Dossier : MAURITANIE Tous les enjeux d�une crise
Afin de permettre � nos lecteurs de mieux appr�cier l��volution de la situation en Mauritanie o� se d�roule une crise politique s�rieuse, nous avons sollicit� Mohamed Chafik Mesbah, politologue et expert en relations internationales. Voici les principales facettes d�une situation qui, si elle �voluait positivement, pourrait d�boucher sur un v�ritable mod�le de transition d�mocratique pour l�Afrique et le monde arabe.
Par Mohamed Chafik Mesbah
1- L'�tat des lieux
R�fl�chir sur la situation actuelle en Mauritanie, c�est, forc�ment,
se replonger dans son pass�. L�empreinte militaire sur la vie politique
du pays est omnipr�sente depuis la destitution du pr�sident Mokhtar Ould
Daddah en 1978. C�est, cependant, la fin, quelque peu d�voy�e, de la
p�riode de transition qui a suivi (ao�t 2005- mars 2007), suite � la
destitution de l�ancien pr�sident Ould Taya, qui explique , le mieux, la
nature de la crise actuelle. Apr�s un parcours presque sans faute, le
Comit� militaire pour la justice et la d�mocratie, compos� uniquement de
chefs militaires, notamment les actuels g�n�raux Mohamed Ould Abdelaziz
et Mohamed El Ghazouani, a tent� de contenir la progression irr�versible
du pays vers le syst�me d�mocratique. La candidature du pr�sident
Mohamed Ould Cheikh Abdelahi a �t� suscit�e et favoris�e par ces deux
officiers qui ont voulu conserver l�initiative politique � travers un
partage implicite du pouvoir avec le pr�sident �lu. Il se trouve que le
nouveau chef de l�Etat a refus�, aussit�t �lu, de se r�soudre � ce
partage. Pour contenir l�influence envahissante des deux chefs
militaires sus-�voqu�s, il a m�me renou� avec d�anciennes figures,
pourtant discr�dit�es, de la p�riode Mohamed Ould Taya et a introduit
dans son second cabinet gouvernemental le parti islamiste Tawassoul,
nouvellement l�galis�, ainsi que l'Union des forces de progr�s, de
Mohamed Ould Mouloud, deux formations politiques particuli�rement
combattues par la hi�rarchie militaire. De quelque angle que vous
abordez la crise en Mauritanie, vous �tes amen� � traiter de la question
de fond qui concerne le statut politique et institutionnel de l�arm�e
mauritanienne. Doit-elle se retirer du champ politique ou conserver un
r�le qui reste � d�finir ? Voil� sur quoi porte, en r�alit�, la crise
pr�sente.
2- L'organisation de la soci�t� face � cette crise majeure
Actuellement, trois p�les essentiels se partagent le champ politique en
Mauritanie. D�une part, vous avez �le pouvoir de fait�. Le Haut Conseil
d�Etat, l�administration centrale et locale, l�institution militaire,
les partis satellites et, de mani�re plus g�n�rale, les solidarit�s
traditionnelles fond�es sur le client�lisme. C�est, sans conteste, le
g�n�ral Mohamed Ould Abdelaziz qui domine ce p�le, second� par le
discret g�n�ral Mohamed El Ghazouani, qui passe pour �tre la t�te
politique du Haut Conseil d�Etat. D�autre part, vous avez un second p�le
constitu� par le Front national pour la d�fense de la d�mocratie qui a
�t� cr�� au lendemain du coup d�Etat du 6 ao�t 2008. Il ne compte pas
moins de douze partis � dont trois importants � et six syndicats sur les
neuf qui existent en Mauritanie. Il englobe, �galement, le Forum
national des droits de l�Homme qui regroupe les principales ONG activant
en rapport avec cet intitul�. Ce p�le est domin� par deux figures
embl�matiques, Messaoud Ould Belkheir, pr�sident de l�Assembl�e
nationale, leader de l'Alliance populaire progressiste et ic�ne du
combat des �Harathine�, les esclaves affranchis, ainsi que Mohamed Ould
Mouloud, pr�sident de l�Union des forces de progr�s, formation active
qui se situe � gauche de l'�chiquier politique mauritanien. Ce p�le est
anim� aussi par Jamil Ould Mansour, pr�sident du parti islamiste
Tawassoul dont l�audience n�est pas insignifiante. Il existe, enfin, un
troisi�me p�le repr�sent� par Ahmed Ould Daddah, dirigeant historique de
l�opposition mauritanienne durant le r�gne du pr�sident Mohamed Ould
Taya et leader du Rassemblement des forces d�mocratiques, le principal
parti d'opposition. Ce p�le a commenc� par appuyer les auteurs du coup
d�Etat militaire, avant d�op�rer un rapprochement avec le Front national
pour la d�fense de la d�mocratie avec lequel il est, actuellement, en
situation d�alliance objective.
3- Le rapport de force actuel
En termes de �puissance de feu�, si vous permettez l�expression,
sinon de moyens mat�riels et physiques, pour adopter un langage plus
conventionnel, c�est le Haut Conseil d�Etat qui tient le haut du pav�.
Outre l�appui des chefferies traditionnelles, il dispose de
l�administration, des forces de frappe que constituent la police et
l�arm�e, notamment le fameux Bataillon de la S�curit� pr�sidentielle, le
Basep, la Gendarmerie nationale et la Garde nationale. En termes de
pertinence politique, cependant, c�est le front de l�opposition
d�mocratique, confort� par une solidarit� internationale, tant soit peu
concr�te, qui domine. Il est int�ressant d�enregistrer deux faits
essentiels dans le nouveau paysage politique mauritanien. D�une part, la
capacit� d�montr�e des leaders mauritaniens � d�passer les clivages
tribaux et claniques traditionnels au profit de regroupements bas�s sur
la convergence id�ologique et, d�autre part, le r�le essentiel de la
composante n�gro-africaine qui tend � constituer la profondeur
strat�gique du front du refus que nous �voquions.
4- Le tabou n�gro-africain
La population mauritanienne est �valu�e � deux millions huit cent mille
personnes dont 18% de N�gro-Africains. Il faut recourir, toutefois, avec
pr�caution aux statistiques officielles. Les chiffres relatifs aux
sujets n�gro-africains rel�vent du secret d�Etat ou, pour le moins, du
tabou. Il ne faut pas oublier, � cet �gard, la forte communaut�
n�gro-africaine install�e au S�n�gal (80 000 personnes) et au Mali (50
000 personnes). Il faut retenir, �galement, que ce sont les
N�gro-Africains qui constituent la cheville ouvri�re de l�administration
mauritanienne, mais sans jamais acc�der � des postes de d�cision et de
prestige. Il est important, enfin, de souligner le sentiment d�injustice
des officiers n�gro-africains de l�arm�e mauritanienne. Un sentiment si
puissant qu�il les a conduit dans les ann�es 1990, � tenter d�audacieux
mais infructueux coups d�Etat militaires. Cette pr�sence d�officiers
n�groafricains ayant �t� ressentie comme une menace, l�organisation et
la composition de l�arm�e mauritanienne ont �t� revues de mani�re �
annihiler ce risque. Ce n�est point, par hasard, que, parmi les leaders
de l�opposition, la figure la plus m�diatis�e durant cette crise, soit
celle de M. Messaoud Ould Belkheir.
5- Le potentiel de l�arm�e mauritanienne
Pour l�essentiel, l�arm�e mauritanienne dont les effectifs avoisinent
les 18 000 soldats, reste une arm�e plut�t classique. Depuis le coup d�Etat
militaire qui a destitu�, en 1978, le pr�sident Mokhtar Ould Daddah,
l�arm�e mauritanienne, impliqu�e en permanence dans la vie politique, a
�t� travers�e par des courants politiques, parfois sans ancrage dans la
soci�t�. Il est vrai, n�anmoins, que les clivages id�ologiques entre
nass�riens, baathistes et islamistes se sont estomp�s. La p�riode du
pr�sident Ould Taya a �t� marqu�e par une �puration port�e � son
paroxysme au sein des rangs de l�arm�e mauritanienne. Quelques clivages
subsistent, mais marqu�s plus par la formation subie, selon, en
particulier, qu�elle f�t alg�rienne ou marocaine. Jusqu�� quel degr�
l�homog�n�it� de l�arm�e est, actuellement, effective ? Difficile de se
prononcer. La persistance de l�influence tribale comme facteur de
promotion dans la hi�rarchie militaire est persistante. Pour m�moire, la
tribu des Senassides et ses alli�es ont �t� privil�gi�es sous l��re du
pr�sident Mohamed Ould Taya. C�est la tribu des Ould Sba� � laquelle
appartient le g�n�ral Mohamed Ould Abdelaziz qui semble vouloir,
actuellement, pr�dominer avec celles qui auront fait alliance avec elle.
Pour pr�venir les tentatives de coup d�Etat et garantir l�ordre interne,
cette arm�e a �t� structur�e en p�les juxtapos�s et, relativement,
autonomes. Sur le plan organique, ce souci d�ordre interne est
omnipr�sent. Des unit�s d��lite ont �t� mises sur pied pour r�pondre �
cet objectif express�ment. Outre le Basep (Bataillon charg� de la
Protection pr�sidentielle), trois autres bataillons, le 1er et le 2e BCP
et un bataillon de blind�s, ont �t� mis sur pied. Un bataillon de
fusiliers-marins, le FUMA a exist� mais a �t� dissous. Sur le plan de la
puissance de feu et de l�efficacit� op�rationnelle, ce sont,
naturellement, ces unit�s sp�ciales qui sont les plus performantes. La
Gendarmerie nationale ainsi que la Garde r�publicaine, relativement,
moins pourvues que ces unit�s sont, cependant, mieux dot�es que l�arm�e
proprement dite. Et pour cause, elles exercent des missions qui ont
rapport avec l�ordre interne. C�est, en quelque sorte, une force de
r�serve, un peu la garde pr�torienne du r�gime. Les R�gions militaires,
enfin, ainsi que les unit�s de feu traditionnelles constituent des
structures, plut�t, d�munies. En d�finitive, l�arm�e mauritanienne, du
moins ses unit�s sp�ciales, est mieux pr�par�e pour r�duire une menace
interne que pour mener une guerre conventionnelle.
6- Le r�le des services de police et de renseignement
C�est une construction juxtapos�e � c�t� de l��difice militaire.
Mais, en dernier ressort, les services de police et de renseignement
rel�vent de la m�me autorit� supr�me, le chef de l�Etat. Il faut avoir �
l�esprit, �videmment, que depuis le coup d�Etat qui a destitu�, en 1978,
le pr�sident Mokhtar Ould Daddah, le chef de l�Etat a, toujours, �t� un
officier exer�ant le commandement direct sur l�arm�e. Ainsi, le
renseignement militaire a beau �tre, nominalement, sous la tutelle de
l��tat-major de l�arm�e mauritanienne, il rel�ve, dans les faits, du
chef de l�Etat qui commande l�arm�e. Le Bureau de documentation en
charge de la s�curit� ext�rieure rel�ve, express�ment, depuis
l�ind�pendance du pays, du chef de l�Etat. La Direction g�n�rale de la
S�ret� nationale d�pend, th�oriquement, du minist�re de l�Int�rieur,
tout comme la Direction de la s�curit� d�Etat qui lui est adoss�e. En
fait, c�est la pr�sidence de la R�publique qui en assure la tutelle
pratique. Ce fractionnement de la fonction de s�curit� et de
renseignement vise � pr�venir toute position h�g�monique pour l�un des
responsables concern�s mais � assurer, aussi, une diversit� de sources
d�information. S�il est difficile de se prononcer sur les performances
de ces services de police et de renseignement, il est, par contre,
facile, de d�duire que leur mission est d�di�e, enti�rement, � la
pr�servation de l�ordre interne.
7- L'action de la communaut� internationale
Nous en �tions au plan interne. Effectivement, la communaut�
internationale joue un r�le essentiel dans la crise actuelle en
Mauritanie. Pour preuve, un groupe de contact international pour le
suivi de la situation en Mauritanie a bien �t� institu�. Il se compose
de repr�sentants de l�Union africaine, de la Ligue arabe, de l�Union
europ�enne, de l�Organisation des Nations-Unies, de l�Organisation
internationale de la Francophonie, et de l�Organisation de la Conf�rence
islamique. Les repr�sentants des Etats africains membres non permanents
du Conseil de s�curit� des Nations-Unies ainsi que des membres
permanents, les Etats- Unis d�Am�rique notamment, ont particip� aux
r�unions consultatives de ce groupe. L�Union africaine et l�Union
europ�enne partagent une m�me position de principe bas�e sur le refus du
fait accompli. Les deux parties estiment que les effets du coup d�Etat
militaire doivent dispara�tre dans le cadre d�une solution consensuelle
garantissant le retour � l�ordre constitutionnel. Ces deux acteurs
principaux ont pris des mesures conservatoires. Le Conseil de la paix et
de la s�curit� de l�Union africaine a d�cid� des sanctions cibl�es
portant sur la restriction des d�placements des auteurs du coup d�Etat
et des personnes qui leur sont alli�es avec gel de leurs avoirs. L�Union
europ�enne a d�cid�, dans une premi�re phase, la suspension pour une
dur�e de deux ann�es, des programmes de coop�ration financ�s par la
Commission europ�enne dans le cadre du 10e Fonds europ�en de
d�veloppement (2008-2013). L�Union europ�enne entrevoit, d�ores et d�j�,
une nouvelle �valuation en vue de mesures compl�mentaires adapt�es aux
d�veloppements futurs de la situation en Mauritanie. La position des
Etats- Unis se rapproche de celles de l�Union africaine et de l�Union
europ�enne. Outre le rejet de principe du coup d�Etat militaire,
l�administration am�ricaine a pris des mesures de r�torsion en mati�re
de d�livrance de visas aux membres du Haut Conseil d�Etat et des
personnes qui leur sont li�es. La position de la Ligue arabe, suivie de
celle de l�Organisation de la Conf�rence islamique, semble se distinguer
par un infl�chissement dans le sens des th�ses des auteurs du coup d�Etat
militaire. M�me l�Union du Maghreb arabe suit cette tendance et se
propose au titre du processus d�observation du scrutin pr�sidentiel du 6
juin prochain que pr�pare le g�n�ral Mohamed Ould Abdelaziz.
8- Et la France ?
En effet, la France, renouant avec les d�mons de la �Fran�afrique�,
vient d�apporter, par la voix du pr�sident Nicolas Sarkozy, un appui
inesp�r� au Haut Conseil d�Etat. D�une mani�re plus discr�te, l�Espagne,
aussi, vient de manifester une certaine bienveillance au g�n�ral Mohamed
Ould Abdelaziz. Il convient, n�anmoins, de relativiser l�autonomie dont
dispose la France au sein du comit� de suivi international.
9- Les m�diations africaines
Ces deux m�diations sont sans commune mesure avec celles qui ont �t�
entreprises, directement, par le comit� de contact international. Le
colonel Mouammar El- Kadhafi a agi, finalement, en qualit� d�id�ologue
interpell� par le r�le de l�institution militaire, pas en qualit� de
pr�sident en exercice de l�Union africaine. En se contentant d�admettre
le fait accompli du coup d�Etat militaire, il s�est, ipso facto,
disqualifi�. La m�diation actuelle du S�n�gal pourrait conna�tre le m�me
sort. Outre l�influence limit�e dont dispose ce pays, l�engagement
ostensible d�j� manifest� par le pr�sident Wade en faveur du g�n�ral
Mohamed Ould Abdelaziz n�est pas pour faciliter la t�che...
10- Les perspectives de la crise actuelle
A court terme, l�aggravation de la crise reste l�hypoth�se la plus
probable. Le g�n�ral Mohamed Ould Abdelaziz fait preuve d�une
obstination presque exceptionnelle. Il dispose de moyens logistiques et
de solidarit� bureaucratique et traditionnelle suffisantes pour imposer
son �lection � la pr�sidence de la R�publique, le 6 juin prochain. Il
envisage, probablement, de consacrer son �lection en faisant �lire, dans
les m�mes conditions, une nouvelle Assembl�e nationale. Il faut
s�interroger si cette marche � pas forc�s peut venir � bout de la
r�sistance de l�opposition d�mocratique et du rejet de la communaut�
internationale.
11- Les risques encourus par le g�n�ral Mohamed Abdelaziz
Il lui manquera la l�gitimit� consensuelle ent�rin�e par la
reconnaissance internationale. Pourra-t-il gouverner dans la s�r�nit� et
dans la dur�e ? Envisageons, d�abord, le rapport de force interne. Le
Basep, ce fameux bataillon de la protection pr�sidentielle, a pu servir
pour la r�ussite d�une r�volution de palais. Il lui sera plus difficile,
m�me en s�appuyant sur les unit�s d��lite et les autres appareils de
r�pression, de contenir la volont� r�solue des forces vives les plus
dynamiques de la soci�t� mauritanienne. L�exemple de dynamisme et
d�endurance de la classe politique en Mauritanie et le degr� d��veil
politique de la soci�t� mauritanienne sont des param�tres qu�il ne faut
plus sous-estimer. La normalisation, au sens d�une r�signation m�canique
au coup d�Etat militaire, semble difficile � concevoir. Comment r�agira,
entre autres, la population lorsqu�elle s�apercevra que le g�n�ral
Mohamed Ould Abdelaziz ne pourra pas tenir les promesses qu�il a faites
avant son �lection ? Par ailleurs, je n�imagine pas cette communaut�
devoir se d�juger facilement. Ce sera, probablement, le maintien de la
condamnation du coup de force. La communaut� internationale insiste dans
toutes ses recommandations de sortie de crise sur la notion de
consensualit�. Comment pourrait-elle ent�riner une d�marche, quasiment,
unilat�rale ? Rappelons, d�j�, les mesures individuelles, restrictions
de d�placement et gel des avoirs personnels. Les dirigeants mauritaniens
pourront-ils vivre en vase clos ? La Mauritanie, elle-m�me, si elle est
exclue des espaces institutionnels internationaux, pourra-t- elle
exister sur la sc�ne mondiale ? De mani�re encore plus d�terminante, la
Mauritanie pourra-t-elle r�sister � des mesures de r�torsion �conomique
? Il est probable que les bailleurs de fonds, Union europ�enne,
Etats-Unis, Banque mondiale et FMI, appliqueront des conditionnalit�s
politiques � leurs rapports avec les nouveaux dirigeants du pays. Il se
trouve que la Mauritanie dont la situation �conomique est plut�t
d�l�t�re traverse, par ailleurs, une conjoncture d�favorable. Nonobstant
la r�vision � la baisse des quantit�s de p�trole extraites du sous-sol
mauritanien, une m�vente s�v�re frappe sur le march� international le
poisson mauritanien qui concourt, pourtant, � 50% dans les exportations
du pays. Le minerai de fer, lui-m�me, est affect� par une baisse des
prix de 30% alors qu�il constitue une source de revenus importante pour
la Mauritanie. D�ores et d�j�, la rar�faction de la monnaie nationale
avec, presque, la quasi-absence de devises �trang�res, se font sentir au
niveau de la banque centrale de Mauritanie. Vous le voyez, au plan
�conomique comme au plan politique, la marge de man�uvre du g�n�ral
Mohamed Ould Abdelaziz est, singuli�rement, r�duite. Mon �tat d��me ne
peut pas servir, en effet, de grille d�analyse convaincante. Il se
trouve que je m�appuie sur des arguments probants. La science politique
n�est pas une science exacte. Elle permet, toutefois, de distinguer dans
une conjoncture ce qui refl�te une tendance lourde. L�obstination du
g�n�ral Mohamed Ould Abdelaziz peut susciter, en effet, l��bahissement
des observateurs de la sc�ne mauritanienne. C�est une autre chose que de
voir cette obstination parvenir � contrecarrer l�aspiration de la
soci�t� mauritanienne � la d�mocratie. A supposer, m�me, que le g�n�ral
Mohamed Ould Abdelaziz, une fois �lu, entreprenne un retour graduel au
syst�me d�mocratique, sa d�marche aura servi, seulement, � retarder un
processus de port�e historique.
12- L'incontournable solution consensuelle
Une solution consensuelle, en tout �tat de cause. Toute solution doit
tenir compte de trois param�tres essentiels : le poids des forces
politiques de l�opposition fermement r�solues � s�opposer au coup d�Etat
militaire, le poids non n�gligeable de toutes les forces arm�es
mauritaniennes et leur implication actuelle dans le champ politique, le
poids important de la communaut� internationale et son impact sur la
situation interne en Mauritanie. Comment relier entre eux ces trois
param�tres dans le cadre d�une solution qui garantisse l�instauration
p�renne du syst�me d�mocratique avec un retrait effectif de l�arm�e du
champ politique ? Il faut parvenir � convaincre les chefs militaires �
accepter cette �volution tout en leur garantissant des conditions d�une
r�insertion dans la vie qui ne compromette pas leur int�grit� morale et
physique. Voil� la seule issue raisonnable. Toutes les parties
concern�es devraient s�entendre au pr�alable sur des objectifs majeurs.
Il s�agit bien de favoriser le retrait de l�arm�e du champ politique
avec l��lection, dans un climat de totale transparence, de nouvelles
assembl�es repr�sentatives suivie du choix, au suffrage universel, d�un
nouveau chef de l�Etat. L�ex�cution de cet accord qui s��talerait sur
six � douze mois devait �tre confi�e � une autorit� transitoire dont le
chef serait une personnalit� consensuelle. Cette personnalit� devrait
jouir de la consid�ration de l�opinion publique nationale et de la
confiance de la classe politique mauritanienne. Elle devrait �tre
capable d�imposer son autorit� � l�institution militaire. Elle devrait
b�n�ficier de la caution de la communaut� internationale. La
personnalit� de l�ancien pr�sident Ely Ould Mohamed Vall pourrait
satisfaire � ces exigences.
13- Les attentes alg�riennes
Malgr� son appartenance � l�Union africaine qui devrait la lier par
un refus de principe des coups d�Etat militaires, l�Alg�rie semble se
rapprocher, en effet, des positions du Haut Conseil d�Etat mauritanien.
La premi�re explication est � rechercher dans la crainte, tout � fait
naturelle, de l�Alg�rie de se laisser distancer par le Maroc dans un
espace intimement li�, en termes g�ographiques et diplomatiques, au
conflit du Sahara occidental. La deuxi�me explication, plus prosa�que,
serait � rechercher dans la crainte probable des pouvoirs publics en
Alg�rie de voir r�ussir dans un pays limitrophe une parfaite transition
d�mocratique.
14- Vers un mod�le de transition
Deux faits essentiels m�ritent attention. Malgr� la coexistence
d�ethnies et de races diff�rentes au sein de la population
mauritanienne, il se d�veloppe un sentiment national puissant fortement
teint� de rationalit� politique. Cet aspect, de mani�re paradoxale, est
� rapprocher de l�importance du r�le que les �harratine � ont conquis au
sein de la vie politique en Mauritanie. C�est une avanc�e consid�rable
pour un pays r�put� �tre, seulement, une construction artificielle. Le
deuxi�me fait concerne le r�sultat escompt� du processus politique en
cours en Mauritanie. Le but de ce processus consiste, rappelons-le, �
statuer, en bonne et due forme, sur la place de l�arm�e dans la vie de
la nation. Avez-vous relev�, � ce propos, que les officiers qui se
livrent, d�sormais, � des coups d�Etat militaires, � travers l�Afrique
notamment, se gardent bien de vouloir se maintenir au pouvoir ? Ils se
limitent � un r�le de facilitateurs pour permettre le d�blocage de
crises internes majeures ou l�acc�l�ration de transitions vers le
syst�me d�mocratique. D�s lors que l�enjeu de la crise en Mauritanie
porte sur le d�passement de cette hypoth�que que constitue
l�interf�rence intempestive et r�p�t�e de l�institution militaire dans
la vie politique du pays, le d�nouement en est important. Pour peu
qu�elle �volue positivement et cette crise d�bouchera sur un v�ritable
mod�le de transition d�mocratique pour l�Afrique et le monde arabe.
M. M. C.
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