignit�, de la s�curit� des personnes et
de leurs droits. Une Europe forteresse conduirait au d�clin de l�Europe
tout en la coupant de ses valeurs. Il n�existe pas de murs suffisamment
hauts pour emp�cher les migrations. L�histoire nous l�enseigne, du mur
d�Hadrien au mur en construction entre le Mexique et les Etats-Unis.
Nous avons trop de murs dans le monde ! L�Europe a besoin de la
M�diterran�e comme la M�diterran�e a besoin de l�Europe.
Vous ne voyez pas de chevauchement entre ce projet et le processus de
Barcelone, � moins qu�il n�en soit un pur prolongement ? Les
n�gociations entre Etats membres et avec la Commission europ�enne
assimilent Union pour la M�diterran�e et Processus de Barcelone. Ce
qu�apporte l�Union pour la M�diterran�e est une double pr�sidence, nord
et sud, avec un comit� mixte nord-sud. C�est une avanc�e. Sera-t-elle
suffisante pour relancer le Processus de Barcelone ? Cela d�pendra
notamment de qui exercera cette premi�re pr�sidence pour le nord et pour
le sud.
Revenons aux aspects concrets du projet. Si l�Union europ�enne continue
de rechigner � d�lier les cordons de la bourse, comment financer les
projets envisag�s par l�Union pour la M�diterran�e ? Financer les
projets par les pays de la rive sud eux-m�mes ?
Vous mettez le doigt sur un point essentiel. Aucun financement nouveau,
aucun financement suppl�mentaire n�est pr�vu d�ici � 2013, puisque,
comme vous le savez, le budget europ�en pour la p�riode 2007-2013 a d�j�
�t� arr�t�, m�me si des ajustements interviennent � mi-parcours.
Cependant, certains de ces projets comme la d�pollution de la
M�diterran�e sont d�j� financ�s, parce que ce n�est pas un projet
nouveau, mais l�on sait bien que les financements actuellement pr�vus
sont insuffisants. La commissaire europ�enne pour les relations
ext�rieures, M. Benita Ferrero-Waldner, que j�ai rencontr�e il y a
quelques jours, parle de rechercher des financements priv�s et des
institutions internationales comme la Banque mondiale.
L�Union pour la M�diterran�e devrait, selon vous, contourner ou aborder
de front les obstacles majeurs qui ont d�j� entrav� le Processus de
Barcelone, en particulier le conflit du Proche- Orient ?
L�Europe a beaucoup de mal � avoir une position commune sur des sujets
internationaux aigus, comme le conflit du Proche-Orient, parce que les
Etats ne sont pas d�accord entre eux. Cela n�emp�che pas l�Europe de
continuer � apporter son aide au peuple palestinien, en Cisjordanie
comme dans la bande de Gaza. Les r�gions, les autorit�s r�gionales et
locales, n�abordent pas, elles, dans leurs actions de coop�ration, ces
sujets qui f�chent. Elles d�veloppent des coop�rations et des relations
d�amiti� et de solidarit�. Je ne dis pas que les r�gions sont la r�ponse
� toutes les questions, mais si les r�gions sont mieux associ�es aux
institutions du partenariat euro-m�diterran�en, notamment en ce qui
concerne les probl�matiques du d�veloppement pour lesquelles elles ont
de larges comp�tences, nous pouvons, malgr� tout, permettre des avanc�es
significatives. Pendant les conflits, quand le dialogue entre Etats est
difficile, la coop�ration d�centralis�e continue, de peuple � peuple, de
r�gion � r�gion, de ville � ville. Il y a l� une source d�esp�rance.
Les opinions publiques de la rive sud de la M�diterran�e, justement,
semblent circonspectes vis-�-vis d�un projet qu�elles soup�onnent de
vouloir introduire subrepticement � c�est-�-dire sans r�elle
contrepartie � Isra�l, comme partenaire naturel au sein de cet ensemble
g�opolitique important. Ces craintes vous paraissent-elles fond�es ?
La question du format de l�Union pour la M�diterran�e a �t� pos�e d�s le
d�part et il y a eu, sur ce sujet, une certaine fluctuation de la
position fran�aise. L�Union de la M�diterran�e devait-elle regrouper
tous les pays riverains de la M�diterran�e, y compris ceux de l�ancienne
Yougoslavie ? Devait-elle, pour �viter le probl�me, contourner les pays
concern�s par le conflit du Proche-Orient ? Devait-elle se r�duire, dans
un premier temps, au groupe des pays du 5 + 5 ? Finalement, vous le
savez, la Commission europ�enne a obtenu que l�Union pour la
M�diterran�e recouvre les pays du Processus de Barcelone.
Le projet, justement, semble faire l�impasse totale sur ces opinions
publiques de la rive sud de la M�diterran�e, puisque les soci�t�s
civiles sont, quasiment, absentes dans la d�marche qui est entam�e.
Je ne suis pas forc�ment le mieux plac� pour me faire l�avocat d�un
projet qui n�est pas le mien, dont j�ai soutenu essentiellement le fait
qu�il replace la M�diterran�e dans le d�bat europ�en, mais un projet
qui, au fur et � mesure des discussions, a �t� remodel� et a perdu de sa
port�e. Les autorit�s r�gionales et locales de la M�diterran�e n�ont pas
�t� associ�es directement � ces discussions. Elles ont tenu leur premier
forum � Marseille les 22 et 23 juin, avec le soutien du minist�re
fran�ais des Affaires �trang�res et du Comit� des r�gions. Trente-trois
pays de la M�diterran�e et de l�Europe �taient repr�sent�s. Les
autorit�s r�gionales et locales ont fait des propositions qui seront
remises aux chefs d�Etat et de gouvernement le 13 juillet. Elles
r�clament justement que les autorit�s r�gionales et locales soient mieux
associ�es aux institutions du partenariat euro-m�diterran�en. Les
r�gions travaillent quotidiennement avec la soci�t� civile dans leurs
actions de coop�ration internationale, mais savez-vous que, jusqu��
aujourd�hui, les ONG (organisations non gouvernementales) sont
quelquefois mieux reconnues par les institutions europ�ennes et
internationales que les gouvernements r�gionaux ? Cela commence �
changer notamment depuis mars 2007, depuis la premi�re conf�rence pour
une approche territoriale du d�veloppement que j�ai accueillie �
Marseille avec la Conf�rence des r�gions p�riph�riques maritimes et le
Programme des Nations unies pour le d�veloppement, et dont la 2e �dition
vient de se tenir � Tanger. A Marseille a �t� cr��e une association des
associations de r�gions du monde qui contribue � faire reconna�tre les
r�gions comme interlocuteurs � part enti�re et comme acteurs privil�gi�s
du d�veloppement.
Vous consid�rez que l�exp�rience accumul�e par la R�gion
Provence-Alpes-C�te d'Azur plaide pour la r�alisation de ce projet
euro-m�diterran�en. Vous consid�rez bien que la construction de cet
ensemble euro-m�diterran�en constitue un projet viable.
La construction d�un espace euro-m�diterran�en de prosp�rit� prot�g�e,
de solidarit�, de s�curit� est indispensable � l�avenir de la
M�diterran�e et � la paix. Les peuples du sud de la M�diterran�e sont
des peuples fiers, tout comme nous le sommes. Ils doivent �tre
respect�s. Leur souverainet� nationale doit �tre respect�e. Nous ne
pouvons laisser se creuser aux portes de l�Europe un foss� destructeur
pour les uns et pour les autres. L�Europe en laquelle je crois, si
l�Europe veut exister dans le contexte de la mondialisation, est une
Europe bien inscrite dans son environnement, qui �change et entretient
des liens privil�gi�s avec les pays de sa proximit� et, en premier lieu,
ceux de la M�diterran�e. Il ne s�agit pas tant d�exporter des valeurs ou
des r�glements, que de travailler ensemble � r�duire les in�galit�s, la
pauvret�, les injustices sociales. En tant qu�Europ�en et M�diterran�en,
je suis pour une nouvelle alliance entre l�Europe et la M�diterran�e
pour la paix, l�emploi et le d�veloppement durable.
M. C. M. *
Michel Vauzelle est un ancien ministre du pr�sident Mitterrand. D�put�
et pr�sident socialiste de la r�gion Provence- Alpes-C�te d�Azur depuis
1988, il pr�side l�Euror�gion Alpes �M�diterran�e.
PIERRE RAZOUX (RESPONSABLE AU COLL�GE DE D�FENSE DE L�OTAN) :
�Il faut �tre pragmatique�
Quelle compl�mentarit� ou quel antagonisme distinguez-vous entre le
Dialogue m�diterran�en initi� par l�OTAN et l�Union pour la M�diterran�e
endoss� par l�Union europ�enne ?
Le Dialogue m�diterran�en engag� par l'OTAN avec sept des pays
m�diterran�ens peut �tre compl�mentaire du projet d'Union pour la
M�diterran�e qui a �t� endoss� par l'Union europ�enne. Il est vrai que
la multiplicit� des initiatives politiques instituant des cadres de
coop�ration distincts en M�diterran�e (Dialogue m�diterran�en de l'OTAN,
Processus de Barcelone de l'UE rehauss� du projet d'Union pour la
M�diterran�e, Groupe de contact m�diterran�en de l'OSCE, 5+5...) accro�t
la perplexit� des Etats partenaires, notamment de l'Alg�rie impliqu�e
dans l'ensemble des partenariats. N�anmoins, la coop�ration est non
seulement utile entre l'OTAN et l'UE, mais elle est plus que jamais
indispensable, compte tenu des nombreux d�fis qui nous attendent tous en
M�diterran�e et qui ne se r�sument pas qu'aux seuls aspects
s�curitaires. �Hard power� et �Soft power� devront de plus en plus
travailler main dans la main, comme en t�moignent les nombreux chantiers
entrepris dans le champ de ce que les technocrates occidentaux nomment �comprehensive
approach�. Cette coop�ration plus active entre l'OTAN et l'UE, dont
chacun est en train de mesurer l'urgence, va permettre d'accro�tre les
synergies pour mieux rentabiliser les investissements consentis, �vitant
par l� m�me les duplications inutiles et les rivalit�s
contre-productives. A l�inverse, le refus de coop�ration entre les deux
organisations n�est pas sans risques. Les pays membres du Dialogue
m�diterran�en et du Processus de Barcelone ne comprennent pas la
rivalit� entre les deux organisations et aspirent � la coordination des
offres de coop�ration qui leurs sont propos�es. Ils interpr�tent
l�absence de coordination actuelle comme une preuve de faiblesse des
Europ�ens et comme un signe h�g�monique des Am�ricains. Pour eux, il est
clair que l�absence de dialogue triangulaire avec l�OTAN et l�UE ne peut
qu�aboutir � l�essoufflement des partenariats et � la d�gradation de
l�image de ces deux organisations. Le maintien d�une rivalit� entre
elles semble d�autant plus d�pass�, voire n�faste, que se profilent d�j�
deux nouveaux acteurs, la Russie et la Chine, bien d�cid�s � jouer un
r�le important dans la r�gion et dont les int�r�ts et les valeurs ne
convergent pas forc�ment avec ceux des pays arabes et occidentaux. La
coop�ration entre les deux organisations serait d�autant plus b�n�fique
que l�UE est per�ue en Afrique du Nord et au Moyen-Orient comme un
interm�diaire impartial, ce qui lui permet de v�hiculer plus ais�ment
les valeurs communes de l�Occident. Mais pour agir ensemble efficacement
dans cette r�gion, l�OTAN et l�UE doivent s�entendre sur une �vision
commune pour la M�diterran�e� qui leur permette de mieux coordonner
leurs efforts afin de pouvoir identifier d��ventuels champs de
coop�ration. Pour y parvenir, ces deux organisations doivent
s�affranchir des st�r�otypes, s�efforcer de comprendre l�autre sans lui
imposer un mod�le pr�con�u, penser �r�gionalement� et non pas
�globalement�, tout en pr�servant leurs sp�cificit�s et leurs
savoir-faire respectifs. Elles ne doivent donc probablement pas chercher
� d�finir un partage rigide des t�ches, mais plut�t r�fl�chir comment
instituer un partenariat �gagnantgagnant �, qui puisse faire �cole
ailleurs. Il leur faut de toute urgence instituer des contacts plus
r�guliers entre elles pour leur permettre, d�une part, de mieux se
conna�tre, d�autre part de d�finir des champs d�action communs. De
l�avis des parties concern�es, une chose est s�re : la coop�ration entre
l�OTAN et l�UE, tout particuli�rement en M�diterran�e, devra �tre
pragmatique, r�pondre � des attentes concr�tes et avoir un impact
visible aupr�s des opinions publiques.
M. C. M.
BENITA FERRERO-WALDNER (COMMISSION EUROP�ENNE)* :
�C�est un projet en �volution�
Est-il juste d��noncer, d�sormais, que le projet dit �Processus de
Barcelone, Union pour la M�diterran�e� est moins un projet fran�ais
qu�un projet europ�en ?
Il s�agit d�une initiative � l�origine fran�aise qui est devenue un
projet euro-m�diterran�en. L�Europe s�est engag�e pleinement dans un
projet qui refl�te une ambition commune de renforcer le partenariat avec
nos voisins m�diterran�ens. Les propositions faites par la Commission en
transformant la demande du Conseil europ�en en mars sont le r�sultat
d�un processus de consultation avec tous les partenaires et constituent
la base des discussions en vue d�un accord au sommet de Paris.
Selon vous, les pays europ�ens qui ont contest� la premi�re version du
projet, c'est-�-dire la version fran�aise, �taient guid�s par le souci
r�el de donner � cette d�marche m�diterran�enne un souffle nouveau ou,
plut�t, �taient-ils guid�s par la crainte de voir la France faire
cavalier seul ?
Les relations avec la M�diterran�e int�ressent tous les Etats membres de
l�Union europ�enne. C�est avec ce souci que nous avons abord� certaines
propositions initiales. Notre objectif commun est de consolider nos
relations multilat�rales, augmenter l�appropriation du processus par nos
partenaires et le rendre plus visible pour les citoyens.
Quels sont les fondements que vous voyez � un projet europ�en sp�cifique
pour un espace m�diterran�en ?
Comme j�ai d�j� soulign�, il ne s�agit pas d�un projet
sp�cifiquement europ�en. Les fondements de cette initiative sont �
chercher dans le cadre multilat�ral du Processus de Barcelone qui
constitue l'instrument central des relations euro-m�diterran�ennes
depuis 1995. La nouvelle initiative s'appuie sur les �l�ments qui ont
bien fonctionn� dans le processus de Barcelone et envisage de les
renforcer.
Au point o� nous en sommes, quelle est la configuration finale de ce
projet en termes diplomatiques, d�institutions et de chantiers majeurs
de coop�ration ?
Puisque la configuration finale est actuellement en discussion avec tous
nos partenaires, je ne voudrais pas, � ce stade, m�avancer sur les
d�cisions qui seront prises par les chefs d�Etat et de gouvernement. Le
sommet du 13 juillet 2008 devra arr�ter un accord sur la configuration
institutionnelle du projet mais les consultations que nous avons
entreprises jusqu�� pr�sent indiquent que nous avan�ons vers un
consensus sur la base des quatre propositions faites par la Commission
le 20 mai : la tenue de sommets tous les deux ans ; une copr�sidence ;
un comit� conjoint pour une gouvernance plus partenariale et un
secr�tariat pour la promotion de grands projets r�gionaux.
Vous ne voyez pas de chevauchement entre ce projet et le processus de
Barcelone � moins qu�il n�en soit juste le prolongement ainsi que la
politique de bon voisinage initi� par l�Union Europ�enne ?
Comme je l�ai d�j� soulign�, le Processus de Barcelone, ses objectifs et
ses acquis restent d'actualit� et les trois chapitres sur lesquels porte
la coop�ration (dialogue politique, coop�ration �conomique et
libre-�change, et dialogue humain, social et culturel) resteront au
centre des relations euro-m�diterran�ennes. La nouvelle initiative
imprimera un nouvel �lan � ce processus. En ce qui concerne la Politique
europ�enne de voisinage, il s�agit essentiellement d�un cadre de
coop�ration bilat�rale, tandis que le Processus de Barcelone est une
enceinte multilat�rale. Mais il est clair que certaines des d�cisions
qui seront prises au niveau r�gional auront un impact au niveau
bilat�ral, comme c'est d�j� le cas dans le cadre du Processus de
Barcelone.
Revenons aux aspects concrets du projet, si l�Union europ�enne, �
l��vidence, rechigne � d�lier les cordons de la bourse, comment financer
les projets envisag�s par le projet d�Union pour la M�diterran�e ?
L'UE et ses Etats membres apportent d�j� un concours financier important
� la r�gion m�diterran�enne. J�estime qu'un financement suppl�mentaire
en faveur de projets et d�activit�s de port�e r�gionale devrait provenir
essentiellement de quatre sources : de la participation du secteur
priv�, de la coop�ration bilat�rale des Etats membres de l'UE, des
contributions des partenaires m�diterran�ens ainsi que des institutions
financi�res internationales, banques r�gionales et autres fonds
bilat�raux.
La d�marche engag�e au titre de ce projet, l�Union pour la M�diterran�e,
devrait, selon vous, contourner les probl�mes essentiels qui ont d�j�
entrav� le processus de Barcelone, en particulier le conflit du Proche-
Orient, ou, au contraire, devrait-elle les aborder de front ?
Le Processus de Barcelone a apport� une contribution au dialogue, � la
paix, � la stabilit� et � la prosp�rit� dans la r�gion. Cela dit,
l�enceinte du Processus de Barcelone n�est pas le m�canisme appropri�
pour une r�solution du conflit au Moyen-Orient.
Les opinions publiques de la rive sud de la M�diterran�e semblent
circonspectes vis-�-vis d�un projet qu�elles soup�onnent de vouloir
introduire subrepticement � c'est-�-dire sans r�elle contre-partie �
Isra�l, comme partenaire naturel au sein de cet ensemble g�opolitique
important. Ces craintes sont-elles fond�es ?
Le processus est un partenariat englobant 39 gouvernements et plus
de 700 millions d'habitants. Isra�l est dans le partenariat depuis le
d�but et ils seront donc membres de la nouvelle initiative. Nous allons
bient�t compter avec quatre nouveaux pays : la Bosnie- Herz�govine, la
Croatie, le Mont�n�gro et Monaco, ce qui est une preuve assez claire de
l�int�r�t qu�il suscite.
Le projet, justement, semble faire l�impasse totale sur ces opinions
publiques de la rive sud puisque les soci�t�s civiles sont, quasiment,
absentes dans la d�marche qui est d�j� entam�e.
C�est ne pas le cas ! Les dialogues au sein du Processus de Barcelone
continueront, notamment dans les domaines politiques et de la soci�t�
civile. Je vous rappelle qu�il existe une plateforme de la soci�t�
civile tr�s active dans la r�gion. Je voudrais aussi vous rappeler le
r�le fondamental de la Fondation Anna Lindh dans le dialogue
interculturel. La fondation est un r�seau de plus de 1 500 ONG d�di�es
au dialogue interculturel. Et n�oublions pas l�Assembl�e parlementaire
Euro- Med o� les �lus de la r�gion d�battent sur des questions
essentielles pour nos soci�t�s.
Vous persistez, donc, � croire que ce projet de construction d�un
ensemble euro-m�diterran�en homog�ne et solidement structur� constitue
un projet p�renne ?
Il s�agit d�un projet en �volution. Si les conflits qui assombrissent la
r�gion arrivent � une solution, il sera possible de renforcer encore
plus nos relations.
M. C. M.
* Benita Ferrero-Waldner est, depuis 2004, membre de la Commission
europ�enne o� elle est en charge des relations ext�rieures de la
politique europ�enne de voisinage. Elle a �t� auparavant secr�taire d�Etat
pour les Affaires �trang�res (1995-2000), puis ministre f�d�rale des
Affaires �trang�res (2000-2004) dans son pays, l�Autriche. Diplomate de
carri�re, elle est juriste de formation.
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