
Actualités : URGENCES HOSPITALIÈRES DURANT LE RAMADAN «Patientez, les médecins rompent le jeûne !»
Les Algériens risquent de sombrer dans une longue léthargie ! Ce ne sont pas uniquement la paresse, le manque d'inspiration ou le jeûne qui en sont à l'origine, c’est surtout la canicule qui sévit depuis quelques jours. Wassila Z. - Alger (Le Soir) - Les fortes chaleurs rendent le ramadan
encore plus dur. En conséquence, une augmentation des passages dans
certains services d'urgences est enregistrée. On vient soulager les maux
causés par la canicule dans l’enfer des urgences… Les météorologues
l’ont affirmé : l’Algérie connaît une vague de chaleur des plus extrêmes
ce mois-ci. Les régions de l’est et du centre du pays sont celles qui en
souffrent le plus. Encore faut-il rappeler que le soleil qui
«surchauffe» durant ces journées ramadanesques continue à nous en faire
voir de toutes les couleurs, même après son coucher. Les Algériens sont
excédés par cette chaleur étouffante. A celle-ci viennent s'ajouter les
quelques degrés que renvoie l’ordinateur, qui reste l'outil essentiel
dans toutes les administrations. A la chaleur suffocante, se conjuguent
de longues journées de jeûne. Diabétiques, hypertendus et personnes
âgées sont les plus vulnérables à cette chaleur, et subissent très mal
les conséquences du jeûne. Les services des urgences reçoivent
quotidiennement plusieurs cas d’hypoglycémie, d’hypertension, et d’AVC
spécialement après le ftour. La prise en charge, elle, dépend d’un
hôpital à un autre.
Vous avez dit urgences ?!
«Hyini lyoum, waqtalni ghedwa», «koul otla fiha khir», sont autant de
dictons algériens qui encouragent la passivité. Rien n’est urgent. Rien
ne presse. Pas même dans un service d’urgences ! Dernière cuillérée de
chorba avalée, un petit café siroté rapidement, et direction les
urgences de la structure sanitaire la plus proche. A l’entrée de
l’hôpital de Baïnem, des agents de sécurité dégustent tranquillement
leur repas. Ils ont installé une petite table de fortune devant leur
poste de garde. Le portail est grand ouvert. Au moment de le franchir,
un des agents s’approche de notre voiture. «Nous nous rendons aux
urgences», lui explique-t-on. «Si c’est pour une consultation, je pars
prévenir un médecin», rétorque-t-il. Il est 19h30. Les urgences sont
désertes. Pas l’ombre d’une personne. Nous «inaugurons» ce service.
L’agent de sécurité nous y rejoints quelques minutes plus tard. «Je vous
appelle un médecin. Ne vous impatientez pas, les médecins sont en train
de rompre le jeûne.» Il nous fait entrer dans le cabinet de médecine
interne. «Vous pouvez l’attendre ici», nous précise-t-il, avant de
disparaître, laissant la porte ouverte. Un vent frais fait voler les
quelques ordonnances posées anarchiquement sur le bureau. Certainement
pressés par l’appel du muezzin, les médecins y ont également laissé le
registre des consultations ouvert, et un paquet d’abaisse-langues.
L’attente commence à se faire longue. Ce n’est qu’un quart d’heure plus
tard qu’un médecin interne arrive. Pour une urgence… N’a-t-on donc pas
raison de traiter les urgences algériennes de «véritable thrombose» qui
freine la prise en charge «rapide» des patients ?
Mauvais diagnostic
Apparemment «dérangé », le médecin fera savoir qu’il a interrompu son
«repas» juste pour ne pas faire attendre le patient. Un grand sacrifice
! Ce dernier se plaint de petites rougeurs accompagnées de démangeaisons
sur les bras et les jambes. «Probablement des piqûres d’insectes»,
dira-til. Voyant cela de plus près, le médecin «craint que ce ne soit la
gale». «Je vais vous faire une injection pour vous soulager des
démangeaisons. Au bout d’une demi-heure, un résident vous auscultera.»
Le jeune homme, pourtant réticent, s’exécutera. A 19 heures 45, les
urgences commencent à grouiller de patients. Les médecins sont toujours
aux «abonnés absents». Dès 20 heures, les bancs de la salle d’urgences
sont combles. Les citoyens prennent leur mal en patience et languissent
de se voir pris en charge. D’après un infirmier, «entre 16heures
19heures 30, c’est le calme aux urgences. C’est vers 20 heures que les
patients commencent à affluer». Près d’une heure après l’injection, un
résident vient voir ce patient, d’ailleurs très patient. A peine
quelques questions posées, des explications données, que le Dr Madani D.
n’écartera pas l’hypothèse de son confrère. Il parlera également d’une
éventuelle allergie. Le patient, de son côté, insiste sur «son
autodiagnostic ». Pour finir, un antihistaminique lui sera prescrit.
«Vous prendrez ce traitement durant quinze jours. Si cela persiste, vous
devrez faire un bilan sanguin», indique le médecin. Il faut savoir que
ce même patient se dirigera le lendemain chez son médecin traitant. Il
s’agissait bel et bien de piqûres de moustiques ! Rien d’autre.
Femmes et personnes âgées : les plus vulnérables
Le nombre de passages en urgences est plus élevé après le ftour.
Selon leurs besoins en matière d’assistance, les patients reçus aux
urgences sont soit mis en observation, soit hospitalisés ou quittent
sitôt l’hôpital. Réservées pour accueillir particulièrement les urgences
vitales, durant le ramadan, ce sont plutôt les «petits maux» qui sont en
augmentation aux urgences. Les cas les plus fréquents aux urgences sont
les malades chroniques, notamment les cardiaques, les diabétiques et les
hypertendus ainsi que ceux qui souffrent de problèmes digestifs tels les
ulcéreux et les colopathes. Le Dr Madani, spécialiste en
gastroentérologie, estime que ce sont surtout des cas de coliques
néphrétiques qui sont reçues ces derniers jours. «Ce sont des douleurs
causées par des calculs au niveau du rein», nous explique-t-il. Aussi,
il nous parlera d’angines et de céphalées, dues aux hausses de chaleur.
«De nombreux AVC sont recensés, surtout chez les personnes âgées»,
fait-on remarquer. Chez cette catégorie de patients, on retrouve aussi
beaucoup d’hypertendus. Avant la rupture du jeûne, on enregistre le
passage de personnes victimes de coups et blessures volontaires, de
victimes d’accidents de la circulation et d’accidents domestiques.
Nombre de diabétiques sont pris en charge dans ce service. Souvent,
c’est la prise de médicaments à jeun qui conduit à un déséquilibre au
niveau du sang, entraînant, de ce fait, un malaise chez le patient
diabétique, explique le médecin. Juste avant le ftour, beaucoup de
jeûneurs sont en hypoglycémie. «Les réserves du corps s’affaiblissent,
notamment en glucose durant la période du jeûne.» C’est généralement la
gent féminine qui se plaint de ce genre de malaise. Nous avons fait ce
constat tout au long de notre présence aux urgences. Plusieurs femmes se
présenteront à se service se plaignant de douleurs abdominales, de
céphalées et d’asthénie générale. Ce sont les effets combinés du jeûne
et de la canicule. Durant notre attente, quelques personnes âgées,
complètement affaiblies viennent pour une consultation. Pour elles, il
est difficile de respecter scrupuleusement les recommandations
sanitaires pour se protéger de la chaleur pendant le ramadan. Boire très
régulièrement, même en l'absence de sensation de soif, n’est pas toléré
durant la journée pour les jeûneurs. Par contre, à défaut de s’abstenir
de jeûner, «il est conseillé à ces personnes de se protéger de la
chaleur, en prenant des douches plusieurs fois par jour, et en
protégeant leurs logements de la chaleur en fermant la journée et en
ouvrant la nuit. Il faut également éviter d'avoir une activité physique
aux heures les plus chaudes (11h- 13h)». Ce sont là quelques conseils
que donnent les médecins, qui sont aussi valables pour les enfants et
toute personne vulnérable. Vers 21 heures, le service des urgences
ressemble à une vraie fourmilière. Les médecins regagnent «enfin» leurs
postes, au grand bonheur des citoyens. Infirmiers et agents de sécurité.
Eux, s’occupent à calmer des citoyens impatients, voire parfois
hystériques !
W. Z.
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