
Actualités : UNE FAMILLE DANS LE COLLIMATEUR DE LA JUSTICE «Nous sommes rançonnés par les terroristes et réprimés par l’Etat»
«Les terroristes nous rançonnent et l’Etat nous réprime. Je suis un ancien maquisard et je ne pourrais jamais accepté cette accusation de financement du terrorisme. C’est un déshonneur pour ma famille», nous a
déclaré un père de famille, dont les deux enfants ont été arrêtés puis
emprisonnés sous l’inculpation de financement du terrorisme. M. Hamzaoui,
fellah et ancien moudjahid, du village de Ouled H’mida, dans la commune
de Baghlia, wilaya de Boumerdès, accompagné de ses deux autres fils,
nous a rendu visite pour alerter l’opinion publique et protester contre
l’arrestation de Yazid ( 26 ans) et Toufiq (28 ans). Les deux frères ont
été placés, en début de semaine, sous mandat de dépôt par le juge
d’instruction du tribunal de Dellys sous l’inculpation de financement du
terrorisme. Ce fait étant considéré par la loi comme un crime, les deux
fils de M. Hamzaoui risquent, par conséquent, une lourde peine de
prison. Cet ancien maquisard, qui affirme avoir été le compagnon d’armes
de l’ex-ministre de la Défense nationale, le général Khaled Nezzar,
clame avec force que sa famille a été contrainte de payer aux
terroristes la somme exigée. «La somme en question était destinée à la
construction d’une chambre froide. Subitement, tout s’écroula. Il ne
nous reste plus rien.» Il y a lieu de signaler que la veille de sa
visite à notre bureau, la famille a fermé la route Ouled H’mida-Baghlia
pour protester contre ce qu’elle considère comme une injustice dirigée à
son encontre. Nous lui avons demandé de nous relater les faits.
Les péripéties de l’enlèvement
Selon elle, dans la nuit du 13 juin dernier, un groupe de terroristes
avaient kidnappé le fils Mohamed, âgé de 36 ans. L’enlèvement a été
commis dans le village de Ouled H’mida où est installée cette famille.
«Au milieu de la nuit, les terroristes l’avaient obligé à nous appeler
pour nous dire qu’il ne rentrerait pas. Le lendemain, soit le 14 juin,
les terroristes ont pris contact avec nous pour exiger 600 millions de
centimes pour la libération de notre fils. Durant la même journée, Yazid
et Toufiq se sont déplacés à Baghlia pour informer la brigade de
gendarmerie de ce kidnapping.Les terroristes les attendaient non loin de
chez nous. Ils nous ont obligés à leur remettre la somme exigée, sinon
ils exécuteraient Mohamed. Après le paiement de la rançon, Yazid et
Toufiq sont repartis informer les gendarmes. Alors que mes deux fils
s’entretenaient avec les militaires, les terroristes les ont appelés sur
le téléphone portable pour leur dire qu’ils savaient qu’ils sont à
l’intérieur de la brigade.» Ils leur avaient dit : «Sachez quoi dire aux
gendarmes, sinon vous savez ce qui attend votre frère.» Selon nos
visiteurs, le chef de la brigade de gendarmerie de Baghlia avait établi
un procès-verbal concernant cette affaire et présenté Yazid et Toufiq
devant le procureur du tribunal de Dellys. Le magistrat a cependant
relâché les deux jeunes hommes. Mais les déboires ont commencé pour
cette famille en juillet, à l’arrivée d’un nouveau procureur au tribunal
de Dellys qui, selon le père, avec le commandant de la gendarmerie de
Dellys, ont rouvert le dossier pour arrêter ses deux fils. Précisément,
au niveau de la justice, il nous était impossible d’obtenir la version
officielle pour cette affaire. En l’absence de Boumediene Bacha,
procureur général à la cour de Boumerdès, en congé, le secrétariat de
son remplaçant nous a orienté vers le tribunal de Dellys. Au premier
appel téléphonique, on nous a informés que le procureur était en congé.
Au troisième appel, notre correspondante a fini par nous dire que seul
le parquet général a le droit de fournir des éclaircissements.
Nécessité de tarir les sources de financement des terroristes et droit à
la sécurité de la part de l’Etat
S’attaquer aux sources de financement des seriate du GSPC est un
impératif. Par ces temps de compromission politique, où les islamistes
armés se livrent à des massacres collectifs d’Algériens, aucun patriote
n’en disconviendra. Les terroristes, particulièrement ceux qui
activaient dans la région de Baghlia, sous le commandement de l’«émir»
Mourad El Pompier, avant son élimination il y a moins d’un mois, étaient
spécialisés dans le racket. Ce sinistre «émir» avait, en effet, comme
principale mission de collecter, avec les éléments sous sa coupe, par
tous les moyens, des fonds au profit des katibate du centre du pays. En
outre, il n’échappe pas aux services de sécurité que les pilleurs de
sable, qui sévissent dans la région de Baghlia, travaillent pour le
compte du GSPC Qaïda-Maghreb. Sans l’assentiment des «émirs», contre des
sommes d’argent, aucun grain de sable ne quitterait les rivages de l’est
de la wilaya de Boumerdès. Le racket des fellahs et des familles isolés
est une autre source de financement. Nous avons toujours écrit que la
région Dellys-Baghlia -Cap Djinet est le triangle d’or du terrorisme. M.
Hamzaoui pose, cependant, la question que personne ne peut ignorer.
«Quel est cet homme qui refuserait de payer les terroristes, sachant que
son fils ou son frère est entre des mains sanguinaires et risque de se
faire tuer par ces hommes sans foi ni loi», dira cet homme pour qui le
fait de verser de l’argent aux terroristes constitue un déshonneur.
Avant de réprimer ces familles soumises au diktat des terroristes, l’Etat
ne devrait-il pas d’abord leur assurer la protection ? Ne devrait-il pas
réfléchir aux moyens de protéger ces familles qui constituent des cibles
faciles et des sources de financement pour les terroristes ? Ne
devrait-il pas armer ces familles pour se protéger comme dans les années
1990 ? Cela leur permettra de se déterminer par rapport à la lutte
antiterroriste. Par ailleurs, dans ce dossier, la frustration des
Hamzaoui est exacerbée par le fait, selon eux, que l’Etat fasse dans la
politique de deux poids deux mesures. Il dira que «des familles ont
versé des rançons contre la libération d’un des leurs enlevés, sans être
inquiétées par par la justice ».
Ali F.
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