Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Mami, �Folies coloniales�, etc.
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr


Lu dans la presse : l�affaire Mami revient. Le porte-parole du ra� et n�anmoins chanteur de Bouteflika doit r�pondre de ses actes dans un proc�s qui s�ouvre le 2 juillet prochain devant le tribunal correctionnel de Bobigny, en France. On lui reproche des choses grosses comme �a : enl�vement, s�questration, s�vices. Il risque jusqu�� dix ans de prison. Que dire sur le fond ? Il faut faire confiance � la justice.
Il y a peu de risques � ce que l�affaire soit r�gl�e par un coup de fil dans le bureau d�un magistrat comme �aurait sans doute �t� le cas si le proc�s s��tait d�roul� en Alg�rie. Mami clame son innocence depuis le d�but de cette affaire. Les faits semblent assez accablants. Mais ce qui l�est davantage, c�est que, innocent, il n�aurait pas quitt� la France avec de faux papiers comme le rapportait El Watan d�hier. Le quotidien nous apprend, par ailleurs, que le chanteur a fait la belle apr�s s��tre acquitt� d�une caution de 200 000 euros et qu�il m�ne maintenant, dans une relative insouciance, une nouvelle vie de biznessman � Alger sous la protection de ses amis embusqu�s dans le pouvoir. Qu�il pleuve, qu�il vente, l�Alg�rie reste cette vache � lait pour une cat�gorie d�affairistes goulus. Il ne s�agit pas de juger Mami, m�me pas moralement du reste. Sauf � �tre un saint, ce qu�on ne sait en g�n�ral qu�apr�s coup, un homme peut rencontrer, dans sa vie, des situations o� les actes prennent une insondable gravit�. Ce qui semble le cas, ici. Ce qui est frappant de l�ext�rieur, c�est cette d�sinvolture avec laquelle le chanteur a pris les choses comme si, en d�finitive, il �tait persuad� que, de toute fa�on, il r�colterait l�impunit�. Quand la tournure prise par l�affaire lui est apparue assez s�rieuse et que les relais qu�il devait esp�rer agir � son profit pour se tirer d�affaire se sont av�r�s inefficients, il a commenc� � crier au complot �juif�. Il se d�fend ! Comme il peut ! �a grandit un homme que d��tre l�objet d�un complot. Le r�sultat imm�diat est que quoi que dise la justice, le mal est d�j� en partie fait. Il y a une image qui s�est ternie encore davantage, car elle l��tait d�j� ! L�image de ces liaisons dangereuses entre le pouvoir politique en Alg�rie et une camarilla qui grenouille dans l��migration en France. Vu au th��tre : Jules Ferry, � n�en pas douter, a fait beaucoup pour l�instruction et l��ducation en France. Il a jou� un r�le remarquable dans la promotion et la d�mocratisation d�une �cole la�que et r�publicaine. Cela emp�che-t-il cet esprit �clair� de rappeler au �devoir qu�ont les races sup�rieures de coloniser les races inf�rieures�. C�est dans les �Folies coloniales�, une pi�ce de th��tre que Dominique Lurcel et �La compagnie Passeurs de m�moire� donnent � voir en ce moment � Paris. Le fait est que ce n�est pas une pi�ce de th��tre comme une autre. A l�heure o�, contre l��vidence, on d�couvre � la colonisation des vertus, poussant � une terrible sym�trie du bourreau et de la victime, il n��tait pas mauvais de rappeler la langue de bois coloniale qui, d�j� en son temps, faisait rire. Quid alors aujourd�hui ? Nous sommes en 1930. C�est le centenaire de la colonisation de l�Alg�rie. Pour s�autoc�l�brer, on organise toute une s�rie de manifestations. La m�me liturgie saute d�un style � l�autre. Elle se r�sume � ceci : la colonisation est mission civilisatrice. Les colonisateurs sont venus pour sortir les barbares de leur barbarie. Avant l�arriv�e de la France, c��tait le chaos en Alg�rie. Et la lumi�re fut ! Ce discours, simplifi�, rapide, atteint son apog�e lors du centenaire. Dominique Lurcel a la chance d�avoir un grand-p�re maternel haut fonctionnaire � la Mairie de Paris dont il �tait �l�historiographe � et l�hagiographe � vigilant�. Il lui a l�gu� un document de 900 pages, compte-rendu exhaustif de toutes les manifestations consacr�es, cette ann�e-l�, � la c�l�bration de ce centenaire de l�Alg�rie : congr�s, conf�rences, �uvres artistiques, soir�es, po�mes, odes, expositions, concours, d�fil�s, t�moignages. A cette compilation h�t�roclite et terriblement homog�ne dans la glorification coloniale, le metteur en sc�ne a ajout� des textes de diff�rents auteurs et �poques qui encensent la colonisation. Le r�sultat est une sorte de revue blanche o� des tableaux se succ�dent marqu�s par la m�me tonalit� : la solennelle autosatisfaction coloniale n�a pas r�sist� au temps. Les textes se retournent contre leurs auteurs. Aujourd�hui, il se d�gage une infernale d�rision de ces accents parfois racistes. Il y a quelque chose de path�tique dans ces discours triomphalistes qui devaient pr�supposer la p�rennit� de l�ordre colonial. Devant tant de fatuit�, aujourd�hui on peut se demander si, au fond, ce ne sont pas les colonisateurs les victimes. Victimes, en tout cas, d�une c�cit� qui les a emp�ch�s de voir l�autre et de comprendre surtout que tant d�injustice tranquille ne peut pas ne pas susciter ce feu qui allait consumer les empires.
A. M.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable