Actualit�s : UN M�DECIN ACCUS� DE VIOL EN FRANCE
Six ans en prison pour un crime qu�il n�a pas commis


Rude m�tier que celui d�innocent. Il ne suffit pas au justiciable condamn� � tort de se faire reconna�tre. Il doit encore survivre � son malheur. Car il se heurte, en d�pit de son droit, � ce monstre froid qu�on nomme la justice.
Le docteur Mabrouk Bousri, un Alg�rien, m�decin anesth�siste � l�h�pital de Blaye en r�gion bordelaise, avait �t� accus� � tort de viol par sa petite amie. Les t�moins �taient d��ge m�r, leur pass� douteux et leur fiabilit� nulle. Bousri n�avait aucun ant�c�dent pervers et encore moins un pass� de violeur. Il s�est, pourtant, trouv� des gendarmes pour croire la calomniatrice, un juge d�instruction pour accuser le m�decin et un tribunal pour le condamner � six ans de prison en premi�re instance en 2005 (Cour d�assises de la Gironde) et un autre � huit ans en 2006 (Cour d�assises de la Charente) en appel. Les faits de cette affaire remontent au mois de juin de l�ann�e 2002. Le docteur Bousri, mari� et p�re d�une fillette, fait la connaissance d�une certaine D. S�verine, hospitalis�e � l��poque � l�h�pital de Blaye pour une op�ration dentaire. D�buta alors entre eux une relation amoureuse qui sera de courte dur�e. Tenant beaucoup � sa petite famille, le m�decin d�cida de mettre fin � cette relation ill�gitime. Il fait part de sa d�cision � S�verine qui encaissa mal le coup, du fait qu�elle a connu deux ruptures auparavant. Cette derni�re, apr�s moult tentatives, parvient � arracher � son amant un ultime rendez-vous chez lui. Une rencontre d�adieu en quelque sorte. C��tait le 23 ao�t 2002. Ce jour-l�, S�verine s��tait rendue en voiture au studio du m�decin, � proximit� de l�h�pital de Blaye o� il exer�ait en tant que m�decin anesth�siste et r�animateur. D�embl�e, le docteur remarque que sa petite amie ne va pas bien. Il pensait que S�verine avait pris un peu d�alcool ou fum� un joint comme � son habitude. Apr�s avoir longuement expliqu�, autour d�une boisson fruit�e, � sa ma�tresse la n�cessit� de mettre fin � cette relation, Bousri ne pourra repousser les avances de la jeune femme pour une ultime relation charnelle. Les moments intenses tirent � leur fin et S�verine d�cide de rentrer � son domicile situ� � quelques kilom�tres de leur lieu de rencontre. A cet instant-l�, le sort du Dr Bousri sera d�finitivement scell�. En effet, selon l�ordonnance de mise en accusation devant la cour d�assises de la Gironde, S�verine sera hospitalis�e le lendemain au service des urgences de l�h�pital de Libourne. Le m�decin urgentiste qui l�a examin�e pr�vient la police de l�admission � son service d�une jeune femme dans un �tat semicomateux. Dans l�apr�s-midi du 24 ao�t, S�verine sera entendue par la police au centre hospitalier. C�libataire, m�re de deux enfants et sans emploi, elle d�clarera avoir quitt� son domicile, situ� � Bourg sur Gironde, la veille vers 16h30, pour rendre visite � un ami � Blaye, le docteur Bousri. Elle se rappelait �tre all�e chez lui puis ne se souvenait de rien ensuite, de sorte qu�elle ne pouvait expliquer sa pr�sence au service des urgences. Elle pr�cisait que le Dr Bousri, rencontr� � l�h�pital de Blaye, �tait un homme avec lequel elle avait des relations sexuelles. Elle avait juste affirm� que son ami lui avait servi un verre de jus d�ananas et qu�elle n�a jamais consenti � une quelconque relation sexuelle ce jour-l�. D�s lors, la machine judiciaire se met en branle. S�verine sera soumise � un examen m�dical ainsi qu�� des pr�l�vements. La jeune femme va accuser M. Bousri de l�avoir drogu�e puis viol�e. Les r�sultats des analyses du pr�l�vement sanguin effectu� le 24/09/2002 par le docteur De Wilde, urgentiste � l�h�pital de Libourne, indiquent la pr�sence de benzodiaz�pine s�rique (32 microgrammes/ ml). �La benzodiaz�pine �tait un produit psychoaffectif, uniquement d�livr� sur ordonnance, pour des patients souffrant d�anxi�t� ou d�angoisse. Cette substance pouvait se pr�senter sous forme de cachet, ou en solution buvable ou injectable�, lit-on dans le rapport du m�decin urgentiste. Le rapport du docteur Camiade, m�decin l�giste, fait �tat, quant � lui, d�aucune trace de violence sur le corps, et la prise de sang r�v�lait l�absence de tricycliques mais la pr�sence de benzodiaz�pines � un taux faible. L�incapacit� totale de travail (ITT) a �t� fix�e par l�expert � 24 heures. Pour la justice, il ne fait aucun doute, le Dr Bousri, qui est un m�decin anesth�siste, a pu se procurer cette substance dans le cadre de son travail et l�utiliser pour droguer et violer S�verine. L�Alg�rien est le coupable id�al. Il sera mis en examen et incarc�r� � la maison d�arr�t de Bordeaux Gradignan. Pour le parquet, les preuves sont suffisantes pour le traduire aux assises. Le Dr Bousri clamera, quant � lui, son innocence en accusant sa ma�tresse d�avoir foment� le coup. Mais devant une juridiction �trang�re c��tait un combat perdu d�avance : le pot de terre contre le pot de fer. Le dossier de l�accusation �tait bien maigre et comportait plusieurs zones d�ombre que la justice fran�aise n�a jamais voulu �claircir. Et le verdict a �t� tr�s s�v�re pour le m�decin alg�rien. Il sera condamn� � 6 ans de prison en premi�re instance et � 8 ans en cour d�appel. Il purgera six ann�es enti�res avant d��tre expuls� vers l�Alg�rie. Le m�decin a perdu son travail, sa maison, tout son argent, et m�me sa petite famille. Alors qu�il �tait en prison, sa femme a demand� le divorce qu�elle a obtenu aux torts exclusifs de son conjoint. Bris�, d�courag�, il tente de recoller les morceaux de sa vie.
Le m�decin d�voile la machination

Ce dernier, que nous avons rencontr�, ne cesse de clamer son innocence et se dit �tre victime d�une terrible machination orchestr�e par sa ma�tresse D. S�verine afin de se venger de lui. Il nous r�v�le les zones d�ombre et les contradictions contenues dans le dossier �Alors que j��tais en concubinage, j�avais eu une relation extra-conjugale avec la d�nomm�e D. S�verine. Je n�ai jamais ni� avoir eu des rapports sexuels avec cette derni�re. Durant l��t� 2002, elle m�a demand� de quitter ma femme � son profit. Chose que j�ai vite refus�, alors elle me posa un ultimatum, mais je n�ai pas c�d�. C�est donc apr�s une derni�re relation sexuelle (qui ne fut rien d�autre que la premi�re �tape de son plan machiav�lique) qu�elle est all�e porter plainte par vengeance. Suite � son d�p�t de plainte, j�ai �t� incarc�r� en d�tention pr�ventive puis condamn� par la Cour d�assises de la Gironde le 13 octobre 2005. Ayant fait appel de cette d�cision, j�ai �t� de nouveau jug� � Angoul�me le 21 octobre 2006 et condamn� � une peine de huit ans de r�clusion criminelle. Plusieurs failles ont �t� constat�es dans mon dossier. Tout d�abord, mon proc�s est frapp� de nullit� au regard de l�article 253 du code de proc�dure p�nale. En effet, un des assesseurs � mon proc�s, M. Berthomme, avait particip� � la proc�dure ant�rieurement, pour rejeter une demande de mise en libert� provisoire. De ce fait, ma condamnation n�a plus aucune valeur juridique et ma d�tention devient arbitraire. Il a �t� constat� aussi qu�un des t�moins, � savoir le Dr Couturier, m�decin traitant de la plaignante, avait d�clar�, lors de son interrogatoire par la police, que sa patiente, en l�occurrence D. S�verine, n�a jamais pris de drogue. Or, lors du proc�s, il a bien pr�cis� avoir prescrit ce genre de m�dicaments. L�enqu�te n�a pas cherch� en ce sens, alors qu�en v�rifiant les archives m�dicales, il appara�t que le docteur Couturier a bien prescrit des m�dicaments psychoaffectifs � D. S�verine. Concernant l�amn�sie de la plaignante, apr�s avoir bu le jus d�ananas, si, comme la toxicologue l�a pr�tendu, elle avait eu une amn�sie ant�rograde, la plaignante ne se serait pas souvenu des faits ant�rieurs � la prise de la boisson. Elle se souvient de ce qui l�arrange, c�est une amn�sie s�lective� pathologie imaginaire ignor�e par les m�decins. La grande pr�cision des souvenirs de la partie civile (D. S�verine, ndlr), racont�s � sa m�re adoptive, est en parfaite contradiction avec ses propres d�clarations : �Je ne me souviens de rien.� De m�me que sa d�claration : �Je me suis r�veill�e � l�h�pital� ne tient pas devant la r�alit� des faits, puisque D. S�verine est rentr�e chez elle normalement, et ce n�est que le lendemain que sa m�re et une amie l�ont emmen�e, consciente, � l�h�pital. Aussi, en v�rifiant ses appels t�l�phoniques (rapport de l�op�rateur SFR fait foi), il appara�t clairement qu�elle s�est servie de son t�l�phone pour appeler plusieurs num�ros et consulter sa messagerie apr�s qu�elle m�ait quitt�. Si elle a utilis� son portable pour faire des num�ros, cela veut dire qu�elle �tait consciente et savait ce qu�elle faisait. De plus, la plaignante �tait parfaitement consciente lors de sa d�position, d�une grande pr�cision, aupr�s du lieutenant de police Laurent Pistourie, du commissariat de police de Libourne, qui a pris sa d�claration � 13h50 le 24 ao�t 2002. Un peu avant et beaucoup plus tard ce m�me jour, la plaignante a utilis� son portable trois fois entre 14h15 et 21h35. Vu ses appels t�l�phoniques, comment peut-on parler d��tat semi-comateux, ou d�inconscience ? A supposer que S�verine ait pris cette substance psycho- active (Rivotril), au cours de notre rencontre du 23 ao�t 2002, son d�lai d�action est de 1 � 3 heures, c'est-�-dire que ce m�dicament ne commence son action qu�une � trois heures apr�s le moment de la prise, cela est d� � l�absorption m�dicamenteuse par voie orale. Selon le rapport de la toxicologue, il existe une marge d�une � trois heures, c'est-�-dire une heure si la dose est tr�s forte, trois heures � faible dose. M�me s�il s��agit de dose mortelle (l�tale)�, il faut un d�lai d�action d�au moins une demi-heure. Ce n�est pas le cas chez la plaignante, car son hospitalisation n�a n�cessit� aucune man�uvre de r�animation. La plaignante ment en disant ne se souvenir de rien apr�s le verre de jus d�ananas. C�est impossible scientifiquement parlant. Revenons maintenant aux analyses chimiques. Les r�sultats des analyses du pr�l�vement sanguin, effectu� par le docteur De Wilde urgentiste � l�h�pital de Libourne, le 24/09/2002 (il s�agit bien entendu d�un examen standard rapide) font �tat de la pr�sence de benzodiaz�pines s�riques � 32 microgrammes/ ml, alors que la normale est de 200 � 400 microgrammes/ ml. Il n�y a donc que des traces qui n�expliquent en rien l��tat pr�sum� initial. Aussi dans sa conclusion, le m�decin l�giste affirme que la recherche de la famille des benzodiaz�pines (autre famille de m�dicaments psychoaffectif), s�est av�r�e positive mais � un taux tr�s faible, tr�s nettement en dessous du seuil th�rapeutique, donc a priori incapable d�expliquer le tableau pr�sum� initial. Aussi l�expertise toxicologique demand�e par le parquet de Libourne et effectu�e par le docteur V�ronique Dumestre-Toulet affirme implicitement que les analyses r�alis�es et pr�lev�es sur le sujet D. S�verine ne mettent pas en �vidence la pr�sence de m�dicaments et stup�fiants susceptibles d�alt�rer la conscience ou la vigilance et de substances incapacitantes (rapport fait le 07/11/2002) sur le pr�l�vement remis le 28/08/2002 r�f.33T02617). Une seconde expertise demand�e par le juge d�instruction au m�me m�decin avait indiqu� la pr�sence de 34 �g/ml de Clonazepam (rapport fait le 26/05/2003). Deux r�sultats diff�rents et r�alis�s par le m�me expert. Le docteur V�ronique Dumestre-Toulet a trouv� 34�mg/ml six mois apr�s le pr�l�vement (le sang �tant conserv� comme elle le d�crit dans ses rapports), il y en a forc�ment eu beaucoup plus lors du premier pr�l�vement fait � l�h�pital de Libourne le 24/08/2002 et qui �tait de 32�g/ml, c'est-�-dire encore moins que le taux qu�elle a constat� six mois apr�s (34�g/ml), c�est illogique. Autre contradiction flagrante dans le rapport du docteur V�ronique Dumestre-Toulet dans lequel elle donne les r�sultats des analyses des urines, alors que celles-ci n�ont jamais �t� pr�lev�es. En effet, le m�decin l�giste Camiade n�a pr�lev� que, pour analyse en biologie mol�culaire : 5 �couvillons vaginaux, 4 �couvillons buccaux, 3 �couvillons anaux et 2 flacons sur EDTA (�chantillon sanguin), et pour analyse en toxicologie, 2 flacons sur EDTA et 2 �couvillons de sueur �ventuelle sous les aisselles. Alors d�o� proviennent les urines analys�es par l�experte ? Autre fait, il n�y a pas eu de pr�l�vements de cheveux, alors que ces derniers par segmentation peuvent nous dire avec exactitude s�il s�agit de prise m�dicamenteuse unique ou multiple et habituelle. M�me l�expertise des lieux o� se serait d�roul�s les suppos�s faits, � savoir mon studio, n�a jamais �t� r�alis�e. La justice fran�aise a �t� exp�ditive et m�a condamn� � tort, pour un crime que je n�ai pas commis�, a affirm� le docteur Bousri. Le Docteur Bousri, qui voit ainsi sa vie bris�e, sa r�putation ruin�e et sa famille bless�e, ne baisse pas pour autant les bras et continue � se battre pour que justice lui soit rendue. A cet effet, il vient d�adresser un m�moire � la Cour europ�enne des droits de l�homme ainsi qu�� la Cour supr�me alg�rienne pour demander la r�vision de son proc�s et sa totale r�habilitation �Comme toute institution humaine, la justice a le droit � l�erreur. Mais les juges n�aiment pas souligner leurs erreurs. Tout se passe comme si la justice, au fond, pr�f�rait les coupables : condamn�s, ils attestent de sa l�gitimit�. L�innocent, lui, d�range. Il ne lui suffit pas d��tre innocent�. Il doit se faire pardonner son innocence�, a tenu � conclure le docteur Bousri.
Imed Sellami

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