
Actualités : CONTRIBUTION La presse écrite indépendante serait-elle de nouveau dans le collimateur du pouvoir ? L’accès aux médias lourds du service public est-il permis ?
L’abondance des écrits sur le pluralisme médiatique en Algérie, sur la liberté d’expression en général et celle de la presse en particulier, notamment après le long et difficile parcours des journaux indépendants , reflète, à notre sens, la profonde aspiration des Algériens à une gestion transparente des affaires de leur cité. Elle reflète aussi leur attachement à la démocratie et au fonctionnement pluraliste des institutions. Des bilans quantitatifs ont été maintes fois établis par les experts et les gens de la profession. Il en ressort objectivement des résultats remarquables en matière de presse écrite. Explosion du nombre de titres,renforcement des moyens d’impression, amélioration des tirages et de la distribution, affermissement du professionnalisme. Mais le fait le plus marquant est, sans nul doute, l’engagement permanent des journalistes, des intellectuels, des associations des droits de l'homme et des partis politiques dans les luttes pour la défense de la liberté d’expression, contre les tentatives du pouvoir de réduire au silence toute forme d'écrits qui ne soient pas conformes à sa conception de l'information. Ces tentatives sont toujours présentes et se déclinent sous différentes formes de pression : harcèlement judiciaire (la condamnation du directeur d' El Watan et d’une journaliste du même quotidien à deux mois de prison ferme, l’arrestation de Fayçal Ben Medjahed... les déboires de Bentchicou...), chantage publicitaire, limitation de l'accès aux moyens d'impression (en position de quasi-monopole). Elles sont interprétées forcément comme des mesures d’intimidation, particulièrement dans des contextes marqués par de grandes échéances électorales. De la presse «alibi démocratique », mise en avant pour l’opinion internationale, à la «presse qui dérange», les gouvernants oscillent entre leurs contradictions et leurs atermoiements. Dans une conjoncture aseptisée politiquement, la presse indépendante reste le seul recours pour l’expression démocratique et constitue de fait un contre-pouvoir aux yeux de l’opinion publique nationale. Elle offre le seul espace où les divers points de vue et opinions politiques qui ne correspondent pas au discours dominant peuvent s'exprimer. En revanche, la volonté de verrouillage de la liberté d'expression est nettement affirmée à travers le mode de fonctionnement des médias du service public de l’information. Accéder à la télévision aujourd’hui relève de la gageure. Les activités des partis politiques, du mouvement associatif de la société civile ou de simples événements vécus par les citoyens, quand ils sont couverts, bénéficient tout au plus d'un plan furtif de la caméra avec un «commentaire orienté et de circonstance». Sous d'autres cieux, l'activité gouvernementale, de même que celle des autres institutions de l'État, sont bien évidemment couvertes par les télévisions publiques et privées, mais pas au détriment de l'événement marquant, qu'il soit national ou international. Le professionnalisme est de mise et se trouve respecté par l'Etat ainsi que par les autres acteurs politiques et culturels de la société. La médiatisation de la politique gouvernementale et celle des activités partisanes s'opère dans le cadre de dispositions réglementaires définies par un cahier des charges. Celui-ci codifie également les critères d'accès au service public des différents courants politiques de la société, notamment en période électorale. En général, le respect du cahier des charges fait l'objet d'un contrôle strict par une instance (haute autorité), dont un nombre déterminé de membres de la profession est élu par leurs pairs, de même que les représentants du Parlement. Par ailleurs, le cahier des charges définit la part et le volume horaire qui doivent être obligatoirement réservés aux émissions culturelles, éducatives et de loisirs. En Algérie, le cahier des charges existe en théorie, mais son application dans les faits ne semble pas constituer une préoccupation pour les dirigeants. Il en est de même pour les instances de régulation qui existaient dans les années 1990, à travers la création des trois conseils : information, culture et audiovisuel. Sans entrer dans des considérations juridiques et réglementaires, le citoyen s'interroge sur les raisons qui font que les grandes questions qui agitent le monde, qui nous touchent directement ou indirectement, ne fassent pas ou pas assez l'objet de tables rondes à une heure de grande écoute, réunissant nos meilleurs experts en la matière, des syndicalistes, des patrons d'entreprises, des partis politiques et des associations de la société civile. On peut citer à l'infini de tels exemples, qui ne relèvent pas forcément d'une démarche politique délibérément voulue. Si tel était le cas ,on s'expliquerait mal les longs et fastidieux communiqués du conseil du gouvernement, lus d'une voix monotone, avec un déferlement de chiffres que la plupart des téléspectateurs ne comprennent pas. Le verdict est sans appel : ces derniers changent de chaîne, d'autant que les frontières dans le domaine de l'information ont été abolies par l'extraordinaire percée des technologies de l'information et de la communication. Et pourtant, quand les énergies créatrices sont libérées, les talents se révèlent et les téléspectateurs apprécient et se fidélisent . Cela a été le cas avec l'émission de variétés «Star académie », de même qu’avec certains programmes de loisirs durant le ramadan. Selon nos informations, de tels programmes auraient enregistré des taux d'audience record. C'est aussi le cas de la radio qui, en dépit d'un verrouillage relatif de l'expression politique (peut-être du fait que le son, à lui seul, n'imprègne pas l'esprit autant que sa combinaison avec l'image, comme c'est le cas de la télé) reste très appréciée et écoutée par de nombreux publics algériens. Cet intérêt vient certainement de la diversité des thématiques développées, de la liberté de ton et surtout de l'interactivité qui permet au citoyen d'exprimer, souvent en direct, ses préoccupations, d'écouter celles de ses concitoyens et d'avoir le sentiment de contribuer à apporter une partie des solutions. N'est-ce pas là l'exemple de la démocratie participative, tant souhaitée par les Algériens ? A. Hamma
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