
Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS ON NOUS PREND POUR QUI ? Par Arezki Metref arezkimetref@free.fr
Il n'y a pratiquement rien à dire de nouveau sur la
révision de la Constitution annoncée, après un faux suspense kilométrique,
par le président de la République. Rien à dire de nouveau car depuis deux ans
au moins, elle a été abordée, analysée, triturée sous toutes les coutures.
D'ailleurs, il n'est pas impossible — avec «eux», on ne sait jamais —
qu'ils aient jeté cette question, chaque fois enrobée dans le mystère et
l'ambiguïté, comme on lance un os à ronger.
Comme par hasard, l'interrogation
susurrée toujours d'en haut est régulièrement survenue au moment où
l'actualité sociale ou sécuritaire nécessitait une diversion pressante. Et
voilà alors les commentateurs, les observateurs avisés, les acteurs et les
figurants de la scène politique, lancés tous ensemble dans des spéculations
sur la faisabilité juridique d'une révision de la Constitution en vue d'un
troisième mandat, et plus si affinités. Nul n'ignore que tous les autres
aspects sont, en l'occurrence, ce qu'on appelle en termes de télévision de
l'habillage. Des fringues pour cacher la nudité de l'intention ! Par moments,
ce fut la curée... Et vas-y que je te dissèque l'annonce têtue de la
révision constitutionnelle comme un moyen pour Abdelaziz Belkhadem et pour son
FLN de damer le pion au rival plus rapide et plus crédible, Ahmed Ouyahia et
son RND. Et que je te dresse la santé hypothétique du président comme
obstacle réaliste à l'ambition de faire ressembler l'Algérie à la plupart
des régimes arabes, passés maîtres dans le bidouillage des textes
fondamentaux pour prolonger ad nauseaum des mandats messianiques et rendre
républicaines les lois et les mœurs dynastiques des monarchies. Et vas-y que
je te stoppe toute velléité de troisième mandat car l'armée n'entend pas
assumer plus longtemps cette co-gouvernance déséquilibrée... Et que je te
tienne de source sûre que les «services» laisseront s'agiter tout son soûl
le clan des «réviseurs» mais que, le moment venu, les vœux de ces derniers
resteront pieux. Bref, on aura tout lu sur le sujet. Bref, on aura tout écrit.
On aura évoqué les questions de timing, les mécanismes possibles de la
consultation, ses effets transformateurs sur une architecture politique déjà
largement branlante... Quelquefois, on aura aussi avancé l'hypothèse que tout
se déroulait sans que le président lui-même ne l'inspire et qu'il serait, ce
faisant, une sorte d'otage de stratégies politiques menées en son nom et à
son insu. Patatras! Ne voilà-t-il pas que c'est Bouteflika himself qui vient
nous dire, en pleine crise financière mondiale, en plein marasme politique
interne, que tout ce que vous teniez jusque-là pour des supputations volatiles,
des projections hasardeuses, de la mastication intellectuelle, est un projet
concret en phase d'aboutir contre vents et marées. Il est prévu, il était
prévu. Dans quel but ? Faut pas se voiler la face. L'objectif premier est le
maintien au pouvoir pour un troisième mandat, quel que soit le bilan des deux
précédents. Ce suspense, ces tergiversations pendant plusieurs mois, tous les
rebondissements mélodramatiques et politiciens autour du troisième mandat,
c'était du placebo ! Voilà maintenant le grand œuvre! Voilà l'imprévisible
prévu ! Voilà la surprise téléphonée ! On apprend tout de même que
l'option sur le mode avec lequel on fait passer la pilule est choisie dans le
recours à une révision par une APN majoritairement docile. Rien d'original :
un référendum présente un risque mineur mais il ne faut tout de même pas le
courir... La surprise, la seule, et elle est absolue, ce sont les termes dans
lesquels est portée à notre connaissance la révision constitutionnelle. Il
s'agit, dit le président de la République, de permettre au «peuple d’exercer
son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa
confiance en toute souveraineté, tant il est vrai que nul n’a le droit de
limiter la liberté du peuple dans l’expression de sa volonté, car la
relation entre le gouvernant élu et le citoyen électeur est une relation de
confiance profonde, réciproque, basée sur le choix populaire, libre et
convaincu ». Tout cela pour dire que l'article 74 de la Constitution qui
stipule coup sur coup que la durée du mandat présidentiel est de cinq ans et
que «le président de la République est rééligible une seule fois» peut se
considérer d'ores et déjà hors-jeu. La marche vers le troisième mandat a
commencé. Mais il y a longtemps ! Au fond, cette tactique du doute qui consiste
à distiller à doses homéopathiques ombres et lumières finit par payer : elle
lasse les gens. Quand le temps de passer à l'acte arrive, on en a tellement
soupé qu'on se résigne a avaler n'importe quelle couleuvre. On se demande
vraiment pour qui ils nous prennent. Parler de «choisir ses gouvernants »
lorsque le peuple est invité juste à entériner que les mêmes demeurent au
pouvoir ad vitaem sans rendre compte de rien, voilà de la dialectique ! Le plus
terrible dans cette affaire, c'est que le pouvoir actuel semble considérer
l'opération de lifting de la Constitution comme un simple moyen séculaire au
service d'une mission qui a comme quelque chose de sacré. On nous l'a déjà
faite, celle-là aussi. On continue d'ailleurs à en payer la facture.
A. M.
P. S. d'ici : Comme nous ne pouvons résister aux paroles
fortes, nous vous invitons à déguster celle de Mohamed Cherif Abbas, ministre
des Moudjahidine. Interpellé Iors d'une émission radio sur le dossier des faux
moudjahidine, il a cette réponse lumineuse à l'endroit de Noureddine Aït
Hamouda qu'il ne cite pas nommément : «Il s’agit, encore une fois, d’une
campagne menée par des personnes frustrées, du fait qu’elles n’ont pu
participer à la guerre de Libération, et qui ne font pas partie de cette
famille révolutionnaire. » Du costaud, ça !
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