Monde : LIBAN, �LECTIONS L�GISLATIVES
De Beyrouth,
De Beyrouth, Hassane Zerrouky


Un peu plus de 3,2 millions de Libanais sont appel�s aujourd�hui dimanche � �lire les 128 d�put�s (64 musulmans et 64 chr�tiens) du Parlement dans un contexte de tensions o� la majorit� au pouvoir fait feu de tout bois contre le Hezbollah et ses alli�s. Un scrutin sous haute surveillance supervis� par des observateurs internationaux dont l'ancien pr�sident am�ricain Jimmy Carter.
Beyrouth, une exception dans le monde arabe
La capitale libanaise reste �gale � elle-m�me. A la veille d�un scrutin jug� crucial pour l�avenir du pays, la capitale libanaise ne donne aucun signe de nervosit�. Une ville qui, malgr� la crise que conna�t le pays, ne ressemble � aucune autre capitale arabe. On construit partout. Des immeubles s��l�vent, des boutiques, des commerces, des caf�s, des bars-restaurants s�ouvrent, qui font de la capitale libanaise une cit� dynamique et attachante. Le quartier de Hamra dans Beyrouth-Ouest, ancien fief des forces progressistes libanaises, durant la guerre civile 1975-1990, l� o� le cin�aste alg�rien Farouk Beloufa a film� Nahla, est toujours aussi anim�. Hamra est, pour ainsi dire, le c�ur de Beyrouth. C�est � la fois un centre commercial et financier � toutes les banques y ont leurs si�ges � , culturel, universitaire � c�est ici que se trouve l�Universit� am�ricaine fond�e en 1866 � et d��dition, le plus important du monde arabe. C�est dans ce quartier que r�side Fayrouz� Dans cette partie ouest de la ville, aujourd�hui majoritairement sunnite, fief du Courant du futur de Saad Hariri, les salafistes sont inexistants. Le port de la barbe, le kamis, le hidjab sont rares. C�est aussi le quartier des intellectuels, de la soci�t� civile et de la gauche et des d�mocrates libanais. Le caf� Coste, le Linas et d�autres endroits conviviaux sont les lieux de rencontre de la soci�t� civile et politique. Dans ces lieux, le matin, autour d�une tasse de caf� ou de th�, les Libanais sont plong�s dans la lecture de la presse, principalement le journal de gauche, Al-Safir, l�un des plus forts tirages de la presse libanaise. Mais aussi son rival, En-Nahar, du regrett� Djebran Tueni, assassin� en 2005. Et Al-Akhbar, du regrett� Joseph Smaha, proche � la fois du Courant patriotique libre (CPL) de Michel Aoun, des communistes, des la�cs et du� Hezbollah. Mais Beyrouth ne se r�sume pas au seul quartier Hamra, avec ses h�tels, ses boutiques de luxe, ses restaurants et clubs de jazz, comme le Blue-Note, rendez-vous des stars du jazz mondial. A l�oppos�, c�est � Beyrouth-Est, Achrafieh, le quartier chr�tien, que se disputent deux forces politiques, d�un c�t� le parti des Kata�b d�Amine Gemayel et les Forces libanaises de Samir Geagea, alli�s du Courant du futur de Saad Hariri, et de l�autre le Courant patriotique libre (CPL) de Michel Aoun, alli� du Hezbollah. Dans ce quartier � l�apparence tr�s bourgeoise, avec ses boutiques de luxe, ses bars branch�s, dont les Forces libanaises avaient fait leur fief durant la guerre civile libanaise, une partie de la population suspecte fortement le Parti de Dieu de vouloir faire du Liban un bastion avanc� de l�Iran. On le craint. La d�monstration de force du Parti de Dieu en mai 2008 o� ses milices ont investi la capitale en moins de 24 heures, en r�ponse � une s�rie de provocations arm�es destin�es � tester ses capacit�s de riposte, a fait r�fl�chir bien des gens, aussi bien parmi les Forces libanaises de Samir Geagea que parmi les sunnites de Saad Hariri. Et entre ces deux quartiers, la place des Martyrs, le centre-ville, l�ancienne ligne de d�marcation s�parant Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est durant les combats entre les forces progressistes et les Forces libanaises (chr�tiennes) de Bechir Gemayel et Samir Geagea. Le centre-ville, compl�tement d�truit durant les 15 ann�es de guerre civile (1975-1990), a �t� reconstruit par Rafik Hariri : restaurants, boutiques de luxe, habitations haut de gamme. C�est ici que se trouvent le si�ge du gouvernement libanais, la Mosqu�e Al-Amine qui abrite le tombeau de Rafik Hariri (assassin� en 2005) et qui jouxte la cath�drale Saint-Georges. Occup� en 2007 et une partie de 2008 par l�opposition libanaise, ce centre-ville est de nouveau ouvert au public depuis l��lection de Michel Sleimane en mai 2008 � la t�te de l�Etat. Beyrouth-Sud, 500 000 habitants, majoritairement chiite, est le fief du Hezbollah. Dans ce quartier populeux o� gr�ce � la diaspora chiite libanaise, notamment de richissimes hommes d�affaires, vivant en Afrique sub-saharienne et en Am�rique latine, mais aussi, dit-on, gr�ce � des fonds iraniens, les immeubles ras�s par l�aviation isra�lienne durant la guerre de l��t� 2006 ont �t� reconstruits. Ici, o� les portraits de Hassan Nasrallah et d�Imad Moughni� assassin� � Damas, diton, par le Mossad, d�corent les magasins et les murs de ce quartier, on se surprend � voir des jeunes femmes en jean et jupe c�toyant celles qui portent le tchador ! On ne rencontre jamais un homme arm�. A peine quelques hommes en faction devant les quelques permanences du parti chiite.
L��nigme du Hezbollah
Dans ce climat de veille �lectorale, les regards sont braqu�s sur le Parti de Dieu. Son chef Hassan Nasrallah s�adresse toujours � ses partisans via un immense �cran g�ant lors des meetings du parti chiite ou par le canal de la t�l� El Manar. Personne ne sait o� il habite, o� il vit. C�est en quelque sorte �l�imam cach� chiite. Ses milices tout comme ses armes sont pratiquement invisibles. La culture du secret constitue sa force. En d�pit de sa force militaire (plus puissante que l�arm�e libanaise) qui dispose d�une puissance de feu que seul Isra�l est en mesure de contrer, de ses capacit�s de mobilisation, le Hezbollah fait le dos rond � il ne pr�sente que onze candidats aux �lections �, s�effa�ant pour les besoins de la cause derri�re son rival Amal de Nabih Berri. Alors que chacun sait qu�il peut du jour au lendemain effacer d�mocratiquement Amal de la carte politique chiite. On dit �galement qu�il peut se passer du Parlement et qu�il h�site � entrer au gouvernement en cas de victoire de l�opposition dont il fait partie. Pour toutes ces raisons, il fait peur au Courant du futur de Saad Hariri et ses alli�s chr�tiens les Kata�b d�Amine Gemayel et des Forces libanaises de Samir Geagea. Il fait peur �galement parce que de nombreux Libanais craignent de voir leur pays entra�n� dans une nouvelle guerre au cas o� Isra�l bombarderait les installations nucl�aires iraniennes. Benyamin Netanyahu, pour qui le Hezbollah est un �bastion avanc� de l�Iran� dans la r�gion, a laiss� entendre que son arm�e r�ve de revanche depuis leur lamentable m�saventure de l��t� 2006 dans le Sud-Liban, et de s�en prendre aux alli�s de l�Iran, � savoir le Hezbollah et la Syrie. Les man�uvres militaires isra�liennes (31 mai au 4 juin), les plus importantes depuis 1961, qui se sont d�roul�es � proximit� du Liban et de la Syrie s�inscrivent dans cette perspective. Aussi les Libanais mettent-ils tous leurs espoirs dans Barack Obama, le seul � m�me de faire pression sur Isra�l afin d��viter un embrasement de la r�gion. Le Parti de Dieu fait comme si de rien n��tait. Mais, dit-on � Beyrouth, il aurait mis ses forces en �tat d�alerte. En bref, le pays vit sur des charbons ardents. Et du coup, beaucoup souhaitent la victoire du parti du sunnite Hariri et de ses alli�s chr�tiens sur l�opposition men�e par le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL, chr�tien) de l�ex-g�n�ral Michel Aoun. Tout comme le Hezbollah, le CPL, qui est donn� favori dans les r�gions chr�tiennes du Liban, fustige ses adversaires chr�tiens, le parti de l�argent et d�nonce les crimes commis par les Forces libanaises durant la guerre civile libanaise.
Les communistes, seule force la�que
Dans ce Liban o� du fait d�une loi �lectorale favorisant le confessionnalisme, les chr�tiens votent pour les chr�tiens, les sunnites pour les sunnites, les chiites pour les chiites, les Druzes pour les Druzes, seul le Parti communiste libanais (PCL) se bat � la fois pour la la�cit� et pour le vote � la proportionnelle. Cr�dit� par les sondages de 15% de voix, en cas de vote � la proportionnelle, il aurait automatiquement 15 d�put�s sur les 128 si�ges du Parlement. Le PCL n�est sans doute plus cette force redoutable que l�on a connue durant la guerre civile libanaise (c��tait d�ailleurs la principale force) contre les Kata�b et les Forces libanaises, mais il reste bien implant� dans le Metn, � Ba�bda, � Koura, et m�me dans le Sud-Liban chiite o� il dispose de combattants arm�s ayant pris part � la guerre contre Isra�l durant l��t� 2006. Le PCL a refus� de pr�senter des militants de confession chr�tienne dans les r�gions chr�tiennes, de confession chiite dans les r�gions chiites et de confession sunnite dans les r�gions sunnites : en un mot, il refuse d�entrer dans le jeu du confessionnalisme comme le veut la loi �lectorale. Pour toutes ces raisons, le PCL, dont plusieurs des dirigeants ont �t� assassin�s durant l�occupation syrienne, a d�ailleurs rejet� l�offre faite par le Hezbollah et Michel Aoun de rejoindre l�opposition, moyennant un groupe de 5 � 7 d�put�s.
Issue � la crise, une troisi�me force
Pour sortir de la crise, le pr�sident Michel Sleimane, qui se veut au-dessus des partis, va, dit-on, former son propre groupe parlementaire en s�alliant au Druze Walid Djoumblat et au chiite Nabih Berri. Gr�ce � cette troisi�me force, encourag�e en sous-main, dit-on, par les Etats-Unis, le chef de l�Etat libanais disposerait d�une marge de man�uvre en mesure de faire face aux �ch�ances � venir et de contraindre le Courant du futur de Saad Hariri, les Kata�b, voire le CPL de Michel Aoun � un jeu d�alliance, en vue de la formation du prochain gouvernement. Ce serait une sorte de minorit� de blocage emp�chant toute formation de gouvernement de coalition n�ayant pas l�aval du chef de l�Etat. En r�sum�, quel que soit le r�sultat des urnes, rien n�est encore d�finitivement jou�. Isra�l, qui parie sur un gouvernement sous influence du Hezbollah, risque de voir ses espoirs d�agression d��us.
H. Z.

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