En mati�re de lutte contre la corruption, beaucoup d�efforts de l�Alg�rie sont apparents, mais il n�y a pas de fil conducteur, ni de strat�gie, encore moins de coh�rence et de visibilit�. Il y a une dispersion de ces efforts et une absence de coordination entre les diff�rents intervenants institutionnels. La tr�s insuffisante mise en �uvre par l'Alg�rie des conventions anti-corruption (ONU et Union africaine) est une preuve suppl�mentaire de l'absence de volont� politique.
Le premier bilan de la mise en application en Alg�rie de la
Convention des Nations unies contre la corruption (CUNCC) n�est pas positif,
tout en �tant in�gal d�une convention par rapport � l�autre � celle des
Nations unies ayant plus eu de succ�s, puisque rapidement ratifi�e, alors que
la ratification de la CUA a �t� longtemps retard�e. Est-ce que l�Union
africaine � � travers ses organes et son sommet des chefs d�Etat �
dispose d�une strat�gie de mise en application de la Convention
anticorruption de l'Union africaine (CUA), et qu�a-t-elle fait dans ce sens
depuis le sommet de Maputo en juillet 2003 qui a adopt� la CUA ? Le r�le
seulement consultatif du comit� de suivi de la CUA peut �tre un autre
obstacle, malgr� ses importantes missions, obstacle aggrav� par le fait que
ladite convention n�a pas pr�vu de calendrier pour la mise en place de ce
comit�, contrairement � celle des Nations unies. A ce jour, ce comit� n�a
toujours pas �t� mis en place : l'appel � candidatures vient � peine d'�tre
lanc�, 5 ann�es apr�s l'adoption de cette convention ! Il faut noter que les
deux conventions ne sont pas encore suffisamment connues en Alg�rie, malgr�
tous les efforts �voqu�s plus haut. Leur promotion passe d�j� par cette
�tape. Comment les faire conna�tre, les diffuser et les vulgariser � tous les
niveaux ? Si la soci�t� civile et les m�dias disposaient d�une marge de man�uvre
plus importante, la promotion de ces conventions aurait �t� plus cons�quente.
Le peu d�enthousiasme du gouvernement � faire conna�tre ces conventions,
notamment pour des raisons li�es � l�absence de volont� politique quant �
l�utilit� de ce type de promotion, est clairement �tabli. D�autant plus
que l�Alg�rie dispose au moins des moyens mat�riels et des canaux officiels,
dont les m�dias lourds, pour mener cette action. A titre d�exemple, l�Alg�rie
n�a jamais proc�d� � la diffusion de ces conventions ni au sein des
institutions publiques et des fonctionnaires concern�s ni au sein de la
soci�t� civile. Seule cette derni�re le fait r�guli�rement depuis le d�but
de l�ann�e 2004, malgr� des moyens limit�s.
Le Parlement contourn�
Le refus du gouvernement alg�rien � ce jour d��tablir des liens formels
avec la soci�t� civile, les ONG et les m�dias pour la mise en place d�un
partenariat visant la promotion des conventions est un obstacle suppl�mentaire.
La repr�sentation des Nations unies en Alg�rie n�a lanc� aucune action ou
autre projet pour accompagner au plan local la promotion de la CNUCC, m�me pas
les documents et les affiches �dit�es par l�UNODC (Office des Nations unies
contre le crime et la drogue) : est-ce faute de moyens ou du fait des
contraintes li�es � son statut ? Le chef de l�Etat en Alg�rie a pr�f�r�
contourner le Parlement pour la ratification des conventions internationales,
proc�dure qui n�est pas en faveur de l�implication des �lus nationaux dans
la promotion de la CNUCC et de la CUA. Cette exclusion du Parlement dans la mise
en �uvre de ces conventions rel�ve principalement de la responsabilit� de l�ex�cutif.
Ce qui est une erreur, car les pouvoirs publics marginalisent ainsi les
parlementaires dans la lutte contre la corruption, les privent de d�bats et
excluent plus particuli�rement l�opposition parlementaire de dossiers qui
auraient pu obtenir un tr�s large consensus, exclusion qui a touch� aussi l�opinion
publique. Cette d�marche d�note l�absence de strat�gie nationale de lutte
contre la corruption. On a pr�f�r� mettre en place une proc�dure purement
administrative, au lieu de lui conf�rer une dimension politique et soci�tale.
L�op�ration se d�roule en vase clos au sein de l�ex�cutif, entre les
services de la pr�sidence de la R�publique, de la chefferie du gouvernement,
du minist�re de la Justice et de quelques hauts fonctionnaires, des magistrats
principalement, charg�s des questions �techniques � pour l��laboration des
projets de lois et des textes r�glementaires. Les experts non gouvernementaux,
les chercheurs et les universitaires n�ont pas �t� associ�s non plus :
seule la presse leur a ouvert ses colonnes.
Le gouvernement exclut la soci�t� civile
Les lenteurs administratives et bureaucratiques en Alg�rie ont ralenti le
processus de ratification des deux conventions, la publication des d�crets
pr�sidentiels de ratification au Journal officielet le d�p�t des instruments
de ratification aupr�s des Nations unies et de l�Union africaine ont connu
beaucoup de retard. N�eut �t� le travail de lobbying, de pression et d�interpellation
exerc� par la soci�t� civile depuis plusieurs ann�es sans discontinuit�,
travail dont la presse s�est faite r�guli�rement l��cho � m�me les
m�dias lourds encore sous tutelle exclusive de l�Etat se sont associ�s � la
d�marche �, les processus de ratification de ces conventions et leur
transposition en droit interne auraient connu un retard beaucoup plus important.
Ce travail de lobbying a connu des contraintes et des limites du fait
principalement de l�absence de volont� des pouvoirs publics d�impliquer
directement la soci�t� civile dans ce processus de ratification et de
transposition en droit interne, le seul dialogue ayant pr�valu a eu lieu dans
un cadre informel et lors de la participation de repr�sentants du gouvernement
en charge de ces dossiers aux conf�rences publiques initi�es par la soci�t�
civile et dont l�objet avaient trait � la promotion de ces conventions en
particulier, et � la lutte contre la corruption en g�n�ral.
Lois et r�glementations tr�s insuffisants
Il n�y a pas d�incompatibilit� majeure entre les lois nationales et les
deux conventions ; au contraire, la transposition de ces conventions en droit
interne a m�me permis d�introduire de nouvelles incriminations, dont l�enrichissement
n�est pas des moindres. Depuis que le processus de ratification des
conventions est effectif, sont apparus en Alg�rie des obstacles techniques et
de comp�tence dans le processus de transposition de ces conventions en droit
interne, et des obstacles dans la d�finition d�une strat�gie et d�un plan
d�action contre la corruption. Il n�y a aucune visibilit� dans la d�marche
du gouvernement, � un point tel que le processus de transposition appara�t
tr�s incoh�rent, avec une multiplicit� de chantiers l�gislatifs et
r�glementaires n�ob�issant � aucun calendrier, lanc�s en vase clos, dans
la pr�cipitation, sans aucune suite logique et excluant les parlementaires. Les
lois et les r�glementations issues de cette transposition sont souvent en recul
par rapport aux conventions, ou contenant parfois des dispositions restrictives,
ce qui peut expliquer le choix de ne pas les soumettre au Parlement, encore
moins � un large d�bat de soci�t�. D�ailleurs, le contournement du
Parlement et l�absence de sensibilisation des parlementaires � la n�cessit�
de la lutte contre la corruption peuvent avoir leurs revers.
Incomp�tence des magistrats et des fonctionnaires
L�absence d�expertise au sein des institutions de l�Etat et les moyens
insuffisants pour y pallier sont des obstacles majeurs � la promotion et � la
mise en application de ces conventions. L�assistance technique �trang�re,
notamment, n�est pas du tout sollicit�e par l�ex�cutif, si ce n�est
celle que proposent les organisations internationales et les pays partenaires de
l�Alg�rie. Cette assistance technique pourrait pallier l�absence de
formation des fonctionnaires et des magistrats intervenant de pr�s ou de loin
dans la pr�vention et la lutte contre la corruption. Cette situation est
aggrav�e par l�insuffisance de perfectionnement, de mise � jour des
connaissances, de documentation et le peu de moyens modernes dont disposent ces
fonctionnaires (souvent non dot�s d��quipements informatiques, encore moins
d�acc�s � Internet).
L'Alg�rie fait face � un nouveau �complot� !
La position du gouvernement alg�rien lors des n�gociations sur la CNUCC �
Vienne avait d�j� pr�t� � �quivoque : �La lutte contre la corruption qui
est au centre de toutes les conditionnalit�s pos�es par les pays d�velopp�s
pour accompagner l�aide au d�veloppement des pays en transition et �mergents
est souvent contredite par l�attitude de ces m�mes pays d�velopp�s qui, �
travers certaines visions r�ductrices et complaisantes envers la corruption,
donnent le sentiment d��tre en faveur d�un instrument qui leur permettra de
contr�ler la bonne gouvernance et la bonne gestion des politiques publiques des
pays en d�veloppement sans qu�eux-m�mes soient concern�s par cette
convention.� En un mot, pour le pouvoir alg�rien, ces instruments
internationaux de lutte contre la corruption font partie d'un nouveau �complot
� contre les pays en d�veloppement, apr�s le �complot� des droits de
l'homme dans les ann�es 1990 ! Mais alors, pourquoi avoir ratifi� ces
conventions ?
Djilali Hadjadj