
Culture : L’AUTEUR RUSSE DE L’ARCHIPEL DU GOULAG, PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE Alexandre Soljénitsyne est mort
Victime d'une crise cardiaque, l’écrivain russe, prix Nobel,
Alexandre Soljenitsyne est décédé dimanche soir, à l'âge de 89 ans.
Profondément attaché à la religion orthodoxe, Alexandre Soljenitsyne
sera inhumé demain au cimetière du monastère Donskoï à Moscou. Il avait
lui-même choisi ce lieu de son vivant. Un lieu précieux pour une requête
concédée naturellement par le patriarche Alexis II. Il lui a réservé une
place au cimetière du monastère.
En hommage à ce fervent défenseur des
droits de l’homme, une cérémonie d’adieux sera organisée aujourd’hui. La
dépouille mortelle de l'écrivain sera ainsi exposée à l'Académie des
Sciences à Moscou. «A la fin de ma vie, je peux espérer que le matériel
historique que j'ai collecté entrera dans les consciences et la mémoire
de mes compatriotes» avait-il dit alors que le président Vladimir
Poutine venait de lui remettre le prestigieux Prix d'Etat russe. «Notre
expérience nationale amère aidera, en cas de nouvelles conditions
sociales instables, à nous prévenir d'échecs funestes.» Alexandre
Soljenitsyne est ce personnage qui, dans les années 1970, avait défrayé
la chronique. Il avait alors dévoilé au monde entier la vérité crue d’un
système soviétique concentrationnaire, dans ses ouvrages Une journée
d'Ivan Denissovitch, Le premier cercle et L'archipel du Goulag, ce qui
lui a valu le prix Nobel de littérature. Privé de sa citoyenneté
soviétique en 1974 puis expulsé d'URSS, Alexandre Soljenitsyne s’est
exilé en Allemagne, en Suisse et aux Etats- Unis, avant de pouvoir
rentrer en Russie. C’était en 1994. A son retour sur sa terre natale,
Alexandre Soljenitsyne, grand défenseur des valeurs morales
traditionnelles, avait continué nonobstant à critiquer l'évolution de la
Russie. Cependant, il approuvait la politique du président Poutine pour
son rôle dans la reconstruction du pays.
Un symbole de la dissidence
Tout au long de la guerre froide, Alexandre Soljenitsyne n'a jamais su
taire ses opinions nationalistes, sa passion mystique pour la Russie,
tout en étant poursuivi en parallèle par des accusations
d'antisémitisme, lesquelles sont apparues au-lendemain de la sortie de
Deux cents ans ensemble, une histoire des Juifs de Russie. Une histoire
qui aura fait couler beaucoup d’encre. Un petit retour sur son parcours,
nous révèlera l’enracinement très profond des principes de l’un des plus
grands penseurs du XXe siècle. Mobilisé comme simple soldat en 1940,
admis à une école d’officiers, il passera ses soirées de libre en
rédigeant de petits récits. Envoyé sur le front de Prusse-Orientale à la
fin de 1942 comme commandant d’une batterie de reconnaissance, il sera
décoré à deux reprises, et promu capitaine en 1944. Un an plus tard, il
sera arrêté pour avoir dénoncé , dans une correspondance adressée à un
ami, ses indignations politiques et qualifié Staline de caïd.
Des camps de travail à la relégation En juillet de la même année, un
comité spécial
Des camps de travail à la relégation
En juillet de la même année, un comité spécial de la sûreté de l’Etat
le condamne, sous l’inculpation de complot antisoviétique, à huit ans de
«redressement» en camp de travail. Successivement détenu à Moscou, dans
un camp mixte, puis dans un institut de recherche à Marfino, dans la
banlieue de Moscou, il est transféré dans un camp pour détenus
politiques à Ekibastouz, au Kazakhstan, où, comme son héros Ivan
Denissovitch, il est fondeur et maçon. Pendant sa détention, il
composera de mémoire une pièce, Le festin des vainqueurs, qu’il
désavouera par la suite. Libéré en 1953, Soljenitsyne est aussitôt
envoyé en relégation perpétuelle dans un village du Kazakhstan où il
enseigne les mathématiques tout en se consacrant à l’écriture : il
compose la pièce La fille d'amour et l'innocent et commence la rédaction
du Premier cercle. Réhabilité à la faveur de la déstalinisation par le
tribunal de l’URSS (février 1956), il s’établit à Riazan où, jusqu’en
1964, parallèlement à une intense mais secrète activité d’écriture, il
enseigne la physique.
S. H./Agences
En novembre 1988, pour la première fois depuis 1966, un texte de
Soljenitsyne, Ne pas vivre dans le mensonge, paraît en URSS, dans un
quotidien de Kiev. En juillet 1989, l'Union des écrivains autorise la
publication de Archipel du goulag, qui commence en août dans Novy Mir.
Une œuvre majeure qui avait été exfiltrée clandestinement pour la
première fois en France pour y être publiée.
Biographie
Après une enfance heureuse à Rostov sur le Don, au sud de la Russie, et
malgré la disparition de son père avant sa naissance, Soljenitsyne
entreprend des études en sciences et en lettres. Il est ensuite mobilisé
pour toute la durée de la guerre et devient capitaine. En janvier 1945,
il est arrêté pour avoir émis, dans une lettre privée, des doutes sur la
stratégie politique de Staline, qualifié par ailleurs de «caïd». Il est
condamné sans appel à 8 ans de «redressement» dans un camp pour complot
antisoviétique, une expérience qu'il relatera dans Une journée d'lvan
Denissovitc. En 1962, Khrouchtchev autorise la parution de cette
description crue du goulag. La publication fait sensation et lui
attribue une reconnaissance immédiate. Cependant, à partir de 1964, il
est la cible d'une vaste campagne de dénigrement orchestrée par les
services de la sûreté et l'Union des écrivains. Après un dernier appel à
la résistance, il est arrêté et déchu de sa nationalité. Contraint de
s'exiler en Suisse puis aux Etats-Unis, il publie ses œuvres à
l'étranger : Le premier cercle, Le pavillon des cancéreux et L'archipel
du goulag (1973). Alexandre Soljenitsyne, qui a toujours plaidé pour
l'abolition de la censure et subi l'ostracisme des autorités de l'URSS,
obtient le prix Nobel de littérature en 1970. Huit ans plus tard, il
prononce le «Discours de Harvard» où il fustige le monde occidental dont
il déplore l'effondrement moral, l'industrialisation à outrance et le
«bazar mercantile». Après vingt années d'exil, il rentre dans son pays
en 1994. En 2007, il reçoit des mains de Vladimir Poutine le prix d'Etat
russe avant de se retirer de la scène médiatique. Alexandre Soljenistyne
s'éteint le 3 août 2008 des suites d'une insuffisance cardiaque. Fondée
sur l'expérience du totalitarisme, son œuvre, qui a acquis les
dimensions d'une grande fresque sociale, s'attache à révéler les
falsifications de l'histoire.
Bibliographie
Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature, laisse une œuvre
imposante composée de récits, nouvelles, essais et romans dont :
Une journée d'Ivan Denissovitch(1962, revue Novy Mir)
L'inconnu de Krechetovka, la maison de Matriona (1963,
Novy Mir)
Zakkar Kalita (1966, Novy Mir)
Le pavillon des cancéreux(1968)
Le premier cercle(1968)
Les droits de l'écrivain(essai, 1968)
Août quatorze(1971, 1er nœud de La roue rouge)
L'archipel du goulag(I) (1973)
L'archipel du goulag(II) (1974)
Ne pas vivre dans le mensonge(essai, 1974)
Des voix sous les décombres(essais avec d'autres dissidents,
1974)
Le chêne et le veau(1975)
Lénine à Zurich(1975)
Archipel du goulag(III) (1976)
Discours américains(1976)
Nuits prussiennes(1977)
Message d'exil(essai, 1979)
L'erreur de l'Occident(essai, 1980)
Les tanks connaissent la vérité(scénario de film, 1982)
Nos pluralistes(1983)
Novembre seize(1985, 2e nœud de La rouge rouge)
Comment réaménager notre Russie (1990)
Les invisibles(1992)
Mars dix-sept(Tome I, 1993, 3e nœud de La roue rouge)
Le problème russe à la fin du XXe siècle (1994)
Ego suivi de sur le fil(1995)
Le grain tombé entre deux meubles (1997)
Nos jeunes (1997)
Deux siècles ensemble(2001 et 2002)
Aime la révolution(2007)
Une minute par jour(2007)
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