
Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS ET MAINTENANT, QUE FAIRE ? Par Arezki Metref arezkimetref@free.fr
Ils auraient dû pousser la farce jusqu’au bout ! Dommage que l’élection présidentielle ne soit pas prévue le 1er avril. Là, au moins, on leur aurait reconnu, à défaut de celui de la démocratie, le sens de l’humour. Tu vois un peu le topo : un candidat qui fait faire intra-muros le ménage dans la Constitution pour pouvoir se présenter une troisième fois à un âge où on commence à compter les moutons, qui s’arrange pour prendre l’Etat comme sponsor, et qui se fait introniser un 1er avril ? C’est d’un humour ! Mais non, ils ne sont pas assez gonflés pour aller jusque-là ! Pourtant, tout ça à l’air d’une sorte de farce. Farce tragique, certes, mais farce quand même ! Premier moment de la farce : ils font lambiner l’opinion pendant deux ans. Ils révisent ? Ils se ravisent ? Des sources savamment contradictoires font croire simultanément la chose et son contraire. Un suspense ? C’est ce qu’ils veulent ! Ce n’en est pas un ou alors c’est un faux suspense, un suspense mdarrah ! Ce type de suspense dont tu connais la fin avant même qu’il ne commence. Dès la seconde où, la toute première fois, Belkhadem, ou un autre, qu’importe, a affirmé essentiel pour la nation qu’on saborde ce verrou qui empêche que Bouteflika soit démocratiquement reconduit en président à vie, on savait que ça arriverait ! Comment ? On savait aussi. Finalement, derrière le rideau de fumée qu’ils rendent opaque par une théâtralisation niveau rez-de-chaussée, les choses sont simples. On a tout préparé pour que le règne de Bouteflika se perpétue ad vitam en faisant admettre que c’est contre son gré, qu’il fait don de sa personne, que c’est le peuple qui le demande, revendique, réclame, exige de lui ce sacrifice… Deuxième temps : faire savoir l’intention de toucher à la Constitution. Ce temps-là est un temps mort car il s’est déroulé comme attendu : ne voulant pas encourir un revers référendaire, ils font faire ça à la maison. Enfin, devant cette Assemblée dont la majorité vote avec la même ferveur tartuffe une loi et son immédiat contraire, avec des tirades patriotiques en prime, pourvu que ça descende d’en haut. Troisième temps : c’est le peuple, oui, qui veut tout ça. Le peuple ! Echaâb ! La preuve, c’est que, paraît-il, en 8 jours, le président sortant a recueilli 4 millions de signatures. Paraît-il. Un petit malin, dont le chef-d’œuvre circule sur Internet, a calculé que ça fait deux signatures par seconde. Or, au moins deux minutes sont nécessaires pour signer un truc pareil. Mais on n’est pas à un record prêt, inscriptible au Guinness. Tout est par chez nous un record à sa manière. On remplirait à nous seuls tout un bouquin comme ça. Bon, maintenant, on connaît la situation. Elle est aussi dramatique qu’on pouvait s’y attendre. C’est pourquoi, basta d’en reparler jusqu’à la nausée ! Et si plutôt que de relever pour la centième fois les turpitudes des faiseurs de roi, leurs plans de traviole et leurs coups tordus, on se demandait que font ou que doivent faire les autres ? J’allais dire : les nôtres ! Oui, les nôtres ! Pour ces derniers, comme pour ceux d’en face, il n’y a aucun doute sur le fait que l’Algérie prenne, avec ce troisième mandat et toutes ses conséquences, un virage historique. Allez, on adopte le mot, même s’il est plus dévalué que la pire des monnaies ! Mais ce «virage historique », comme ils causent eux, ne se dit pas dans les accents épiques qu’on déploie comme des drapeaux pour célébrer d’ores et déjà la chance de l'Algérie de reconduire… un système par son côté le plus vermoulu. «Virage historique » vers le mur, oui ! Vers la régression politique ! Vers une autocratie où la seule compétence exigée est l’allégeance au prince ! C’est pire que dans les années 1970. Là, au moins, c’était d’époque ! Et devant ce «virage historique », que comptent entreprendre les partis, mouvements, associations, citoyens ou groupes de citoyens ou cadres institutionnels ou non, qui se revendiquent de l’opposition démocratique ? Que comptent-ils faire d’unitaire, bien entendu, car devant un enjeu aussi capital, la mise à l’encan du peu de conquêtes démocratiques payées aussi chères en vies humaines depuis 1988, il y a des guéguerres de pouvoir superflues ? Quelles initiatives pour peser sur l’élection, du moins pour la faire passer pour ce qu’elle est condamnée à être, une mascarade ? Quelle pédagogie politique unitaire, dans l'immédiat et surtout dans le futur, pour réduire cette fragmentation qui fait l’affaire du pouvoir ? Quels termes utiliser pour dépasser les visions de pouvoir et revenir au sens premier de la politique, l’action citoyenne ? Comment recouvrer la confiance unie de toutes celles et ceux que les vicissitudes subies par l’opposition, ses errements, ses erreurs d’analyse, ont déçus au point de les éloigner du destin de l’Algérie ? Comment donner force et unité d'action aux luttes syndicales, démocratiques, associatives, cœur battant de la seule opposition qui semble perturber le pouvoir ? Comment être à la hauteur des luttes des citoyens pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, pour la dignité, pour l’éveil citoyen ? Autant de questions à poser aux forces potentielles de redressement national, de liberté et de justice où qu'elles se trouvent, car, comme les leviers aujourd'hui dominants du pouvoir, elles ont le devoir de répondre. Et contrairement à cette catégorie de «politiques» formés par le pouvoir et pour le pouvoir, coupés de toute respiration de la société, il y a dans le paysage national actuel des femmes et des hommes suffisamment conscients de la noblesse des idéaux qui consistent à défendre les plus faibles pour en déduire qu’il est plus sain de vieillir dans la résistance et la lutte que dans un pouvoir coupé des aspirations et besoins du pays profond. A. M.
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