
Culture : BOUZIANE BEN ACHOUR PRESENTE SON LIVRE MÈJNOUN Ce graveur d’épitaphe !
S’est dans la salle de cinéma Djamel flambant neuve que s’est tenue la conférence. M. Bouziane Ben Achour, responsable du bureau régional d’ El Watan à Oran, est venu présenter son dernier né Mèjnoun paru aux éditions Dar El-Gharb. Cet homme féru de théâtre n’est plus à présenter. Rappelons seulement que sa carte de visite porte la signature d’Algérie actualité, La République, puis El Djamhouria. Concernant l’écriture, ce bilingue, natif de Béni Saf, a été surtout critique de théâtre et a commis neuf pièces et deux essais se rapportant au quatrième art. Il viendra à la littérature sur le tard, ce n’est qu’en 2003 qu’il sort Dix ans de solitude, en 2004 Sentinelle oubliée, Hogra, Fusil d’octobre, Hall’aba et enfin Mèjnoun cette année. Ce dernier roman met en scène une vedette radio qui décide brutalement de ne plus parler et cesse donc son activité au grand désarroi de son employeur et de sa famille et les appels à la raison n’y font rien. C’est le personnage prétexte de M. Bouziane pour asséner un coup de griffe acéré à l’information audiovisuelle. Un grand projecteur est braqué sur une institution tant décriée. Le livre nous invite à méditer sur le silence et la parole et tout est dans la contradiction, entre ce monde bouillonnant de la radio et la perte de parole du présentateur, entre la logorrhée des habitués des bars et le mutisme têtu de Chérif. Ce vœu de silence apparaît comme un moyen de revendication, de mécontentement face à un ordre établi. C’est la voix des marginalisés, de ceux qui font la grève de la faim lorsqu’ils ont épuisé tous les recours pour faire aboutir leurs revendications et cette femme qui est amputée d’un sein comme elle est privée d’un mari qui non seulement refuse l’usage de la parole mais la quitte tout bonnement, abandonnant sa mission, sa fonction de chef de famille tout comme le sein est un organe nourricier et «dernier affront, il emporte avec lui toutes les lettres que le couple s’échangeait avant l’union sacrée»,seul Mèjnoun, peut-être parce qu’il est graveur d’épitaphe, va lui arracher des confidences. «Il ne me restait plus rien à espérer de mon travail, j’étais partout et nulle part. Je réfute tout ce que j’ai soutenu des années durant et demande humblement pardon à mes auditeurs pour tout ce qu’ils ont enduré par ma faute. Je n’ai fait que tisser du faux, du faux absolu. » Chérif est enchanté de rencontrer ce gardien de cimetière où tout le monde est muet comme une carpe et la langue de bois n’a plus raison d’exister. Le message que semble véhiculer cette œuvre est un mécontentement patent à l’endroit d’une société dépouillée de ses valeurs, d’une gabegie intenable, d’un marasme culturel et surtout un malaise social très préoccupant, comme exutoire c’est l’alcool qui apparaît comme un breuvage à même de noyer tous ces problèmes. Après la présentation de l’ouvrage par son auteur, un débat va s’engager tambour battant. Il va être rondement mené par M. Méliani, professeur de lettres à l’université de Mostaganem. Il fait des recherches en anthropologie, plus exactement sur les espaces culturels traitant du patrimoine et surtout de l’oralité. Il se désole de constater que les seules recherches faites dans ce domaine très riche soient attribuées aux pieds-noirs qui risquent de ne pas être très objectifs, traitant le problème de leur seul point de vue. Il avoue une grande admiration pour le melhoun représenté par le chantre Omar Mokrani et aussi par Abdelkader Bouras. Sans paraître conservateur, il pense que tous les intellectuels de la région doivent s’y mettre pour préserver ce trésor à l’image de M. Magani, un enfant de la région qui fait un bon travail sur le patrimoine culturel. Il nous apprend que M. Benachour est une référence en tant que critique de théâtre. À une question sur la littérature d’urgence, M. Méliani juge que ce terme correspondait à une période des années 1990, caractérisée par une disette en matière de production littéraire. M. Boudia a axé son intervention sur le problème de l’édition. Il soutient qu’éditer un livre en Algérie relève du parcours du combattant et heureusement qu’il y a les maisons étrangères. Le professeur Ould Larbi abonde dans le même sens et pense qu’aucune solution ne sera trouvée tant que les éditeurs continuent à se comporter comme des marchands de légumes. Voilà donc une initiative louable de la part de la commission des arts et de la culture de l'APC de Chlef d’avoir organisé une telle rencontre à laquelle M. Dziri, le P/APC, était présent. Souhaitons que cela devienne une tradition. Le livre de M. Bouziane est écrit dans un style simple et accessible. Il rappelle un certain Rêve sarde de Maâmar Farah et nous ramène aux sentiments forts des tragédies de Sophocle et Euridipe. Medjdoub Ali
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